Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 février 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans, à compter du 9 juin 2020, sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 2100861 du 18 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mai 2024 et 14 novembre 2024, Mme A..., représentée par Me Magbondo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 8 février 2021 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'erreur de fait, dès lors que son époux est français de naissance ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juillet 2024, 3 décembre 2024 et 19 décembre 2024, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse B..., ressortissante malgache née le 13 décembre 1968, a sollicité sa naturalisation. Par une décision du 9 juin 2020, le préfet de l'Essonne a ajourné sa demande à deux ans. Par une décision du 8 février 2021, le ministre de l'intérieur, saisi du recours administratif préalable obligatoire prévu par l'article 45 du décret du 30 décembre 1993, a confirmé cette décision d'ajournement à deux ans à compter du 9 juin 2020. Par un jugement du 18 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette dernière décision. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) " En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations d'apprécier l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française aux étrangers qui la demandent. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
3. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur ce que l'intéressée a été l'auteur de faits d'aide au séjour irrégulier de son époux de 1995 à 2020 et a ainsi méconnu la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France.
4. D'une part, aux termes de l'article 30 du code civil : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants. " Mme A... soutient que son mari n'a pu résider irrégulièrement sur le territoire français entre 1995 et 2020 dès lors qu'il est français de naissance, ainsi que l'a constaté un certificat de nationalité française délivré par le tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt le 11 octobre 1993. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce certificat de nationalité a été annulé pour avoir été établi sur la base de faux documents, par un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 20 septembre 1995, lequel a constaté l'extranéité de l'intéressé. Mme A..., qui n'était pas partie à l'instance devant le tribunal de grande instance de Nanterre n'est pas recevable à se prévaloir, sur le fondement de l'article 478 du code de procédure civile, de ce que ce jugement est non avenu pour n'avoir pas été notifié à son époux. En tout état de cause, cette seule circonstance ne serait pas de nature à établir la nationalité française de son époux, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le service central d'état-civil a eu connaissance de ce jugement et en a tiré la conséquence sur la nationalité de l'intéressé le 12 juillet 1996 et que le passeport français qui avait été délivré à l'intéressé le 25 février 1997 a été ultérieurement annulé. Le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur de fait doit, dès lors, être écarté.
5. D'autre part, si les dispositions du 2° de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, aujourd'hui codifiées à l'article L. 823-9 du même code, prévoient que l'aide au séjour irrégulier du conjoint ne peut faire l'objet de poursuites pénales, ces dispositions ne s'opposent pas à ce que les faits susmentionnés puissent être pris en compte, en tant qu'ils constituent une méconnaissance des lois de la République, pour ajourner une demande de naturalisation. Au regard des circonstances rappelées au point précédent, tenant à l'existence d'une procédure judiciaire et à l'annulation du passeport délivré à son mari, Mme A... ne pouvait ignorer que celui-ci résidait sur le territoire en situation irrégulière. Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont il dispose en la matière, le ministre a pu, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, se fonder sur ces faits, récents à la date de la décision contestée et non dépourvus de gravité, pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme A....
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par cette dernière doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Montes-Derouet, présidente,
- M. Dias, premier conseiller,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2025.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
I. MONTES-DEROUET
La greffière,
A. MARCHAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24NT01353