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08/04/2025 | FRANCE | N°24NT01940

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 08 avril 2025, 24NT01940


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 juin et 4 décembre 2024, la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon, représentée par Me Gelas, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2024 par lequel le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc de quatre éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Dissay-sous-Courcillon ;



2°) d'enjoindre au préfet de repren

dre la procédure d'instruction de sa demande d'autorisation environnementale dans un délai de deux moi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 juin et 4 décembre 2024, la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2024 par lequel le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc de quatre éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Dissay-sous-Courcillon ;

2°) d'enjoindre au préfet de reprendre la procédure d'instruction de sa demande d'autorisation environnementale dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;

- le préfet de la Sarthe a entaché sa décision d'incompétence négative en s'estimant irrégulièrement liée par les avis défavorables, d'une part, de la direction de la circulation aérienne militaire et de la direction générale de l'aviation civile manifestement illégaux et, d'autre part, de la direction départementale des territoires de la Sarthe et de l'architecte des bâtiments de France entachés d'erreur d'appréciation et au surplus dépourvus de caractère conforme ;

- le motif tenant à la méconnaissance des dispositions des articles R. 181-34, 2°, du code de l'environnement n'est pas fondé ; les avis de la direction de la circulation aérienne militaire sont entachés d'un défaut de base légale en l'absence de critères définis par décret ; le projet n'est pas de nature à constituer une gêne avérée et significative sur le radar de Cinq-Mars-la-Pile ; le préfet pouvait faire usage de la possibilité que lui offre l'article L. 515-45-1 du code de l'environnement ; en se fondant sur l'avis émis le 11 juillet 2023 par la direction générale de l'aviation civile pour la réalisation de l'éolienne E1 en raison de sa proximité avec la plateforme ULM de Saint-Pierre-de-Chevillé, au demeurant insuffisamment motivé, le préfet de la Sarthe a entaché son arrêté d'une erreur de droit doublée d'une erreur d'appréciation ; à titre subsidiaire, un sursis à statuer pourrait être prononcée par la cour au regard de la possibilité de recourir à une procédure d'arbitrage sur le redécalage du positionnement de l'éolienne E 1 de trois mètres ;

- le motif tendant à la méconnaissance des dispositions de l'article R. 181-34, 1°, du code de l'environnement n'est pas fondé ; l'autorité environnementale n'a pas été saisie en vertu de l'article R. 181-19 du code de l'environnement, privant l'exploitante d'une garantie de sorte que l'arrêté est entaché d'un vice de procédure ; le préfet ne pouvait substituer à l'avis de l'autorité environnementale celui émis par la direction départementale des territoires qui est en outre entaché d'erreur d'appréciation ;

- le motif tenant à la méconnaissance de l'article R. 181-34, 3°, du code de l'environnement n'est pas fondé ; l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France est un avis simple qui ne lie pas le préfet ; l'incidence des éoliennes du site des Rameries sur le château de Courcillon et son parc et plus généralement sur les monuments historiques présentes n'est pas telle qu'un rejet de l'autorisation s'imposait qui plus est dès la phase d'examen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2024, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- les observations de Me Boudrot, substituant Me Gelas, représentant la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon.

- et les observations de la commissaire de première classe Mme B..., juriste de la Direction de la sécurité aéronautique d'État et du lieutenant-Colonel A..., expert radar du Commandement de la Défense aérienne et des opérations aériennes mandatés par le préfet de la Sarthe.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon, a sollicité, le 25 mai 2023, la délivrance d'une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc de quatre éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Dissay-sous-Courcillon (Sarthe). Par un arrêté du 24 avril 2024, fondé notamment sur les avis conformes défavorables des 3 août 2023 et 19 janvier 2024 émis par la direction de la circulation aérienne militaire du ministère des armées, le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande. La société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon demande l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / (...) 2° Le ministre chargé de la défense (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne, est soumise à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement : " L'installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars utilisés dans le cadre des missions de sécurité météorologique des personnes et des biens et de sécurité à la navigation maritime et fluviale. / En outre, les perturbations générées par l'installation ne remettent pas en cause de manière significative les capacités de fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés dans le cadre des missions de sécurité à la navigation aérienne civile et les missions de sécurité militaire. (...) "

3. Il ressort de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation unique doit s'assurer que les perturbations générées par le projet de parc éolien ne gênent pas significativement le fonctionnement d'un radar militaire et qu'en cas de désaccord des services de la zone de défense aérienne compétente sur la configuration de l'implantation des aérogénérateurs, l'autorité administrative est tenue de refuser de délivrer l'autorisation sollicitée.

