Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme D... E..., épouse C..., et M. A... C... ont demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 16 avril 2024 du préfet du Morbihan portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement nos 2402859, 2402862 du 17 septembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de M. et Mme C....
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 octobre 2024 et le 5 novembre 2024, sous le n°24NT02959, Mme D... E..., épouse C..., représentée par
Me Papazian, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2402859, 2402862 du 17 septembre 2024l du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2024 du préfet du Morbihan portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ;
- elle justifie d'une parfaite intégration en France où elle a su constituer le centre de ses intérêts ;
- la fixation de l'Arménie, pays où elle n'a plus aucune attache, comme pays de destination est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retourner en France pendant un an édictée à son encontre est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2025, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête de Mme E..., épouse C....
Il fait valoir, en se référant à ses écritures de première instance, qu'il produit, que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2024.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 octobre et 5 novembre 2024, sous le n°24NT02961, M. C..., représenté par Me Papazian, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2402859, 2402862 du 17 septembre 2024 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2024 du préfet du Morbihan portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'état de santé de son épouse ;
- il justifie d'une parfaite intégration en France où il a su constituer le centre de ses intérêts ;
- la fixation de l'Arménie, pays où il n'a plus aucune attache, comme pays de destination est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retourner en France pendant un an édictée à son encontre est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2025, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête de M. C....
Il fait valoir, en se référant à ses écritures de première instance, qu'il produit, que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
23 octobre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les observations de Me Papazian, représentant M. et Mme C..., présents à l'audience.
Des notes en délibéré, présentées par M. et Mme C..., ont été enregistrées le 18 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... E..., épouse C..., ressortissante arménienne née en 1960, et son époux, né en 1966, également arménien, déclarent être entrés en France le 19 mars 2017. Ils ont déposé chacun une demande d'asile, qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 28 septembre 2018 en ce qui concerne Mme C..., et le 23 avril 2019 en ce qui concerne son époux. Mme C... a toutefois bénéficié d'un titre de séjour pour raisons de santé valable du 18 avril 2019 au 15 avril 2021. Sa demande de renouvellement de ce titre, déposée le 28 janvier 2021, a néanmoins été rejetée par un arrêté préfectoral du
28 juin 2021, qui l'obligeait également à quitter le territoire français, et auquel elle ne s'est pas conformée, de même que son époux, objet lui aussi d'une mesure d'éloignement prise le même jour. Mme C... a déposé une nouvelle demande de titre de séjour pour motif médical le
13 novembre 2023, qui a été rejetée par un arrêté du préfet du Morbihan du 16 avril 2024.
M. C..., après que le titre de séjour pour motif médical qu'il avait demandé pour lui-même lui a été refusé le 1er février 2022, a déposé en dernier lieu une nouvelle demande de titre sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a également été rejetée par un arrêté du préfet du Morbihan du 16 avril 2024, pris le même jour que celui concernant Mme C.... Par deux requêtes enregistrées sous le n° 24NT02959 et le n° 24NT02961, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 17 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés du 16 avril 2024.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article
L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions précitées : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) ".
4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il lui appartient, à lui seul, de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment, l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, dont il peut demander la communication s'il estime utile cette mesure d'instruction au regard des éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. Pour refuser la délivrance des titres de séjour sollicités par M. et Mme C... en raison de l'état de santé de celle-ci, le préfet du Morbihan s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 28 mars 2023, lequel conclut que, si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il a aussi précisé que Mme C... pouvait voyager sans risque à destination de son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a bénéficié à Lorient (Morbihan), le 24 juillet 2018 et le 25 septembre 2018, de deux interventions de chirurgie orthopédique effectuées à la clinique mutualiste de la porte de l'Orient, consistant en la pose de prothèses des hanches droite puis gauche, destinées à remédier à une luxation congénitale de hanche bilatérale haute. Ces interventions ont été compliquées d'infections osseuses lourdes de caractère nosocomial, complexes et récidivantes, justifiant plusieurs réinterventions et Mme C... reste atteinte, en raison d'une destruction osseuse de sa hanche gauche et de son articulation coxo-fémorale associée à une insuffisance musculaire, d'un handicap fonctionnel lourd qui l'obligeait à se déplacer avec des béquilles, la contraint désormais à être en fauteuil roulant, et nécessite l'assistance d'une tierce personne pour les actes de la vie courante. A côté de cette impotence fonctionnelle, Mme C... souffre d'un syndrome dépressif d'évolution chronique pour lequel elle est traitée au long cours par l'administration de médicaments antidépresseurs et un suivi mensuel en consultation. Enfin, des problèmes cardiaques de l'intéressée sont traités en France par l'administration d'un traitement anti-hypertenseur et anticoagulant et un suivi cardiologique.
