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21/03/2025 | FRANCE | N°23NT01215

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 21 mars 2025, 23NT01215


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHRU) de Brest à lui verser une somme de

136 546,46 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa prise en charge par cet établissement.



Par un jugement n° 2001924 du 24 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CHRU de Brest à verser à Mme A... la somme totale de 47 424,94 euros en r

éparation de ses préjudices, sous déduction des provisions déjà versées, et à la CPAM du Finistère la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHRU) de Brest à lui verser une somme de

136 546,46 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 2001924 du 24 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CHRU de Brest à verser à Mme A... la somme totale de 47 424,94 euros en réparation de ses préjudices, sous déduction des provisions déjà versées, et à la CPAM du Finistère la somme de 23 906,46 euros ainsi qu'une rente annuelle de 216,65 euros revalorisable annuellement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 avril 2023, 15 juin 2023,

26 septembre 2023 et 27 décembre 2023, le CHRU de Brest et la société Relyens Mutual Insurance représentés par Me Le Prado, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 février 2023 ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... et de la CPAM du Finistère ;

3°) subsidiairement, de condamner la société Alcon Pharmaceuticals Ltd à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre ;

4°) de mettre à la charge de la société Alcon Pharmaceuticals Ltd et de Mme A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal a été saisi ;

- il est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre à l'ensemble des conclusions dont ils étaient saisis ;

- c'est à tort que le tribunal, faisant application de la jurisprudence Marzouk, a retenu sa responsabilité sans faute du fait de la mise en œuvre d'implants défectueux lors de la prise en charge de Mme A... ; la lettre comme l'esprit de l'article L. 1142-1-I, de même que la directive de 1985, qui retient la responsabilité de plein droit du producteur, excluent le principe même d'une responsabilité sans faute des professionnels et établissements de santé en cas de défaut d'un produit de santé, comme l'a jugé la cour de cassation, ce régime étant en outre plus sévère que celui applicable aux producteurs ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- dès lors qu'il a utilisé des implants défectueux fabriqués par la société Ciba Vision devenue Alcon Pharmaceuticlas Ltd et dont il a passé commande le 9 mars 2004 dans le cadre d'un contrat administratif, il doit pouvoir bénéfiicer d'une action, qui doit être effective, contre cette société, laquelle devra le garantir de l'ensemble des indemnisations mises à sa charge du fait de l'utilisation de ces implants ;

- cette action exercée par un appel en garantie formé le 24 septembre 2021, n'était pas prescrite à cette date au regard du délai de trois ans prévu à l'article 1245-16 du code civil ; ce n'est en effet que le 28 février 2020 que Mme A... a adressé une réclamation préalable à l'hôpital avant de saisir le tribunal, le 4 mai 2020, d'une demande en réparation ;

- cette action n'était pas non plus éteinte à cette date au regard du délai de dix ans à compter de la mise en circulation des produits prévu à l'article 1245-15 du code civil, dès lors que Mme A... avait elle-même engagé dans ce délai une action visant à la réparation des dommages ayant résulté de l'utiliation des implants défectueux en sollicitant le 30 septembre 2011 le juge des référés pour qu'il ordonne une expertise ;

- en toute hypothèse, il est fondé à rechercher la responsabilité de la société Alcon Pharmaceuticals Ltd sur le fondement de la faute, selon le régime de droit commun, à raison d'une faute distincte du seul défaut du produit, dès lors que les implants incriminés avaient fait l'objet de 15 signalements d'incidents auprès de l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et que la société a arrêté tardivement la commercialisation des implants incriminés ;

- aucun manquement au devoir d'information de la patiente ne peut lui être reproché, puisque le risque qui s'est réalisé n'était pas connu ;

- c'est à tort que les préjudices subis par Mme A... ont été évalués par le tribunal à la somme de 47 452,94 euros ;

- la demande d'indemnisation de frais futurs capitalisés présentée par la CPAM du Finistère ne peut être accueillie, dès lors qu'elle n'a jamais donné son accord pour une telle capitalisation.

