Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant implicitement le recours formé contre la décision du 7 août 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste au Caire (Egypte) ont opposé un refus à sa demande de visa de long séjour pour motif professionnel.
Par un jugement n° 2300152 du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de long séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 mai 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu rejeter la demande eu égard à l'incomplétude des informations fournies ;
- il existe un risque avéré de détournement de l'objet du visa.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 juillet 2024 et le 10 mars 2025, M. A... et la société à responsabilité limitée (SARL) B..., représentés par Me Cavelier, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Par une lettre du 19 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions émanant de la SARL B..., cette dernière n'étant pas partie en première instance et n'ayant pas d'intérêt à agir contre le refus de visa opposé à M. A....
Des observations, présentées par M. A..., en réponse à la lettre adressée aux parties par la cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ont été enregistrées le 24 mars 2025 et communiquées au ministre de l'intérieur.
Vu :
- l'arrêt n° 24NT01698 du 12 juillet 2024 rejetant la demande de sursis à exécution du jugement attaqué ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant égyptien né en 1992, a sollicité la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France en vue d'y exercer une activité professionnelle. Les autorités consulaires françaises en poste au Caire (Egypte) ont, le 7 août 2022, opposé un refus à cette demande. Par un jugement du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé par l'intéressé contre la décision consulaire. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où un visa de long séjour, sollicité en vue d'exercer en France une activité professionnelle à titre libéral ou en qualité d'entrepreneur, peut être refusé et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais aussi sur toute considération d'intérêt général.
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur le risque de détournement de l'objet du visa sollicité par M. A.... Le ministre de l'intérieur soutient que la réalité de ce risque est démontrée, d'une part, par l'inadéquation entre le profil professionnel de M. A... et les caractéristiques de l'activité qu'il se propose d'exercer en France et, d'autre part, par le " recrutement intrafamilial organisé par son frère ".
4. Le ministre de l'intérieur a délivré un avis favorable sur le projet M. A... de participer à la société à responsabilité limitée (SARL) B..., créée en 2017 par son frère, qui en est également le gérant et dont M. A... détient, depuis le 8 mars 2021, 25 % des parts sociales. La société, dont l'activité principale porte sur des travaux de peinture intérieure et extérieure ainsi que des travaux de revêtement des sols et des murs, a connu une activité croissante entre 2019 et 2021 créant de nouveaux besoins de recrutement notamment pour les métiers de peintre et poseur de revêtement mais également, ainsi qu'en témoigne l'analyse des besoins réalisée par Caen La Mer Emploi et Compétences, d'assistant de direction, chargé d'affaire et chef d'équipe. M. A... produit deux certificats de travail dont il ressort qu'il a travaillé du 3 août 2015 au 29 janvier 2021 pour une compagnie générale de travaux où lui a été confiée la réalisation de travaux de décoration, de peinture et de dessin puis, du 1er mars 2021 au 1er mars 2023 au sein du département conception et décoration d'un promoteur immobilier. Alors même qu'il ne justifie pas d'un diplôme, l'expérience professionnelle de M. A... n'apparait pas en inadéquation avec l'activité de la SARL B... au titre de laquelle il a sollicité la délivrance d'un visa. La circonstance qu'un autre de ses frères, qui justifie de la même expérience professionnelle et détient également 25 % des parts de la société, a également sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en vue d'occuper un emploi salarié dans cette société ne démontre pas, par elle-même, que les intéressés n'auraient pas l'intention d'effectivement travailler au sein de la SARL B... ni, par suite, que le motif professionnel indiqué dans leurs demandes de visa ne correspondrait pas à la finalité réelle de leur séjour. Il suit de là qu'en se fondant, pour confirmer le refus de visa opposé à M. A... sur le risque de détournement de l'objet du visa, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce.
5. Le ministre de l'intérieur fait valoir en appel que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu légalement confirmer le refus de visa opposé à M. A... en se fondant sur l'incomplétude des informations fournies par l'intéressé et énumère une liste de documents que l'intéressé n'aurait pas produits. Toutefois, en admettant que, ce faisant, le ministre ait entendu solliciter une substitution de motifs, en se référant à l'annexe 10 de la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle concerne les justificatifs requis pour la délivrance de titres de séjour, le ministre n'éclaire pas utilement la cour quant aux dispositions légales ou réglementaires auxquelles la demande de visa présentée par M. A... n'aurait pas été conforme. S'il se prévaut également des informations publiées sur le site internet France-Visas, il ne résulte pas, en tout état de cause, de l'instruction que les autorités consulaires ou la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France auraient, conformément à l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, invité M. A... à produire les pièces ou informations dont la production est requise par un texte pour permettre l'instruction de la demande.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les frais liés au litige :
7. La SARL B..., qui n'était pas partie en première instance et qui ne justifie pas d'un intérêt à agir contre le refus de visa opposé à M. A... n'est pas recevable à demander la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, le versement à M. A... de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SARL B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. C... D... A... et la société à responsabilité limité B....
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Gaspon, président de chambre,
M. Coiffet, président-assesseur,
Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025.
La rapporteure,
K. BOUGRINE
Le président,
O. GASPONLa greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01697