7. Il ressort des pièces des dossiers et notamment de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 9 avril 2024 et des observations de l'OFII devant le tribunal administratif, que si l'état de santé de Mme C..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque vers celui-ci. Selon les informations issues de la base de données MedCOI, sur le plan locomoteur, la chirurgie orthopédique, le traitement et le suivi par un spécialiste en médecine de réadaptation sont disponibles au centre médical d'Izmirlian, à Erevan, qui réalise la pose de prothèses de hanche. L'imagerie par résonance magnétique nécessaire pour préparer une éventuelle nouvelle chirurgie de la hanche pour Mme C... est disponible au complexe hospitalier universitaire d'Heratsi N1 à Erevan. Sur le plan cardiologique, le rivaroxaban est dispensé à Vaga Pharm à Erevan et le suivi cardiologique est notamment disponible au centre scientifique médical d'Erevan. Les pièces médicales fournies par les requérants, si elles exposent de manière détaillée les pathologies dont souffre Mme C..., mentionnées ci-dessus au point 6, ainsi que les problèmes d'arthrose, notamment aux mains, pour lesquels elle est aussi suivie, ainsi que les traitements nécessaires, passés et en cours, ne permettent pas d'établir que les soins et traitements nécessaires ne pourraient être poursuivis en Arménie. Il est vrai, sur ce point, que le docteur B..., chirurgien de Mme C..., chef de service au pôle locomoteur du CHU de Brest, indique, dans une attestation du 2 décembre 2023, que l'état de santé de sa patiente " nécessite une prise en charge en chirurgicale orthopédique courant de l'année 2024 et ne permet pas de quitter le territoire français " puis, dans d'autres attestations ultérieures, précise que " ce geste chirurgical est potentiellement possible mais il s'agit d'un geste de haute technicité nécessitant une reconstruction sur mesure, des transferts musculaires complexes. Cette intervention de très haute technicité médicale et technologique ne peut pas être envisagée dans son pays d'origine ". Toutefois, cette opération de pose d'une prothèse sur mesure avec reconstruction cotyloïdienne, d'ailleurs envisagée dès le début de l'année 2022, sans être mise en œuvre, ne présentait pas, aux dates auxquelles le collège des médecins de l'OFII et le préfet du Morbihan se sont prononcés, un caractère impératif ou d'urgence bien qu'elle soit susceptible d'améliorer l'état de santé d'une patiente lourdement handicapée et dont l'état psychique dépressif, pour lequel elle était et reste suivie et traitée, est aggravé par son impotence fonctionnelle. Surtout, en dépit de l'affirmation du docteur B..., faisant état d'une opération qui " nécessite la prise en charge dans un centre hospitalier universitaire accrédité pour l'infectiologie et la reconstruction arthroplastique de haut niveau ", il n'est pas établi qu'une telle intervention serait techniquement impraticable ou inaccessible en Arménie, notamment au centre médical d'Izmirlian, à Erevan, alors que l'OFII, spécialisé et documenté pour porter ce type d'appréciation, a estimé ce traitement possible. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier une impossibilité pour Mme C... d'être suivie et traitée pour ses problèmes psychiatriques, même si le docteur F... de psychiatrie adulte de l'établissement public de santé mentale (EPSM) Sud Bretagne de Caudan écrit dans une attestation du 13 juin 2024 que : " Les soins mis en place (rééducation et suivi psychologique) ne trouvent pas d'équivalent dans le pays d'origine et il est impératif que ma patiente puisse continuer de résider en France pour la poursuite des soins ", évoquant également, dans sa contribution au rapport médical confidentiel transmis à l'OFII, une durée prévisible des soins " à vie ". Enfin, ni la perspective d'un rendez-vous en vue de la réalisation par le docteur B..., déjà plusieurs fois envisagée, d'une opération au CHU de Brest, ni la réunion d'expertise à laquelle Mme C... a été convoquée pour le 19 mars 2025 ne permettent non plus de considérer qu'aux dates auxquelles le collège des médecins de l'OFII et le préfet ont donné leur avis ou statué, l'état de santé de l'intéressée ne permettait pas un retour de celle-ci en Arménie ou sa prise en charge effective dans ce pays par un traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Morbihan, en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, aurait méconnu les dispositions des articles L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou commis une erreur d'appréciation.