Par des mémoires enregistrés les 17 juillet 2023 et 18 décembre 2023,

Mme B... A..., représentée par Me L'Hostis, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête du CHRU de Brest ;

2°) par la voie de l'appel incident, de rehausser les sommes qui lui ont été accordées par les premiers juges en réparation de ses préjudices en condamnant le CHRU de Brest au paiement des montants détaillés dans ses écritures, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2020, date de sa demande indemnitaire préalable, et capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Brest une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du CHRU de Brest est engagée du fait de l'utilisation des implants défectueux qui lui ont été posés lors des interventions chirurgicales des 18 et 25 mars 2004 dans cet établissement ;

- la responsabilité du CHRU de Brest est engagée sur le fondement de l'article

L. 1111-2 du code de la santé publique pour un défaut d'information ;

- ses préjudices doivent être évalués comme suit :

*préjudices patrimoniaux :

. dépenses de santé actuelles : 2 339,94 euros ;

. frais de médecin conseil : 2 280 euros ;

. frais d'expertise : 2 500 euros ;

. frais de déplacement : 8 157, 22 euros ;

. perte de revenus : 25 841 euros ;

. incidence professionnelle : 5 000 euros, outre les arrérages échus d'une rente viagère de 657,27 euros à compter du 1er janvier 2016, à capitaliser à compter du jugement au titre de sa perte de droits à la retraite et une somme de 2 088,44 euros au titre de la perte de l'indemnité de départ à la retraite ;

. perte de prime de départ à la retraite : 2 088, 44 euros ;

*préjudices extra patrimoniaux :

. déficit fonctionnel temporaire : 6 842,50 euros ;

. déficit fonctionnel permanent : 40 000 euros ;

. souffrances endurées : 15 000 euros ;

. préjudice d'agrément : 15 000 euros ;

. préjudice d'impréparation : 15 000 euros.

Par un mémoire enregistré les 13 septembre 2023, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère demande à la cour :

1°) à titre principal, de condamner solidairement le CHRU de Brest, la société Alcon Pharmaceuticals Ltd et la société Relyens Mutual Insurance à lui verser la somme de 26 761, 47 euros au titre de ses débours, avec intérêts à la date de sa demande ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement le CHRU de Brest, la société Alcon Pharmaceuticals Ltd et la société Relyens Mutual Insurance à lui verser la somme de 23 906,46, euros au titre de ses débours, outre une rente annuelle de 216,65 euros revalorisée par application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et portant intérêts à compter du 13 juillet 2020 et de dire qu'à la date du jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 février 2023, le montant des arrérages éCHRUs de cette rente est fixé à la somme de 1 733,22 euros ;

3°) de condamner le CHRU de Brest à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion de

1 162 euros revalorisée ;

4°) de mettre à la charge du CHRU de Brest une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité sans faute de l'établissement hospitalier est engagée en raison de la défaillance des produits de santé mis en œuvre ;

- il doit être reproché à l'hôpital un manquement à son devoir d'information, en l'absence d'administration de la preuve qu'il a été délivré à Mme A... une information sur les risques de la chirurgie réfractive dont elle a bénéficié ;

- elle justifie des débours qu'elle a exposés et de ses débours futurs.

Par des mémoires enregistré les 18 juillet 2023, 27 octobre 2023 et 5 août 2024, la société Alcon Pharmaceuticals Ltd, représentée par Mes Kowalski et Moiroux, conclut au rejet de l'appel en garantie du CHRU de Brest et à ce que soit mise à la charge de cet établissement la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions des rapports d'expertise ne lui sont pas opposables, en particulier celles du second rapport, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de consulter le dossier médical de Mme A... ;

- le CHRU n'ayant pas, dans le délai de trois mois suivant la demande de

Mme A..., prévu par l'article 1245-6 du code civil, désigné le fournisseur du produit qu'il estimait défectueux, il est responsable du défaut de sécurité de ce produit ;

- l'action en responsabilité exercée à son encontre pour production d'un produit défectueux est prescrite en application de l'article 1245-16 du code civil, compte tenu des dates auxquelles l'établissement hospitalier a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut du produit qu'il avait mis en œuvre et de l'identité du producteur de ce produit ; il y a lieu de retenir, comme point de départ du délai de trois ans prévu par ces dispositions, la date du

