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18/03/2025 | FRANCE | N°24NT00746

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 18 mars 2025, 24NT00746


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 29 août 2022 par lequel le maire de la commune de C... l'a radiée des cadres pour abandon de poste.



Par un jugement n°2202366 du 8 janvier 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 11 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Guyon, demande à la cour :<

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1°) l'annulation du jugement du 8 janvier 2024 du tribunal administratif de Caen ;



2°) l'annulation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 29 août 2022 par lequel le maire de la commune de C... l'a radiée des cadres pour abandon de poste.

Par un jugement n°2202366 du 8 janvier 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Guyon, demande à la cour :

1°) l'annulation du jugement du 8 janvier 2024 du tribunal administratif de Caen ;

2°) l'annulation de l'arrêté du 29 août 2022 par lequel le maire de C... l'a radiée des cadres pour abandon de poste ;

3°) d'enjoindre à la commune de C... de la réintégrer dans ses fonctions et de réexaminer sa situation administrative, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de C... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute du jugement querellé ne recueillant aucune signature, il est entaché d'une irrégularité substantielle ;

- la décision du 29 août 2022 a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision du 29 août 2022 est entachée de vices de procédure :

* les avis du comité médical départemental ne lui ont pas été notifiés et elle n'a jamais été informée qu'elle pouvait présenter ses observations ce qui l'a privé de garanties, étant dans l'impossibilité de produire utilement des observations visant à justifier son arrêt maladie ;

* les deux mises en demeure reçues, si elles indiquent qu'il n'y aura pas de procédure disciplinaire préalable en cas de non reprise des fonctions ne l'informent pas de la perte des garanties de la procédure disciplinaire en cas de non reprise ;

- elle justifiait d'un certificat médical indiquant qu'elle n'était pas en capacité de reprendre son poste, arrêt de travail renouvelé de manière continue jusqu'au 30 septembre 2022 et qu'elle s'est rendue à l'ensemble des contre-visites médicales organisées par la commune ;

- le tribunal a méconnu le secret médical, protégé par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ;

- la décision en cause constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- la décision en litige méconnaît le droit à la santé protégé par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 ;

- la radiation prononcée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et est disproportionnée, la commune disposant de mesures alternatives dans un cadre disciplinaire ;

- le jugement attaqué, en la condamnant au versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, n'a pas tenu compte de la situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2024, la commune de C... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par la commune de C... le 6 décembre 2013 sur un poste d'auxiliaire de puériculture principale deuxième classe à temps complet pour exercer ses fonctions à la crèche municipale. Elle a été placée en congé maladie ordinaire du 7 mai 2020 au 7 mai 2021. Le 6 janvier 2021, un médecin-expert, saisi par le centre de gestion de la fonction publique du Calvados, a estimé que la prolongation de son congé de maladie ordinaire au-delà de six mois était justifiée mais a conclu à l'absence de pathologie ouvrant droit à l'octroi d'un congé de longue maladie. Mme B... a transmis à son employeur des certificats médicaux de prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 30 septembre 2022, à l'exception d'une période courant du 1er août 2021 au 24 novembre 2021. Par deux lettres des 13 juillet et 1er août 2022, le maire de la commune de C... a mis en demeure Mme B... de reprendre ses fonctions le 1er août, puis le 29 août 2022. Par un arrêté du 29 août 2022, le maire de la commune de C... a radié l'intéressée des cadres pour abandon de poste à compter du même jour. Mme B... relève appel du jugement du 8 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2022.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par les membres de la formation de jugement, ainsi que le greffier, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'une irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le moyen selon lequel la décision du 29 août 2022 a été prise par une autorité incompétente est rejeté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal dans les points 2 et 3 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) V.- L'avis du conseil médical en formation plénière est motivé. / L'avis du conseil médical est notifié, dans le respect du secret médical, à l'autorité territoriale et à l'agent par le secrétariat du conseil médical par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette notification. (...). ".

5. Le comité médical départemental a émis un avis, le 19 février 2021, sur la prolongation du congé de maladie ordinaire de l'intéressée au-delà de six mois et sur sa demande d'octroi d'un congé de longue maladie. Le comité médical a également émis un autre avis, le 15 octobre 2021, sur la demande de mise en disponibilité d'office ainsi qu'un dernier avis, en formation restreinte, le 8 juillet 2022, sur la réintégration de Mme B... après douze mois consécutifs de congés maladie ordinaire et sur son aptitude à ses fonctions. Contrairement à ce qui est allégué par la requérante, la commune de C... a adressé à Mme B..., par courrier recommandé dont elle a accusé réception le 16 juillet 2022, l'avis émis par le comité médical le 8 juillet 2022, favorable à son aptitude à l'exercice de ses fonctions et à sa réintégration après douze mois de congés maladie ordinaire, avis sur lequel s'est fondé le maire de C... pour mettre la requérante en demeure de reprendre ses fonctions. A la supposer établie, la circonstance que les avis du comité médical départemental des 19 février 2021 et 15 octobre 2021 n'auraient pas été notifiés à l'intéressée est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que les mises en demeure invitant l'intéressée à reprendre le travail prises à la suite de ces avis n'avaient pas le caractère de décisions manifestement illégales et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'administration à informer son agent qu'il peut présenter des observations sur les avis du comité médical. En outre, les mises en demeure des 13 juillet et 1er août 2022 comportent l'indication qu'il n'y aura pas de procédure disciplinaire préalable en cas de non reprise des fonctions, ce qui implique, par voie de conséquence, la perte des garanties liées à cette procédure disciplinaire. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 29 août 2022 est entachée de vices de procédure.

