Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 8 mars 2022 de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) refusant de délivrer à Mme D... un visa de long séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant étranger bénéficiaire de la protection subsidiaire.
Par un jugement n° 2215597 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2024, Mme B... D... et M. A... E... C..., représentés par Me Colas, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Colas, leur avocat, de la somme de 1 500 euros hors taxe au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée a été prise en méconnaissance des articles L. 561-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle et familiale ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... et M. C... relèvent appel du jugement n° 2215597 du 10 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à Mme D... un visa de long séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant étranger bénéficiaire de la protection subsidiaire.
2. Il ressort de l'accusé de réception du recours administratif formé en date du 28 mars 2022 devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que les requérants ont été informés qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire contestée. L'autorité consulaire a refusé de délivrer le visa sollicité pour les motifs tirés de ce que les déclarations de la demandeuse conduisent à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de la réunification familiale et de ce que la demande de visa a été déposée dans la cadre d'une réunification familiale partielle qui porte atteinte à l'intérêt des enfants de la personne placée sous la protection de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou de son conjoint.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; (...) ".
4. M. C..., ressortissant afghan né en 1993, est entré en France en janvier 2016 et a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 décembre 2016. Il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande d'asile et des propos tenus lors de l'entretien avec un agent de l'OFPRA que M. C... et Mme D... étaient voisins et se connaissent depuis de nombreuses années. Mme D... a été mariée à un autre homme et a eu un fils puis elle a subi des violences la contraignant à retourner vivre chez ses parents. M. C... soutient qu'il aurait été menacé par l'époux de Mme D... et que pour cette raison, il a quitté l'Afghanistan en mai 2015. Toutefois, il ressort d'un courrier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 juillet 2018 que les incohérences dans les dates des différents actes d'état civil n'ont pas permis à l'office de reconnaître la validité d'un mariage qui aurait uni M. C... et Mme D... en avril 2012, en 2014 ou en février 2015, tandis que Mme D... a obtenu le divorce de son premier époux le 31 décembre 2015. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... s'est rendu en Iran au cours de l'été 2022 pour rendre visite à Mme D... qui vit désormais dans ce pays et que le 4 août 2022, les intéressés se sont mariés à Téhéran. Dans ces conditions, à la date d'introduction de la demande d'asile de M. C..., les intéressés n'étaient pas mariés et il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'entretien devant l'OFPRA et de la décision de l'Office accordant à M. C... le bénéfice de la protection subsidiaire, qu'ils avaient une vie commune suffisamment stable et continue pour pouvoir regarder Mme D... comme étant alors la concubine de M. C.... Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu légalement refuser de délivrer le visa sollicité au motif que M. C... tentait d'obtenir frauduleusement, pour Mme D..., un visa au titre de la réunification familiale alors que sa situation ne lui permettait pas de prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
5. En second lieu, pour les motifs exposés au point 4, il n'est pas établi que M. C... et Mme D... auraient vécu en situation de concubinage en Afghanistan. A cet égard, il ressort des pièces du dossier qu'alors que M. C... a quitté l'Afghanistan en mai 2015 et que Mme D... a obtenu le divorce de sa première union en décembre 2015, les intéressés ne se sont retrouvés qu'en 2022 en Iran afin de célébrer leur union. En outre, il n'est pas établi que Mme D... serait isolée en Iran, pays où elle réside depuis plusieurs années. Aussi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en est de même du moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation des requérants.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il suit de là que leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... et M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à M. A... E... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00309