Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 avril 2024 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n°2405582 du 18 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juin et le 12 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Philippon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement est irrégulier dès lors que les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ne figurent pas sur l'expédition du jugement ;
- il existe un doute sur la compétence du magistrat désigné de première instance, le président du tribunal administratif est seul compétent pour statuer sur les litiges relatifs aux demandes d'annulation des assignations à résidence.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée méconnait le 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle présente un caractère disproportionné ;
- l'administration a commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit en limitant ses déplacements sur la commune d'Angers, alors qu'il résidait - avant même l'édiction de l'arrêté litigieux - dans la commune d'Avrillé depuis la fin de son sursis probatoire ;
- la perspective raisonnable d'éloignement n'est pas justifiée ;
- la décision contestée est entachée d'un détournement de procédure et d'une erreur de droit tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi au regard de l'utilisation successive et abusive des mesures d'assignation à résidence prise à son encontre ;
- la mesure d'assignation à résidence est illégale au regard de la caducité de la mesure d'éloignement le visant ;
- l'obligation de quitter le territoire du 17 avril 2023 méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de l'enfant Kemar garantit par l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- au regard de sa réinsertion pénale et de la reprise de sa vie matrimoniale, il peut à nouveau prétendre à l'attribution d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-1 ou à défaut de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant jamaïcain, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 avril 2024 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Il relève appel du jugement du 18 avril 2024 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement comporte les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier sur ce point.
3. Aux termes de l'article L. 614-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français est notifiée avec une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 (...), le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de ces mesures ". Aux termes de l'article L. 614-9 du même code : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction, ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours. Dans le cas où la décision d'assignation à résidence ou de placement en rétention intervient en cours d'instance, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la notification de cette décision par l'autorité administrative au tribunal ".
4. Contrairement à ce que soutient M. B..., il résulte des dispositions précitées que le président du tribunal ou le magistrat désigné à cette fin était bien compétent pour statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence en litige. Dès lors que le jugement en cause mentionne que le président du tribunal a désigné M. Cordrie, conseiller, pour statuer sur les litiges visés à l'article L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mention étant suffisante pour établir la compétence du magistrat désigné, le moyen tiré de l'incompétence dudit magistrat en première instance doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, la décision du 5 avril 2024 vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, et mentionne les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. B.... L'arrêté comporte ainsi les motifs de droit et les considérations de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Et aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable deux fois dans la même limite de durée ". Aux termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation en cause, qui oblige l'intéressé à se présenter tous les jours, sauf les samedis, dimanches et jours fériés, à 9h00, en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement au commissariat de police d'Angers, présenterait un caractère disproportionné. Les circonstances que l'intéressé travaillerait déjà dans la commune d'Angers, qu'il dispose d'un passeport en cours de validité, qu'il ait respecté les précédentes mesures d'assignation à résidence édictées à son encontre sont sans incidence à cet égard. Si le requérant fait par ailleurs valoir qu'il réside désormais à Avrillé, et que l'interdiction qui lui est faite de sortir de la ville d'Angers sans autorisation présente dès lors un caractère disproportionné au regard de sa situation, il ne soutient ni avoir informé le préfet de son changement d'adresse, ni l'avoir saisi d'une demande tendant à la modification du périmètre de son assignation au regard de ce changement, de sorte qu'à la date à laquelle la décision contestée a été prise, la fixation de la résidence de M. B... au sein de la commune d'Angers ne présentait pas un caractère erroné. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'éloignement de M. B... ne demeurait pas une perspective raisonnable, à la date de la mesure d'assignation contestée.
8. La circonstance que le préfet de Maine-et-Loire a successivement imposé deux mesures d'assignation à résidence d'une période de 6 mois à M. B..., en estimant que l'intéressé se trouvait dans l'impossibilité de regagner son pays d'origine, ne saurait établir que la décision attaquée aurait pour unique objectif de prolonger artificiellement la durée pendant laquelle l'intéressé a été astreint à une mesure privative de liberté. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'un détournement de procédure et d'une erreur de droit tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, au regard de l'utilisation successive et abusive des mesures d'assignation à résidence prise à son encontre.
9. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire du 17 avril 2023, notifié le jour même à l'intéressé, avait moins de trois ans à la date d'introduction de sa requête tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence en litige et demeurait exécutoire. Dans ces conditions, cet arrêté pouvait toujours fonder légalement la mesure d'assignation à résidence de M. B..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, modifiées par la loi n°2042-24 du 26 janvier 2024.
10. Il ressort des pièces du dossier que le préfet, pour prendre l'obligation de quitter le territoire fondant légalement la mesure d'assignation à résidence contestée, s'est fondé sur la circonstance que M. B... a été condamné par le tribunal correctionnel de Saumur à une peine d'emprisonnement délictuel de 24 mois assorti d'un sursis probatoire intégral pour des faits de menace de crime contre les personnes par écrit, image ou autre objet commis le 7 février 2022, violence sans incapacité sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime du 1er janvier 2019 au 7 février 2022, violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité du 1er janvier au 31 décembre 2020, sévices graves ou acte de cruauté envers un animal domestique, apprivoisé ou captif en présence d'un mineur le 7 février 2022 et violence n'ayant entraîné aucune incapacité de travail le 7 février 2022. M. B... s'est par ailleurs vu interdire, par la même décision de justice, de paraître à proximité de sa femme et d'entrer en contact avec elle ou les enfants confiés à sa garde pendant une même durée de deux ans. Si M. B... a été autorisé, le 16 janvier 2023, à correspondre avec ses enfants par l'intermédiaire du service d'action éducative en milieu ouvert, ce seul élément et les pièces produites sont insuffisantes pour établir que ce dernier contribue actuellement de manière effective à l'entretien et l'éducation de ses trois enfants, alors qu'il lui a été fait interdiction pendant deux ans d'entrer en contact avec ses enfants depuis le 11 février 2022 et que lesdits enfants ont fait l'objet durant trois ans d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert jusqu'au 1er octobre 2024. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le placement à résidence administrative de M. B..., pour une durée de 45 jours, n'est pas constitutif d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne saurait être regardée comme ayant porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants en méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 avril 2024 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2024 du préfet de Maine-et-Loire l'assignant à résidence dans la commune d'Angers pendant une durée de quarante-cinq jours.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2025.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT01652