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28/03/2025 | FRANCE | N°24NT00014

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 28 mars 2025, 24NT00014


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de La Ferté-Macé et la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions des 7 et 9 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Orne a refusé le retrait de la commune de la Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers Agglo.



Par un jugement nos 2201838, 2201859 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé ces décisions des 7 et 9 juin 202

2 du préfet de l'Orne en tant qu'elles refusent le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la com...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de La Ferté-Macé et la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions des 7 et 9 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Orne a refusé le retrait de la commune de la Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers Agglo.

Par un jugement nos 2201838, 2201859 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé ces décisions des 7 et 9 juin 2022 du préfet de l'Orne en tant qu'elles refusent le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers Agglo selon la procédure de droit commun et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 janvier et 25 novembre 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 septembre 2023 en tant qu'il a annulé les décisions des 7 et 9 juin 2022 du préfet de l'Orne en tant qu'elles refusent le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers Agglo selon la procédure de droit commun ;

2°) de rejeter les demandes de la commune de La Ferté-Macé et de la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la condition de seuil de population n'était pas applicable à la procédure de retrait prévue par les dispositions de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales ;

- les autres moyens soulevés en première instance sont inopérants, dès lors que le préfet de l'Orne était en situation de compétence liée pour refuser le retrait litigieux compte tenu de l'application de la condition relative au seuil de population prévue par les dispositions de l'article L. 5216-11 du code général des collectivités territoriales.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 29 février 2024, la communauté d'agglomération Flers Agglo, représentée par Me Vève, conclut :

1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 25 septembre 2023 en tant qu'il a annulé les décisions des 7 et 9 juin 2022 du préfet de l'Orne en tant qu'elles refusent le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers agglomération selon la procédure de droit commun ;

2°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Ferté-Macé au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la condition de seuil de population n'était pas applicable à la procédure de retrait prévue par les dispositions de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales ; en tout état de cause, le préfet pouvait faire application de cette condition aux termes de son pouvoir d'appréciation.

Par des mémoires, enregistrés les 18 octobre et 6 décembre 2024, la commune de La Ferté-Macé, représentée par Me Morice, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le ministre de l'intérieur n'est fondé et que sa demande de première instance était fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2024, la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien, représentée par Me Soublin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le ministre de l'intérieur n'est fondé et que sa demande de première instance était fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 ;

- la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Morice pour la commune de la Ferté-Macé et celles de Me Le Coustumer, substituant Me Soublin, pour la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 6 avril 2022, le conseil municipal de La Ferté-Macé a voté le retrait de la commune de la communauté d'agglomération Flers Agglo et son adhésion à la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien au 1er janvier 2023. Par une délibération du 19 avril 2022, le conseil communautaire de cette dernière a accepté cette adhésion. Par des décisions des 7 et 9 juin 2022, le préfet de l'Orne a refusé le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers Agglo. La commune de La Ferté-Macé et la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien ont alors demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de ces deux décisions des 7 et 9 juin 2022. Par un jugement nos 2201838, 2201859 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions des 7 et 9 juin 2022 en tant qu'elles refusent le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers Agglo selon la procédure de droit commun et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Le ministre de l'intérieur fait appel de ce jugement.

Sur l'intervention volontaire, en demande, de Flers Agglo :

2. Flers Agglo justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué. Dès lors, son intervention est recevable et doit être admise.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales : " La communauté d'agglomération est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes formant, à la date de sa création, un ensemble de plus de 50 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave, autour d'une ou plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants. (...) ". Selon l'article L. 5211-19 du même code : " Une commune peut se retirer de l'établissement public de coopération intercommunale, sauf s'il s'agit d'une communauté urbaine ou d'une métropole, dans les conditions prévues à l'article L. 5211-25-1, avec le consentement de l'organe délibérant de l'établissement. (...) Le retrait est subordonné à l'accord des conseils municipaux exprimé dans les conditions de majorité requises pour la création de l'établissement. Le conseil municipal de chaque commune membre dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification de la délibération de l'organe délibérant au maire pour se prononcer sur le retrait envisagé. A défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée défavorable. (...) La décision de retrait est prise par le ou les représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés. (...) ". En vertu de l'article L. 5216-11 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 5211-19, une commune peut être autorisée, par le représentant de l'Etat dans le département après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale réunie dans la formation prévue au second alinéa de l'article L. 5211-45, à se retirer d'une communauté d'agglomération pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont l'organe délibérant a accepté la demande d'adhésion. L'avis de la commission départementale de la coopération intercommunale est réputé négatif s'il n'a pas été rendu à l'issue d'un délai de deux mois. Ce retrait s'effectue dans les conditions fixées à l'article L. 5211-25-1 et ne peut avoir pour conséquence de faire passer la population de la communauté d'agglomération en-dessous des seuils mentionnés à l'article L. 5216-1. (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales qu'une commune membre ne peut, en principe, se retirer d'une communauté d'agglomération qu'avec l'accord de l'organe délibérant de cette dernière et des conseils municipaux des communes membres exprimé dans les conditions de majorité requises pour la création de l'établissement. Par dérogation à cette procédure de retrait de droit commun, les dispositions précitées de l'article L. 5216-11 du même code instaurent une procédure permettant à une commune membre de se retirer de la communauté d'agglomération sans l'accord de celle-ci, à condition toutefois que ce retrait soit autorisé par le représentant de l'Etat dans le département, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale, et qu'il soit opéré afin d'adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont l'organe délibérant a accepté la demande d'adhésion. Cette procédure de retrait dérogatoire ne peut toutefois être mise en œuvre si elle a pour conséquence de faire passer la population de la communauté d'agglomération en-dessous du seuil de 50 000 habitants défini à l'article L. 5216-1 de ce code.

