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06/05/2025 | FRANCE | N°24NT00809

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 06 mai 2025, 24NT00809


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 19 octobre 2022 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'ascendant d'un ressortissant français ainsi que cette décision consulaire.



Par un

jugement n° 2302119 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 19 octobre 2022 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'ascendant d'un ressortissant français ainsi que cette décision consulaire.

Par un jugement n° 2302119 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2024, M. C... D..., représenté par Me Tournan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 15 mars 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et la décision de l'autorité consulaire française en Algérie du 19 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé dans un délai de sept jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités ; les premiers juges n'ont pas écarté des débats le mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur après la clôture d'instruction ; le tribunal a soulevé d'office un moyen sans le soumettre au débat contradictoire ; le tribunal ne l'a pas informé d'un problème technique affectant plusieurs pièces produites ;

- la décision consulaire contestée est entachée d'un défaut de motivation en droit ; elle comporte une erreur dans les visas des textes ; elle ne vise pas l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; elle n'est pas motivée en fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, l'administration ajoutant une condition à l'obtention d'un visa d'établissement au regard des stipulations de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses ressources et aux conditions de son séjour en France ;

- elle est entachée d'erreur de droit, la circonstance que le demandeur de visa n'ait pas d'assurance maladie ne pouvant être opposée à un ressortissant algérien ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 22 mars 2024 au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D... relève appel du jugement n° 2302119 du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 19 octobre 2022 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'ascendant d'un ressortissant français ainsi que cette décision consulaire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. La décision du 15 mars 2023 de la commission de recours contestée est fondée sur l'insuffisance des ressources propres et régulières de M. D... pour faire face à ses frais de séjour en France et sur l'absence d'une assurance maladie.

3. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " (...). ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles (...) 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ".

4. L'étranger désirant se rendre en France et qui sollicite un visa de long séjour en qualité de visiteur doit justifier de la nécessité dans laquelle il se trouve de résider en France pour un séjour de plus de trois mois. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où ce visa peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle par le juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., né en 1952 et divorcé, perçoit une pension de retraite d'un montant annuel de 4 900 euros. Il établit également que deux de ses enfants, M. B... D... et Mme A... F... D... épouse E..., tous deux ressortissants français, ont pris l'engagement de l'héberger et de prendre en charge ses besoins pendant toute la durée de son séjour en France. Il ressort également des pièces du dossier que le foyer de Mme A... F... E... a déclaré pour l'année 2022 un revenu imposable de 131 542 euros et que M. B... D... a déclaré pour la même année un revenu imposable de 34 625 euros. Il ressort encore des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. D... a souscrit une police d'assurance individuelle voyage couvrant notamment les frais médicaux jusqu'à 30 000 euros. Au surplus, une autre assurance voyage a été souscrite à compter du 1er janvier 2024 couvrant également notamment les frais de santé à hauteur de 30 000 euros. Par ailleurs, les cinq enfants de M. D... et tous ses petits-enfants résident en France, de même que son ex-épouse, de sorte que l'intéressé se trouve isolé en Algérie, ses parents et son frère étant décédés. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. D... le visa sollicité pour les motifs énoncés au point 2.

6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard à ses motifs, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré à M. C... D.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ce visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2302119 du 22 décembre 2023 du le tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 15 mars 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... D... un visa d'entrée et de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00809


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00809
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : TOURNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24nt00809 ?
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