Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 février 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné, pour une durée de quatre ans, sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 2101837 du 5 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Balg, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 mars 2024 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du ministre souffre d'un défaut de motivation, notamment en fait ;
- alors que seuls deux des huit faits répréhensibles sur lesquels il s'est fondé sont matériellement exacts, le ministre a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de son comportement ;
- le ministre ne pouvait valablement lui opposer un défaut d'insertion professionnelle dès lors qu'elle est bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés depuis le 19 décembre 2019 ;
- les réponses qu'elle n'a pas su apporter aux questions posées lors de l'entretien d'assimilation résultent non d'une méconnaissance de l'histoire et de la culture françaises mais d'une émotivité en lien avec son handicap.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née en 1988, a sollicité l'octroi de la nationalité française. Par une décision du 25 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne a ajourné sa demande pour une durée de quatre ans. Saisi du recours préalable obligatoire prévu à l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, le ministre de l'intérieur a, par une décision du 19 février 2021, maintenu la décision d'ajournement pour une durée de quatre ans à compter du 25 juin 2020. Mme B... relève appel du jugement du 5 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. ".
3. La décision contestée, qui se réfère aux articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993, fait état de la condamnation pénale dont a fait l'objet Mme B... et mentionne les différents faits, datés, pour lesquels elle est défavorablement connue des services de police. Elle indique ensuite précisément les sujets sur lesquels l'intéressée n'a pas été en mesure de s'exprimer lors de son entretien d'assimilation et qui ont conduit le ministre à estimer qu'elle ne justifiait pas d'une connaissance suffisante de l'histoire, de la culture et de la société françaises. Elle expose, enfin, que l'insertion professionnelle de la postulante n'est pas pleinement réalisée en l'absence de ressources suffisantes. Elle comporte ainsi les motifs de droit et considérations de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
4. En second lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Le dernier alinéa de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dispose : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. ".
5. L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation, ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, elle peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis au sujet du comportement du postulant, son degré d'assimilation à la société française ou encore son degré d'insertion professionnelle et le niveau de ses ressources.
6. D'abord, il ressort des pièces du dossier que le 19 août 2013, Mme B... a commis un vol pour lequel elle a été condamnée au paiement d'une amende par une ordonnance pénale du tribunal correctionnel de Toulouse du 5 février 2015. Par ailleurs, l'enquête de gendarmerie diligentée dans le cadre de l'instruction de sa demande de naturalisation a révélé que l'intéressée était mentionnée dans le traitement des antécédents judiciaires " auteur " pour des faits, notamment, d'escroquerie, de vol à l'étalage et de violence en 2014 ou de délit de fuite après un accident de véhicule terrestre en 2015. La requérante conteste, il est vrai, la réalité de ces derniers faits. Toutefois, le ministre a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimé que son comportement était sujet à caution eu égard au vol à l'étalage dont elle a été l'auteur en 2013, soit moins de huit ans seulement avant l'intervention de la décision contestée.
7. Ensuite, la seule circonstance que Mme B... se soit vu, par une décision du 19 décembre 2019, accorder le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés ne suffit pas à établir que la faiblesse de ses ressources résulterait directement d'une maladie ou d'un handicap. D'ailleurs, par cette décision du 19 décembre 2019, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a reconnu à Mme B... la qualité de travailleur handicapé et a préconisé une orientation vers le marché du travail.
8. Enfin, Mme B... affirme que l'émotivité résultant de son handicap est à l'origine des difficultés rencontrées pour répondre à certaines questions lors de l'entretien d'assimilation. Elle n'apporte, cependant, aucun élément de nature à établir le bien-fondé de cette allégation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025.
La rapporteure,
K. BougrineLe président,
O. Gaspon
La greffière,
I. Petton
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 24NT01396 2
1