21 juillet 2016 à laquelle Mme A... a saisi le juge des référé du tribunal administratif de Rennnes, ou au plus tard celle du 11 septembre 2017 à laquelle les opérations d'expertise ont été étendues à la société Alcon ; or l'appel en garantie n'a été formé que le 12 juillet 2021 ; si l'on se place comme la cour de cassation à la date de conniassance du dommage correspondant à la consolidation de l'état de santé de Mme A..., soit le 7 mai 2014, la prescription est aussi acquise ;

- sa responsabilité au titre des produits défectueux est éteinte par application du délai de dix ans après la mise en circulation du produit prévu à l'article 1245-15 du code civil, la demande d'expertise médicale demandée en référé par Mme A... n'ayant pu avoir pour effet l'interruption de ce délai alors que la CHRU n'est pas subrogé dans les droits de l'intéressée et qu'elle-même, en tant que fabricant des implants, n'était pas partie à l'instance en référé ; l'action en justice interruptive visée par l'article 1245-15 du code civil doit être engagée par la victime à l'encontre du producteur au titre de sa responsabilité pour permettre l'interruption du délai ; seule une procédure judiciaire et non une simple demande indemnitaire préalable dépourvue de caractère contentieux peut être cause d'interruption ;

- les conclusions de l'appelant tendant à la mise en cause de sa responsabilité pour faute, constituant une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance, ont été présentées plus de deux mois après l'introduction de sa requête et sont, par suite, irrecevables ;

- en outre, de telles conclusions, relatives à la responsaibilité pour faute d'une personne morale de droit privé, ne relèvent pas de la compétence du juge administratif ;

- enfin, aucune faute distincte de la fourniture des implants défectueux n'est caractérisée en ce qui la concerne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Catroux,

- et les observations de Me Soriano, représentant la société société Alcon Pharmaceuticals Ltd.

Considérant ce qui suit :

1. En 2004, Mme A... née en 1953 a souhaité bénéficier d'une chirurgie à visée réfractive pour corriger une hypermétropie associée à une presbytie. Les 18 et 25 mars 2004, elle a subi au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Brest deux interventions chirurgicales au cours desquelles des implants réfractifs antérieurs " Vivarte presbyopie " produits par la société Ciba Vision ont été mis en place respectivement sur son œil droit puis sur son œil gauche. Les 25 mars et 6 avril 2005 il a été procédé à l'application à Mme A... d'un laser Excimer sur chaque œil pour traiter l'astigmatie. Le 8 avril 2005, Mme A... a été adressée en urgence au CHRU de Brest en raison d'une crise douloureuse de l'œil droit, cette consultation médicale révélant une kératite ponctuée superficielle diffuse droite. Le 21 juillet 2005 devant une décompensation oedèmateuse endothéliale droite, il a été procédé à l'ablation de l'implant de l'œil droit avec phakoémulsification et à la mise en place d'un implant de chambre postérieure. Le 30 août 2005, une dystrophie bulleuse a été constatée sur cet œil. La persistance de l'œdème cornéen droit a conduit à la réalisation, le 14 septembre 2005, d'une greffe cornéenne. Le 3 janvier 2006, Mme A... a présenté une kératite ponctuée superficielle sur le greffon droit. Le 29 mai 2006 il a été procédé à l'ablation de l'implant de chambre antérieure de l'œil gauche avec phacoémulsification et mise en place d'un implant de chambre postérieure. Le 25 octobre 2009, Mme A... a présenté un premier épisode de rejet de son greffon droit. Après un traitement antirejet et par corticoïdes, ce greffon a pu être sauvé. Un second épisode de rejet a toutefois eu lieu en janvier 2012 et a nécessité une nouvelle hospitalisation. Saisi par Mme A..., le juge des référés a ordonné successivement deux expertises médicales confiées au même expert, les opérations d'expertise ayant été étendues à la société Alcon Pharmaceuticals Ltd, venant aux droits et obligations de la société Ciba Vision. Par un jugement du 24 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CHRU de Brest à verser à Mme A... la somme totale de 47 424,94 euros en réparation de ses préjudices, sous déduction des provisions déjà versées, et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère la somme de 23 906,46 euros ainsi qu'une rente annuelle de

