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15/04/2025 | FRANCE | N°24NT01417

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 15 avril 2025, 24NT01417


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme G... J... B..., Mme E... D... C... et M. E... H... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française en Inde rejetant la demande de visa de long séjour pour Mme C... et M. C..., au titre de la réunification familiale, ensuite, d'enjoindre a

u ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer les visas demandés dans u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... J... B..., Mme E... D... C... et M. E... H... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française en Inde rejetant la demande de visa de long séjour pour Mme C... et M. C..., au titre de la réunification familiale, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer les visas demandés dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 2305256 du 15 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2024, Mme G... J... B..., Mme E... D... C... et M. E... H... C..., représentés par Me Le Floch, demandent à la cour :

1°) de les admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

3°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française en Inde rejetant la demande de visa de long séjour pour Mme C... et M. C..., au titre de la réunification familiale ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire délivrer les visas demandés dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une inexacte application des dispositions de l'article L.561-2 du code de justice administrative ; un enfant recueilli par une personne bénéficiaire d'une protection internationale peut bénéficier d'une procédure de réunification familiale ; la sœur de Mme J... B... et son mari, parents des enfants E... D... et E... H..., sont décédés respectivement en 2005 et en 2006 et elle les a pris en charge l'année suivante ; à son départ du Tibet, les enfants ont été recueillis par leurs grands-parents maternels où ils vivaient avec ses propres enfants, les jeunes E... F... et E... A... ; Les quatre enfants ont traversé l'Himalaya pour entrer en Inde le 3 février 2019 où ils ont été pris en charge par un " travailleur social " ;

- elle méconnaît leur droit à mener une vie familiale normale protégé notamment par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2025, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme J... B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme J... B..., ressortissante chinoise, née le 23 novembre 1974 à Tsawa Pashoe - Nerar - au Tibet et entrée en France le 18 novembre 2018, a obtenu le statut de réfugiée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 janvier 2019. Elle déclare avoir recueilli au sein de son foyer après 2006 les enfants de sa sœur décédée, E... D... C..., née le 5 juin 2002 et E... H... C..., née le 23 mai 2003. Elle a eu ensuite avec son mari deux enfants E... F... et E... A..., nés respectivement les 8 décembre 2005 et 23 septembre 2010 et pour lesquels elle a obtenu des visas au titre de la réunification familiale. Toutefois, les visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugiée sollicités pour sa nièce et son neveu, Mme E... D... C... et M. E... H... C..., ont été refusés par l'autorité consulaire française en Inde. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, par une décision implicite, rejeté le recours reçu, le 23 janvier 2023, contre la décision consulaire.

2. Mme J... B..., Mme E... D... C... et M. E... H... C... ont, le 17 avril 2023, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours formé à l'encontre de la décision consulaire et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois, sous astreinte. Par un jugement du 15 mars 2024, cette juridiction a rejeté leurs demandes. Ils relèvent appel de ce jugement.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il ressort des pièces du dossier que l'autorité consulaire française en Inde a rejeté les demandes de visa des jeunes E... D... et E... H... au motif qu'en application des articles L. 434-3 et L. 434-4 du CESEDA, et eu égard à leur situation familiale, les documents produits lors du dépôt de la demande de visa ne permettent pas de justifier que le lien de filiation n'est établi qu'à l'égard de la personne que les demandeurs entendent rejoindre en France, ou que l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux, ou qu'ils auraient été confiés à la personne qu'ils entendent rejoindre en France au titre de l'autorité parentale en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère.

4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. Aux termes de l'article L 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. ". L'article L 561-5 de ce code précise par ailleurs que : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ". Enfin, aux termes des articles L. 434-3 et L. 434-4 du même code, rendus applicables à la procédure de réunification familiale par l'article L. 561-4 de ce code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ", et que : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

5. Il est constant que Mme E... D... C... et M. E... H... C... ne sont pas les enfants de Mme G... J... B..., mais ses neveu et nièce. Les affidavits - acte fait sous serment ou déclaration solennelle - versés au dossier et délivrés le 24 novembre 2022 par le gouvernement d'Uttarakhand (Inde), lesquels ne revêtent pas de caractère juridictionnel, qui font mention du décès des parents des intéressés et de ce qu'ils auraient été confiés à leur tante depuis lors ne peuvent être regardés comme des décisions les ayant confiés, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, à Mme G... J... B... pendant leur minorité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait fait une exacte application des dispositions de l'article L .561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de visas.

6. En second lieu, d'une part, si Mme E... D... C... et M. E... H... C... soutiennent qu'ils considèrent leur tante, Mme J... B..., comme leur mère, il ressort des pièces du dossier qu'ils sont âgés de 20 et 19 ans à la date de la décision contestée, et ne sont pas isolés dans leur pays de résidence. D'autre part, les requérants ont versé en appel plusieurs documents, parmi lesquels une lettre du 12 avril 2024 de Mme J... B..., laquelle indique, sans davantage de précisions, " qu'elle a pris soin des enfants de sa sœur à son décès par amour et humanité " et une lettre traduite du 13 avril 2024 des deux enfants allégués adoptés qui expriment leur attachement à leur " famille adoptive ", dont les signatures sont illisibles, ainsi que des attestations des 4 et 13 avril 2024 du Bureau d'établissement tibétain Dehradun et du Bureau du Tibet qui reprennent les déclarations faites par Mme J... B... dans des termes généraux et non circonstanciés sur les conditions dans lesquelles elle a, avec son mari, accueilli les enfants, les a élevés pendant plusieurs années au sein de son foyer avant de quitter le Tibet. S'il est enfin exact que cette dernière, lors de son entretien devant l'OFPRA, a parlé à plusieurs reprises et de façon constante de ses quatre enfants dont les deux enfants de sa sœur et de son époux, adoptés après leurs décès en 2005 et 2006, cette seule circonstance n'est pas à elle seule suffisante. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme J... B... et Mmes E... D... C... et E... H... C... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions d'injonction :

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par les requérants ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement aux requérants, qui succombent dans la présente espèce, de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme J... B..., Mme E... D... C... et M. E... H... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... B..., et à Mmes E... D... C... et E... H... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24NT01417 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01417
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;24nt01417 ?
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