Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 2310055 du 16 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 30 septembre 2022 et enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la situation de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2024, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande de M. D....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- les autres moyens présentés par M. D... devant les premiers juges ne sont pas davantage fondés.
La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant algérien né le 20 décembre 1994, est entré en France le 23 février 2020, sous couvert d'un visa de court séjour. Il a bénéficié par la suite d'un certificat de résidence valable du 23 juillet 2020 au 22 juillet 2021. Il a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 30 septembre 2022 portant en outre, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Par un jugement du 16 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " I. - Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : / 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) / II. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. / (...) Tout nouveau contrat de travail fait l'objet d'une demande d'autorisation de travail ".
3. D'autre part, selon les dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-2 du code du travail : " Sont dispensés de l'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-1 : / (...) / 16° Le titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un document provisoire de séjour portant la mention "autorise son titulaire à travailler" ".
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. D..., le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé n'a pas présenté un contrat de travail visé par les autorités compétentes en vertu du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. S'il ressort des pièces du dossier que M. D... a obtenu en 2020 un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français, valable jusqu'au 22 juillet 2021, il ne conteste pas ne plus remplir les conditions pour le renouvellement de son titre de séjour " vie privée et familiale ", la communauté de vie avec son épouse ayant cessé. Par conséquent, l'autorisation de travail dont il disposait auparavant, afférente à ce titre de séjour en vertu des dispositions précitées du code du travail, n'était plus valable au-delà de la durée de validité de ce titre de séjour. M. D... ne peut davantage prétendre à la dérogation prévue par les dispositions de l'article R. 5221-2 du code du travail en se prévalant de la délivrance de récépissés de demandes de titre de séjour l'autorisant à travailler qui lui ont été délivrées, à titre provisoire, jusqu'en octobre 2022 et qui avaient seulement vocation à régir l'instruction de sa demande. Le préfet de la Loire-Atlantique pouvait, pour le seul motif précité, lui refuser le titre de séjour demandé en qualité de salarié. Dans ces conditions, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 30 septembre 2022 au motif que le requérant disposait d'une autorisation de travail satisfaisant les conditions prévues par l'article L. 5221-2 du code du travail lors de l'instruction de son dossier.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... en première instance.
Sur les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif :
En ce qui concerne les moyens communs dirigés contre l'ensemble des décisions contestées :
6. En premier lieu, l'arrêté contesté a été pris par Mme B..., directrice des migrations et de l'intégration à la préfecture de la Loire-Atlantique. Par un arrêté du 5 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la
Loire-Atlantique a donné délégation à Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
7. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, la décision portant refus de séjour comporte les considérations de faits et de droit qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée.
9. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, en relevant qu'il n'avait pas produit une autorisation de travail, le préfet de Loire-Atlantique n'a pas entendu lui opposer l'incomplétude de son dossier de demande de renouvellement de titre de séjour, mais a constaté qu'il ne détenait pas une telle autorisation de travail à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration.
10. En troisième lieu, le préfet de Loire-Atlantique, en retenant que M. D... est entré en France le 23 février 2020 sous couvert d'un visa de court séjour n'a pas commis une erreur de fait au regard des pièces du dossier. Si le requérant fait valoir que le préfet a mentionné, à tort, qu'il est entré en France en février 2020 alors qu'il aurait séjourné sur le territoire national entre 2015 et 2019, il ne l'établit pas davantage par les pièces versées au dossier.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. D... résidait en France depuis deux ans à la date de l'arrêté contesté et ne justifie pas y avoir des liens d'une ancienneté ou intensité particulières alors qu'il est séparé de son épouse. M. D... n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il aurait été victime le 24 septembre 2023 d'une tentative de meurtre en bande organisée. Dans ces conditions, alors même qu'il a exercé dans le cadre de quelques contrats de travail temporaire, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise les textes dont elle fait application, notamment le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne les circonstances de fait propres à la situation du requérant ayant conduit le préfet de la Loire-Atlantique à estimer qu'il ne serait porté aucune atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale par l'édiction de cette mesure d'éloignement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.
14. En deuxième lieu, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.
16. Enfin, si M. D... soutient que la décision contestée méconnaît le droit de toute personne à pouvoir assister à un procès pénal et d'obtenir réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'agression dont il a été victime et invoque le droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aucune pièce du dossier ne permet de tenir pour établi qu'une procédure pénale était diligentée à l'encontre des auteurs de l'agression dont il indique avoir été victime à la date de la décision contestée. Le moyen ne peut donc, dans ces circonstances, qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination mentionne la nationalité de M. D..., vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise qu'il ne justifie pas être exposé personnellement à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision comporte ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, un énoncé suffisant des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement.
18. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
19. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 30 septembre 2022.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2310055 du 16 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... D....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 14 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT02508 2
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