216,65 euros revalorisable annuellement en remboursement de ses débours passés et futurs, et il a rejeté les conclusions de l'établissement hospitalier tendant à être garanti par la société Alcon Pharmaceuticals Ltd des condamnations prononcées à son encontre. Le CHRU de Brest relève appel de ce jugement. Mme A... présente des conclusions d'appel incident tendant à ce que les sommes mises à la charge de cet établissement soient rehaussées. La CPAM du Finistère demande à titre incident que l'indemnisation qui lui a été accordée en première instance au titre de ses débours sous la forme d'un capital de 23 906,46 euros pour le passé et d'une rente annuelle de 216,65 euros revalorisable annuellement pour le futur lui soit versée, par capitalisation de cette rente, sous la forme d'un capital de 26 761, 47 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, il ne ressort pas des pièces et mémoires du dossier du premier instance et de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges auraient, comme il est soutenu sans précision par les appelants, omis de répondre à l'ensemble des conclusions dont ils étaient saisis.

3. D'autre part, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le tribunal administratif de Rennes qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits en première instance.

4. Il suit de là que les deux motifs d'irrégularité invoqués par les appelants dans leur requête sommaire d'appel, qui n'ont pas été développés dans leurs écritures ultérieures et ne sont assortis d'aucune critique précise du jugement attaqué, doivent être écartés.

Sur la responsabilité du CHRU de Brest :

5. En premier lieu, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise, y compris lorsqu'il implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d'un patient.

6. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise médicale établis les 17 octobre 2012 et 30 mai 2018, que Mme A... a présenté dans les suites de la mise en place des implants de chambre inférieure à visée réfractive une décompensation endothéliale majeure à droite et mineure à gauche. Cette décompensation a nécessité une greffe de cornée à l'œil droit après ablation des implants de chambre antérieure. L'expert a relevé le caractère approprié des interventions chirurgicales, qui étaient souhaitées par Mme A... et que son état de santé ne contrindiquait pas. Il a estimé la mise en place des implants conforme aux règles de l'art et aux données de la science. Un signalement a toutefois été effectué par le CHRU de Brest auprès de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui, par un courrier du 28 juin 2012 adressé à l'expert, a indiqué que les implants incriminés avaient fait l'objet de quinze signalements d'incidents portant sur des pertes de cellules endothéliales cornéennes et que la commercialisation de ce produit avait été arrêtée en décembre 2015. L'ANSM a établi une recommandation pour que les patients sur lesquels ces implants avaient été installés fassent l'objet d'une surveillance annuelle d'endothélium cornéen par comptage cellulaire microscopie spéculaire. Contrairement à ce qu'a soutenu en première instance la société Alcon Pharmaceuticals Ltd, qui a été mise en mesure de présenter des dires dans le cadre de la seconde expertise et qui a pu présenter ses observations sur le rapport d'expertise définitif qui lui a été communiqué dans l'instance devant le tribunal administratif, l'explantation droite de l'implant de Mme A... est bien en rapport avec une perte cellulaire importante, l'explantation gauche ayant été décidée par mesure de prudence. La décompensation cornéenne présentée par Mme A..., à l'origine des complications dont elle a été victime, est ainsi directement liée aux implants litigieux, dont le caractère défectueux doit, eu égard à ce qui a été ci-dessus, être regardé comme suffisamment établi. La responsabilité sans faute du CHRU de Brest est donc engagée et Mme A..., dont l'état de santé a été considéré comme consolidé à la date du 7 mai 2014 et qui reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 15%, est fondée à obtenir réparation des préjudices résultant de l'ensemble des complications mentionnées ci-dessus.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ".

8. Le CHRU de Brest ne rapportant pas la preuve, qui lui incombe, qu'il a délivré à

Mme A..., avant les interventions chirurgicales des 18 et 25 mars 2004, une information sur les risques de la chirurgie réfractive dont elle a bénéficié et en particulier sur le risque de décompensation endothéliale cornéenne et ses conséquences, la responsabilité pour faute du CHRU de Brest est donc également engagée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des frais de santé et frais divers :