4. Toutefois, si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

S'agissant de l'exception d'illégalité du refus du ministre de la défense :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 515-45 du code de l'environnement : " Un décret en Conseil d'État précise les règles d'implantation des installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent vis-à-vis des installations militaires et des équipements de surveillance météorologique et de navigation aérienne, sans préjudice des articles L. 6350-1 à L. 6352-1 du code des transports. ".

6. L'avis litigieux trouve son fondement en particulier dans l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, mentionné plus haut, qui soumet à autorisation spéciale du ministre de l'aviation civile ou de la défense les installations telles que les éoliennes qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne. Par suite, et même si, à la date à laquelle il a été émis, aucun décret n'avait encore été pris pour l'application de l'article L. 515-45 du code de l'environnement, cet avis n'apparaît pas dépourvu de base légale.

7. En second lieu, l'avis défavorable du ministre des armées repose sur le motif tiré de ce que le projet conduit par la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon se situe à 32 km en intervisibilité simple du radar militaire de surveillance de Cinq-Mars-la-Pile à l'égard duquel il peut générer des perturbations présentant une gêne avérée pour la détection. Il résulte de l'instruction, notamment d'une étude d'intervisibilité réalisée par la brigade aérienne de la posture permanente de sûreté air (BAPPS) du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), que le lieu d'implantation des éoliennes se trouve dans le champ du radar de Cinq-Mars-la-Pile dont elles gênent la détection sur la moitié de leur hauteur alors que sa mission, prioritaire et permanente, vise à assurer la défense de l'espace aérien et permet également d'assurer des missions de service public telles que l'assistance en vol ou le secours aux victimes. Ces éléments, suffisamment précis et étayés, ne sont pas sérieusement contestés par la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon qui ne peut utilement se prévaloir de l'instruction n° 1050/DSAE/DIRCAM, dans sa version du 9 juillet 2018 dont il résulterait que les projets situés à plus de trente kilomètres des radars militaires ne sont soumis à aucune contrainte, qui a été abrogée par une instruction n° 1629/ARM/DSAE/DIRCAM/NP du 2 juin 2022 et qui, de toutes les façons, ne pouvait lier l'appréciation du ministre. La société requérante n'établit pas que la perte de détection du radar de Cognac pourrait être récupérée par d'autres moyens de surveillance dans l'espace aérien de la région. Contrairement à ce que soutient la requérante, la dernière consultation préliminaire a en tout état de cause fait l'objet d'un avis consultatif défavorable pour cause de gêne avérée dudit radar. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle le ministère des armées ne s'était pas opposé à l'implantation de parc éoliens situés à l'ouest du projet ne peut également suffire à établir le caractère erroné de l'avis défavorable du ministre de la défense intervenu en dernier lieu le 19 janvier 2024, notamment en l'absence de toute démonstration d'une parfaite similarité dans la situation de ce parc vis-à-vis du radar. Par suite, le ministre des armées n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet de parc éolien était susceptible de perturber de manière significative les capacités de détection du radar militaire de surveillance de Cinq-Mars-la-Pile. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cet avis doit par conséquent être écarté.

S'agissant des autres moyens de la requête :

8. Aux termes de l'article L. 515-45-1 du code de l'environnement " I. -Le représentant de l'État dans le département peut subordonner la construction ou la mise en service de nouvelles installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à autorisation environnementale à la prise en charge par l'exploitant de l'acquisition, de l'installation, de la mise en service et de la maintenance d'équipements destinés à compenser la gêne résultant de cette installation pour le fonctionnement des moyens de détection militaires ou pour le fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés en support de la navigation aérienne civile. Le montant et les modalités de cette prise en charge par l'exploitant sont définis par une convention conclue, selon le cas, avec l'autorité militaire ou avec le ministre chargé de l'aviation civile. (...) ".

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense s'est légalement opposé au projet de la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon. Dès lors, comme indiqué au point 3 du présent arrêt, le préfet de la Sarthe était en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée. Il en résulte que les autres moyens de la requête doivent être écartés comme inopérants y compris le moyen tiré de la méconnaissance l'article L. 515-45-1 du code de l'environnement alors qu'en tout état de cause, la société pétitionnaire n'établit pas que des équipements auraient pu compenser la gêne pour le radar militaire de Cinq-Mars-la-Pile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 24 avril 2024.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction de la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'État, qui n'est pas partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien de Dissay-sous-Courcillon et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 24NT019402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01940
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;24nt01940 ?
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