6. En troisième lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

7. Lorsque l'agent a été reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical, mais que, mis en demeure de rejoindre son poste, il refuse de le faire en produisant un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail, il appartient à l'autorité administrative, avant de prononcer une éventuelle mesure de radiation des cadres à raison d'un abandon de poste, d'apprécier si ce certificat médical apporte des éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui dit souffrir de troubles psychiques, a été placée en congé de maladie ordinaire non imputable au service du 7 mai 2020 au 7 mai 2021. Une expertise médicale du 6 janvier 2021 a conclu à l'absence de pathologie ouvrant droit à l'octroi d'un congé de longue maladie. Le comité médical départemental du Calvados a rendu un avis défavorable, le 19 février 2021, à la demande d'octroi de congé de longue maladie présentée par Mme B.... Ce même comité a émis, le 15 octobre 2021, un avis défavorable à sa mise en disponibilité d'office, en précisant que Mme B... était apte à une reprise du travail. Le 1er juin 2022, un médecin-expert en psychiatrie a relevé l'absence d'éléments médicaux pouvant s'opposer une réintégration. Enfin, le comité médical a, le 8 juillet 2022, estimé que Mme B... était apte à reprendre ses fonctions. Au vu de l'expertise médicale du 1er juin 2022 et de l'avis du comité médical du 8 juillet 2022, le maire de C..., par deux lettres du 13 juillet 2022 et du 1er août 2022, a mis en demeure Mme B... de reprendre ses fonctions, respectivement, les 1er et 29 août 2022, Mme B... ne s'étant pas présentée à son poste le 1er août 2022, les courriers de mise en demeure précisant qu'à défaut de reprise, il serait procédé à sa radiation des cadres pour motif d'abandon de poste, sans procédure disciplinaire préalable.

9. Mme B... fait valoir qu'elle justifiait d'un certificat médical indiquant qu'elle n'était pas en capacité de reprendre son poste, arrêt de travail renouvelé de manière continue jusqu'au 30 septembre 2022 et qu'elle s'est rendue à l'ensemble des contre-visites médicales organisées par la commune. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux nouveaux certificats médicaux prolongeant le congé de maladie de l'intéressée apportaient des éléments nouveaux sur son état de santé par rapport à l'avis du comité médical départemental du 8 juillet 2022, ces deux certificats médicaux ne faisant état d'aucune aggravation de son état psychique. De plus, la commune de C..., par courriers des 21 mai, 14 juin et 8 octobre 2021, lui a proposé plusieurs rendez-vous pour échanger sur sa situation, ce qu'elle a refusé, sans raison valable. En outre, alors qu'elle était placée en congé maladie ordinaire, Mme B... a suivi une formation de sophrologie d'une durée de deux ans et a réalisé des interventions professionnelles dans un collège et un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, tout en demandant à la commune de C... la possibilité de pouvoir utiliser son compte personnel de formation ainsi que le financement de cette formation. Dans ces conditions, le maire de C... a pu estimer que la requérante ne pouvait être regardée comme apportant une justification d'ordre médical de nature à expliquer qu'elle n'ait pas déféré aux mises en demeure de reprendre ses fonctions et que le lien avec le service avait été rompu du fait de Mme B....

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 29 août 2022 serait constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée.

11. En cinquième lieu, contrairement à ce qui est allégué, en relevant que les deux nouveaux certificats médicaux produits prolongeant le congé de maladie de l'intéressée n'apportaient pas d'éléments nouveau sur l'état de santé de l'intéressée, le tribunal, qui s'est borné à exercer son office, n'a pas méconnu le secret médical. Mme B..., en faisant valoir que la commune aurait refusé une demande une rupture conventionnelle, ne conteste pas utilement la décision en cause ni que cette dernière méconnaitrait le droit à la santé reconnu à l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, dès lors que la décision en cause ne revêt pas de caractère disciplinaire, le moyen selon lequel la décision en litige prononcerait une sanction disproportionnée ne peut être utilement invoqué.

12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement attaqué, en condamnant Mme B... à verser à la commune de C... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, n'aurait pas tenu compte de sa situation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 8 janvier 2024 du tribunal administratif de Caen.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B....

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B..., la somme réclamée par la commune de C... sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de C....

Délibéré après l'audience du 28 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.

Le rapporteur,

F. PONS

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00746
Date de la décision : 18/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-18;24nt00746 ?
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