9. En premier lieu, Mme A... justifie de dépenses de santé restées à sa charge, correspondant, d'une part, à des frais de consultation et de soins au CHRU de Brest, au CHBS de Lorient et au CHRU de Rouen pour un montant total de 1 103,47 euros et, d'autre part, à des frais de verres optiques pour un montant de 233,83 euros. Elle sollicitait également le remboursement, pour le passé et pour l'avenir, des frais restant à sa charge malgré une couverture partielle par sa mutuelle, correspondant à l'achat de lentilles souples hydrophiles qui lui ont été prescrites à compter de 2017, permettant d'atténuer ses douleurs, qualifiées de " permanentes " par l'expert, et dont le lien avec la pose des implants défectueux lors des interventions des 18 et 25 mars 2004 est démontré. Le tribunal a évalué ces frais, à la date de son jugement, à 252,96 euros et, pour l'avenir, à la somme de 749,68 euros, par application d'un coefficient de capitalisation de 17,782 compte tenu de l'âge de l'intéressée à cette date en faisant application du barème de la gazette du palais publié en 2020, soit une somme totale de 1 002,64 euros. L'ensemble de ces sommes ne fait l'objet de discussions en appel ni de la part des appelants ni de la part de l'intimée, qui, bien que faisant valoir l'opportunité de mettre en œuvre la table de capitalisation publiée le 31 octobre 2022, demande la confirmation du jugement sur ces différents montants. Il en est de même pour les frais de médecin conseil, qui ont été utiles dans le cadre du litige opposant l'intimée au CHRU de Brest et dont le montant s'élève à la somme de 2 280 euros selon les justificatifs fournis. Il y a lieu de confirmer l'évaluation faite par les premiers juges de l'ensemble de ces dépenses indemnisables à un montant total de 4 619,94 euros à la charge du CHRU de Brest.

10. En second lieu, Mme A... a exposé des frais de transport, d'une part pour se rendre au CHRU de Brest, au CHBS de Lorient et au CHRU de Rouen entre le 8 avril 2005, date de survenance des complications en lien avec la pose des implants défectueux, et le 7 mai 2014, date de consolidation de son état de santé, afin d'y subir des soins et hospitalisations, d'autre part pour assister les 24 avril 2017 et 12 mars 2018 aux opérations d'expertise qui ont eu lieu à

Saint-Nazaire. Compte tenu de la distance qui sépare ces villes de son lieu de domicile situé à Quimperlé et du barème kilométrique applicable pour les années en cause à un véhicule de 4 CV, selon justificatif, la somme de 7 230 euros allouée à Mme A... à ce titre n'apparaît pas insuffisante. Si l'intéressée prétend à un remboursement de 8157 euros, supérieur de 927 euros à la somme susmentionnée qui lui a été acordée par les premiers juges, il ne peut lui être donné satisfaction alors que certains déplacements ne sont pas justifiés, notamment les déplacements de 5736 kilomètres, correspondant à six voyages entre Quimperlé et Rouen, que Mme A... allègue et intègre dans ses calculs de frais pour l'année 2013 et qui apparaissent surestimés.

S'agissant des pertes de gains professionnels :

11. Mme A..., qui exerçait la profession de secrétaire commerciale en intérim, demande l'indemnisation à hauteur de 25 841 euros des pertes de revenus qu'elle soutient avoir subis entre 2004 et 2007 compte tenu de ses arrêts de travail, des consultations et soins dont elle a dû faire l'objet à la suite des complications en lien avec les implants défectueux, et de la perte de disponibilité qui en a résulté pour répondre à des missions d'intérim. Toutefois, seules les pertes de revenus subies à compter d'avril 2005, date à compter de laquelle ces complications sont survenues ont vocation à être indemnisées. En 2003, année qui précède celle au cours de laquelle les implants ont été posés et qu'il y a lieu de retenir comme année de référence,

Mme A... a perçu un revenu annuel de 11 580 euros selon l'avis d'imposition qu'elle produit. L'avis d'imposition de l'année suivante révèle qu'elle a perçu en 2005 la somme de 13 700 euros et n'a donc pas subi de pertes de revenus au cours de cette année. Ses revenus annuels en 2006 et 2007 ont été respectivement de 9 833 euros et 10 646 euros, soit une perte totale de 2 681 euros pour ces deux années. Les premiers juges ont ainsi fait une juste appréciation des pertes de gains professionnels de Mme A... en indemnisant celle-ci à hauteur de ce montant pour les années 2005 à 2007.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

12. L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser les préjudices périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore au préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

13. Mme A..., dont l'état a été déclaré consolidé le 7 mai 2014, est restée atteinte de difficultés à la fixation oculaire et d'une gêne à la lumière ainsi que de douleurs pénalisantes pour exercer une activité professionnelle de secrétariat impliquant l'usage d'un ordinateur. Elle s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) pour la période du 1er juin 2012 au 31 mai 2017. Les séquelles dont elle reste atteinte, si elles ne l'ont pas empêchée de travailler, les avis d'imposition produits pour les années 2009 et suivantes révélant au contraire une augmentation puis une stabilité de ses revenus salariaux, ont accentué la pénibilité de son activité professionnelle dans une mesure dont il sera fait une juste appréciation en allouant à l'intimée une somme de 4 000 euros.

14. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que le départ de Mme A... à la retraite le 1er janvier 2016 à l'âge de 62 ans, correspondant à l'âge légal de départ à la retraite, serait en lien avec les séquelles dont elle reste atteinte. Si l'expert a indiqué que, du fait de ces séquelles, Mme A... a pris une retraite anticipée sur le conseil du médecin de la sécurité sociale, il n'a fait, ainsi qu'il l'indique, que reproduire les dires de l'intéressée sur ce point, tout en relevant qu'il n'y avait pas eu de définition d'incapacité par le médecin du travail. Dans ces conditions les conclusions par lesquelles Mme A..., qui soutient n'avoir pas été en mesure de travailler jusqu'à l'âge de 65 ans pour accéder à une pension de retraite à taux plein, demande d'être indemnisée de la perte de ses droits à retraite et de l'indemnité de départ à la retraite ne peuvent être accueillies.

En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

15. Il y a lieu d'indemniser ce préjudice à compter du 8 avril 2015, date d'apparition des problèmes de santé en lien avec la complication dont Mme A... a été victime. Il résulte de l'expertise que ce déficit a été de classe 1, du 8 avril au 20 juillet 2005, du 2 octobre 2005 au

28 mai 2006, du 1er juin au 28 novembre 2006, du 28 octobre 2009 au 7 janvier 2012, du

11 janvier 2012 au 23 octobre 2013, du 26 octobre 2013 au 7 mai 2014, de classe 2 du 22 juillet au 13 septembre 2005. Il a été total le 21 juillet 2005, du 14 septembre au 1er octobre 2005, du

29 au 30 mai 2006, du 25 au 27 octobre 2009, du 8 au 10 janvier 2012 et du 24 au 25 octobre 2013. Les premier juges en ont fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme totale de

5 194 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

16. Il a été fixé à 15% par l'expert, compte tenu d'une acuité visuelle de 5/10ème à l'œil droit qualifiée de faible et de 6/10ème à l'œil gauche ainsi que d'une pseudophakie bilatérale, l'expert ayant également relevé l'existence de douleurs permanentes, lesquelles ont vocation à être prises en compte dans l'évaluation des séquelles dont la victime reste atteinte. Il sera fait une juste appréciation du préjudice en résultant pour Mme A... en l'évaluant à la somme de 20 000 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

17. Elles ont été évaluées à 3 sur 7 par l'expert compte tenu des chirurgies subies, des nombreuses consultations et soins. Il en sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 4 500 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

18. L'expert a retenu un tel préjudice en relevant que Mme A... avait été privée d'exercer la marche, le tennis et la gymnastique. La fille de la requérante atteste que

Mme A... pratiquait assidûment le tennis avant les complications qui l'ont contrainte à renoncer à cette activité sportive. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation de ce poste de préjudice en accordant à ce titre une somme de 1 500 euros à Mme A..., qui n'établit pas, en revanche, qu'elle exerçait autrefois la pratique de la marche ou de la gymnastique avec une intensité particulière.

S'agissant du préjudice d'impréparation :

19. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

20. Ainsi qu'il a été dit au point 8, le CHRU de Brest n'établit pas avoir informé

Mme A..., préalablement aux interventions chirurgicales, des risques encourus et en particulier de celui de décompensation endothéliale cornéenne et de ses conséquences. Dans ces conditions, la requérante est fondée à obtenir l'indemnisation du préjudice d'impréparation en résultant. La circonstance que ce risque, qui accompagne les opérations du type de celle à laquelle Mme A... s'est soumise et dont elle devait donc être informée pour y être préparée, a eu pour cause au cas particulier le caractère défectueux des implants mis en place est sans incidence tant sur l'existence du manquement à l'obligation d'information imputable à l'hôpital que sur l'existence et l'étendue du préjudice subi par cette patiente. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation de ce préjudice en accordant à Mme A... la somme de 1 500 euros, dont le montant doit être confirmé.