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
9. Les requérants, qui insistent dans leur requête d'appel sur leur intégration en France, où ils ont constitué le centre de leurs intérêts et créé des liens solides et vivent dans logement social dont ils paient le loyer, doivent être regardés comme soulevant le moyen tiré d'une atteinte excessive à leur vie privée et familiale et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par l'autorité administrative en leur refusant un titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier, toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, que Mme C... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Arménie, alors même que les conditions de prise en charge de ses pathologies et de son handicap sont sensiblement plus favorables en France qu'en Arménie. Si les requérants, dont les enfants vivent hors de France, y sont présents depuis sept ans, la durée de ce séjour s'explique par les démarches infructueuses qu'ils ont engagées pour que la qualité de réfugiés leur soit reconnue, puis par leur admission au séjour pour des raisons de santé, qui ne leur donnaient pas vocation à demeurer en France au-delà de la durée des soins nécessaires. Le préfet du Morbihan n'a donc pas méconnu les stipulations précitées en leur refusant les titres de séjour qu'ils sollicitaient, ni commis une erreur d'appréciation des conséquences de sa décision sur leur situation.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
10. M. et Mme C... n'apportent aucun élément attestant de l'insertion en France dont ils se prévalent. Rien ne fait obstacle à ce que leur cellule familiale se reconstitue en Arménie où ils ont vécu jusqu'aux âges de 51 ans et 57 ans, alors que, ainsi qu'il a été précédemment exposé, il n'est pas établi que Mme C... ne pourra pas bénéficier des soins nécessités par son état de santé. Pour ces motifs et eu égard à ce qui a déjà été dit ci-dessus au point 9, le moyen tiré de ce que, en obligeant les requérants à quitter le territoire français, le préfet du Morbihan aurait porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale ou commis une erreur d'appréciation des conséquences de sa décision sur leur situation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
11. Les requérants, qui sont parents de deux enfants majeurs ne résidant pas en France, n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales en Arménie. En outre, ainsi qu'il a été précédemment exposé, il n'est pas établi que Mme C... ne pourrait pas bénéficier en Arménie des traitements médicaux adaptés à ses pathologies. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant l'Arménie comme pays de destination doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour :
12. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles
L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11(...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement, dans son principe et sa durée, la décision d'interdiction de retour.
13. Il ressort de la motivation des arrêtés contestés que, pour édicter à l'encontre des époux C... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an, le préfet a pris en compte la date d'entrée sur le territoire national des requérants, leur absence d'insertion en France, où ils ne justifient d'aucune ressource en dehors de l'aide attribuée à Mme C... par la maison départementale des personnes handicapées, l'absence d'attaches familiales en France, leur soustraction à une précédente mesure d'éloignement et l'absence de trouble à l'ordre public. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être considéré qu'en interdisant le retour en France de M. et Mme C... pour une durée d'un an, le préfet du Morbihan aurait fait une inexacte application de l'article L. 612-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 16 avril 2024 par lesquels le préfet du Morbihan a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement. Leurs conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E..., épouse C..., à
M. A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24NT02959, 24NT02961