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29/04/2025 | FRANCE | N°24NT01359

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 29 avril 2025, 24NT01359


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.



Par un jugement n° 2209343 du 29 novembre 2023 le tribunal administratif de N

antes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2209343 du 29 novembre 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 mai 2024 et 31 mars 2025, Mme B..., représentée par Me Arnal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'erreur de fait ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement nécessité par son état de santé n'est pas disponible en Guinée et qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier des soins nécessaires dans son pays d'origine

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2024, et un mémoire enregistré le 2 avril 2025, ce dernier non communiqué, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les observations de Me Arnal, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante guinéenne née le 20 octobre 1998, déclare être entrée irrégulièrement en France le 9 octobre 2018. Après avoir vainement sollicité l'asile, elle a demandé, le 3 mai 2021, au préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 25 mars 2022, le préfet a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 29 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, dans l'hypothèse où le tribunal administratif aurait commis, comme le soutient la requérante, une erreur de droit et une erreur de fait susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 mars 2022 :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un diabète de type II, révélé en mars 2021 et qu'à la date de la décision contestée, le traitement médicamenteux de sa pathologie par Metformine et Trulicity et sa prise en charge n'avaient pas cessé. Le préfet a produit en première instance la liste OMS des médicaments essentiels en Guinée établie en 2021 dont il ressort que le médicament Metformine est inscrit sur cette liste mais non le Trulicity.

Par ailleurs, il ressort de la documentation publique relative au système de soins en Guinée datée de 2020 que le diabète est mal pris en charge en Guinée, et en particulier l'accès au traitement médicamenteux, le score de disponibilité des médicaments essentiel étant qualifié de très faible (19%) et aucun établissement de santé ne disposant de tous. Il en ressort également que le score de disponibilité de la metformine est de seulement 2 %. Par suite, et en l'absence d'observations pertinentes produites par le préfet en appel établissant l'accès effectif au traitement requis par la pathologie dont souffre l'intéressée, ou par l'OFII qui a été attrait dans la procédure en qualité d'observateur, Mme B... est fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que cette décision est illégale et doit être annulée, de même que, par voie de conséquence, celle l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

7. Eu égard au motif d'annulation, par le présent arrêt, de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour de Mme B..., il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour d'une durée d'un an portant la mention vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir sous quinze jours d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Arnal, avocat de Mme B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Arnal renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 2209343 du 29 novembre 2023 est annulé, ensemble l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 25 mars 2022.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à Mme B... une carte de séjour d'une durée d'un an portant la mention vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir sous quinze jours d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Arnal au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Arnal renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01359
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;24nt01359 ?
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