Sur les conclusions présentées par la CPAM du Finistère :

21. La CPAM du Finistère demande à titre incident que l'indemnisation qui lui a été accordée en première instance au titre de ses débours sous la forme d'un capital de

23 906,46 euros pour le passé et d'une rente annuelle de 216,65 euros revalorisable annuellement pour le futur, lui soit accordée en appel, par capitalisation de cette rente, sous la forme d'un capital de 26 761, 47 euros. Selon l'état des débours produit par la caisse, cette somme correspond à des frais hospitaliers entre le 13 septembre 2005 et le 26 octobre 2013, à des frais médicaux du 4 juin 2006 au 7 mai 2014, à des frais pharmaceutiques du 17 novembre 2009 au 26 octobre 2013, à des frais d'appareillage du 17 novembre 2009 au 3 avril 2014, à des frais de transport du 26 octobre 2013, à des indemnités journalières entre le 8 janvier 2012 et le 7 mai 2015, soit un montant total justifié de 22 173,26 euros, auquel s'ajoutent, à hauteur de

216,65 euros par an, des " frais futurs à partir du 8 mai 2014 " correspondant à des solutions occculaires et à une consultation par an chez un médecin ophtalmologiste, dépenses dont le lien avec les implants défectueux doit être retenu compte tenu de l'attestation du médecin conseil et des informations figurant au rapport d'expertise.

22. En l'absence d'accord du CHRU de Brest pour l'indemnisation des débours futurs de la CPAM du Finistère sous la forme d'un capital, c'est à bon droit que le tribunal a fixé l'indemnisation de ce tiers payeur, d'une part, sous la forme d'un capital de 23 906,46 euros, qui correspond à l'évaluation, non critiquée en appel, des débours exposés par la CPAM jusqu'à la date du jugement, et, d'autre part, pour le futur, sous la forme d'une rente annuelle de

216,65 euros revalorisable annuellement par application des dispositions de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Le CHRU de Brest s'opposant toujours, en cause d'appel, au versement d'un capital, il n'y a pas lieu de réformer sur ce point le jugement du tribunal administratif de Rennes et les conclusions d'appel incident de la CPAM analysées ci-dessus au point 21, de même que celles tendant au bénéfice d'une indemnité forfaitaire de gestion revalorisée par rapport à celle qui lui a été accordée en première instance, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'appel en garantie formé par le CHRU de Brest à l'encontre de la société Alcon Pharmaceuticals Ltd :

23. Aux termes de l'article 1245-15 du code civil, issu de la transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux : " Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent chapitre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice ". Aux termes de l'article 1245-17 du même code, également issu de cette transposition : " Les dispositions du présent chapitre ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. / Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond ".

24. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un établissement de santé a, en raison de ce que sa responsabilité était engagée, en vertu de la règle rappelée au point 5, indemnisé un patient des dommages ayant résulté de l'utilisation, lors de soins pratiqués dans l'établissement, d'un produit de santé défectueux, il a la possibilité de rechercher, à titre récursoire, la responsabilité du producteur de ce produit sur le fondement particulier des dispositions des articles 1245 à

1245-17 du code civil. Il est par ailleurs loisible à l'établissement de santé, s'il s'y croit fondé, d'engager une action récursoire contre le producteur de ce produit en invoquant la responsabilité pour faute de ce dernier.

25. D'une part, lorsqu'elle se fonde sur les articles 1245 à 1245-17 du code civil instaurant le régime spécifique de responsabilité du fait des défauts du produit, il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article 1245-15 du même code que l'action récursoire du centre hospitalier ne peut être exercée contre le producteur du produit que dans un délai de dix ans à compter de la mise en circulation de celui-ci, sauf si la victime a elle-même engagé, dans ce délai, une action visant à la réparation des dommages ayant résulté de l'utilisation de ce même produit.

26. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A..., victime des conséquences de la pose des implants défectueux, aurait engagé une action en justice à l'encontre du producteur de ces implants dans le délai de dix ans susmentionné, lequel a commencé de courir au plus tard le 18 mars 2004, date à laquelle ils ont été utilisés pour opérer cette patiente. L'action récursoire du CHRU de Brest à l'encontre de la société Alcon Pharmaceuticals Ltd n'a, quant à elle, été engagée sous la forme d'un appel en garantie formé dans le cadre de l'instance indemnitaire n° 2001924 que le 12 juillet 2021 et, dans le cadre de l'instance de référé provision n° 2604689, que le 24 septembre 2021, soit postérieurement à l'extinction, au plus tard en mars 2014, de la responsabilité de ce producteur à raison des implants en cause. Et il n'est fait par ailleurs état d'aucun autre événement susceptible d'avoir interrompu le délai de dix ans susmentionné. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'éventuelle prescription de l'action récursoire du CHRU de Brest au regard du délai de trois ans prévu par l'article 1245-16 du code civil, la responsabilité du producteur fondant cette action était éteinte.

27. D'autre part, il ne ressort pas des écritures de l'hôpital que, devant le tribunal administratif, le CHRU de Brest aurait entendu fonder son appel en garantie sur un autre fondement que le régime spécifique de responsabilité du fait des produits défectueux. S'il fait valoir, dans son mémoire d'appel enregistré le 15 juin 2023, qu'il est fondé à demander l'engagement de la responsabilité de la société Alcon Pharmaceuticals Ltd sur le terrain de la faute, il n'est en principe recevable à invoquer un moyen nouveau qui n'avait pas été soulevé en première instance et qui n'est pas d'ordre public que pour autant que ce moyen repose sur la même cause juridique qu'un moyen ayant été présenté dans le délai d'introduction de l'appel. Au cas particulier, le jugement frappé d'appel faisant l'objet de la présente instance a été notifié au moyen de l'application télérecours à l'hôpital qui en a accusé réception le 27 février 2023 à 17h02, et à son assureur par lettre recommandée dont il a été accusé réception le 2 mars 2023, de sorte que le délai d'appel de deux mois prévu à l'article R. 811-6 du code de justice administrative a expiré au plus tard le 3 mai 2023. Le moyen, soulevé tardivement le 15 juin 2023 dans un mémoire complémentaire, tiré de ce que la responsabilité pour faute de la société Alcon Pharmaceuticals Ltd serait engagée doit donc être écarté comme irrecevable ainsi que le soutient cette société.

28. Il résulte de tout ce qui précède que le CHRU de Brest n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, d'une part, l'a condamné à indemniser Mme A... pour les préjudices subis par celle-ci en conséquence de la pose d'implants défectueux, d'autre part, a fait droit aux conclusions de la CPAM du Finistère tendant au remboursement de ses débours, et, enfin, a rejeté son appel en garantie dirigé contre le fabricant de ces implants défectueux. Il doit être fait droit, en revanche, aux conclusions d'appel incident présentées par Mme A..., dont l'indemnisation par l'hôpital doit être portée à une somme totale de 51 224,94 euros.

Sur les frais liés au litige :

30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Brest la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... et la somme de 1 500 euros à verser à la société Alcon Pharmaceuticals Ltd au titre des frais exposés par ces intimés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à la demande que la CPAM du Finistère présentée sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier régional universitaire de Brest et de la société Relyens Mutual Insurance et les conclusions d'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère sont rejetées.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier régional universitaire de Brest est condamné à verser à Mme A... en réparation de ses préjudices est portée à un montant de 51 224,94 euros, dont devront être déduites les provisions déjà versées. Cette somme sera assortie des intérêts à compter du 2 mars 2020 et ces intérêts seront capitalisés compter du 2 mars 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 février 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier régional universitaire de Brest versera à Mme A... la somme de 1 500 euros et à la société Alcon Pharmaceuticals Ltd la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... A..., au centre hospitalier régional universitaire de Brest, à la société société Relyens Mutual Insurance, à la société Alcon Pharmaceuticals Ltd, à la mutuelle générale de l'éducation nationale et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Marion, première conseillère

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2025.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

L'assesseure la plus ancienne,

I. MARION

Le greffier,

R. MAGEAULa République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01215
Date de la décision : 21/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : CABINET SIMMONS & SIMMONS LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-21;23nt01215 ?
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