5. Le préfet de l'Orne, aux termes des décisions contestées des 7 et 9 juin 2022, a refusé le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers Agglo, tant au titre de la procédure de droit commun que de la procédure dérogatoire précitées, au motif que ce retrait aurait pour conséquence de faire passer la population de Flers Agglo à 49 614 habitants, soit en dessous du seuil précité de plus de 50 000 habitants. Il résulte toutefois des termes mêmes de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales que cette condition de seuil n'est pas applicable à la procédure de retrait de droit commun qu'il définit. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, il ne résulte ni de l'article L. 5216-1 précité du même code, ni des travaux parlementaires qu'il invoque ou qui ont précédé les lois susvisées du 27 décembre 2019, relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, et du 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, ayant mis en place les deux procédures de retrait, qu'il y aurait lieu d'appliquer la condition de seuil de population, qui n'est explicitement prévue par le législateur que dans le cadre de la procédure dérogatoire, à la procédure de retrait de droit commun. Enfin, il n'est pas établi par Flers Agglo que le préfet aurait, en tout état de cause, refusé, en vertu de son pouvoir d'appréciation, le retrait de la commune de La Ferté-Macé dès lors que ce retrait aurait eu pour effet de faire passer la population de Flers Agglo en dessous du seuil de 50 000 habitants. En effet, le préfet ne disposait, à la date à laquelle il a pris les décisions contestées des 7 et 9 juin 2022, ni de l'avis du conseil communautaire de Flers Agglo, ni de celui de ses communes membres. Dans ces conditions, les deux décisions contestées sont entachées d'erreur de droit dès lors que le préfet de l'Orne a appliqué à la procédure de retrait de droit commun de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales la condition de seuil de population prévue pour la seule procédure dérogatoire de l'article L. 5216-11 du même code.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions des 7 et 9 juin 2022 du préfet de l'Orne en tant qu'elles refusent le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté d'agglomération Flers Agglo selon la procédure de droit commun.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de la commune de la Ferté-Macé, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Flers Agglo au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser, d'une part, à la commune de la Ferté-Macé et, d'autre part, à la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention volontaire de Flers Agglo est admise.

Article 2 : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros, d'une part, à la commune de la Ferté-Macé et, d'autre part, à la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Flers Agglo présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Ferté-Macé, à la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien, à la communauté d'agglomération Flers Agglo et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de l'Orne chacun en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00014
Date de la décision : 28/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-05-01-06 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. - COOPÉRATION. - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE - QUESTIONS GÉNÉRALES. - COMMUNAUTÉS D’AGGLOMÉRATION. - PROCÉDURE DE RETRAIT DE DROIT COMMUN D'UNE COMMUNE MEMBRE D'UNE AGGLOMÉRATION PRÉVUE PAR L'ARTICLE L. 5211-19 DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - INAPPLICABILITÉ DE LA CONDITION DE SEUIL DE 50 000 HABITANTS DÉFINIE À L'ARTICLE L. 5216-1 DE CE CODE POUR LA CONSTITUTION INITIALE DE LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION.

135-05-01-06 Il résulte des dispositions de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient la procédure de retrait de droit commun d'une commune membre d'une communauté d'agglomération, que ce retrait ne peut intervenir qu'avec l'accord de l'organe délibérant de cette dernière et des conseils municipaux des communes membres exprimé dans les conditions de majorité requises pour la création de l'établissement. En revanche, ce retrait peut être mis en œuvre alors même qu'il a pour conséquence de faire passer la population de la communauté d'agglomération en-dessous du seuil de 50 000 habitants mentionné à l'article L. 5216-1 de ce code pour la constitution initiale de cet établissement public de coopération intercommunale, dès lors que cette condition de seuil n'est pas prévue par l'article L. 5211-19 pour le retrait de droit commun mais seulement par l'article L. 5216-11 du même code relatif à la procédure dérogatoire de retrait d'une commune membre de la communauté d'agglomération.


Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL VEVE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-28;24nt00014 ?
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