La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2025 | FRANCE | N°24NT01870

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 07 mars 2025, 24NT01870


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision par laquelle le préfet du Calvados a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 30 mars 2023.



Par une ordonnance n°2400693 du 18 juin 2024, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 20 juin 2024, Mme

B..., représentée par

Me Papinot, demande à la cour :



1°) d'annuler cette ordonnance du président de la deuxièm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision par laquelle le préfet du Calvados a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 30 mars 2023.

Par une ordonnance n°2400693 du 18 juin 2024, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2024, Mme B..., représentée par

Me Papinot, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen du 18 juin 2024 ;

2°) à titre principal, de renvoyer sa requête devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) à titre subsidiaire, d'évoquer et d'annuler la décision implicite du préfet du Calvados du 30 juillet 2023 rejetant sa demande de titre de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " ou une autorisation de séjour avec autorisation de travail ou de réexaminer sa situation administrative et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a bien adressé par voie postale et en recommandé un dossier de demande de titre de séjour dont il a été accusé réception par le préfet du Calvados le 30 mars 2023 et ce dernier n'a jamais nié avoir été destinataire de sa demande ni soutenu que celle-ci était incomplète ;

- la décision implicite de refus n'est pas motivée alors que le préfet n'a pas répondu au courrier recommandé demandant les motifs du refus, reçu le 9 février 2024, et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa demande ;

- le refus implicite de sa demande de titre méconnaît les articles L. 435-1, L423-23 et L422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2025, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en remet aux termes de l'ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen selon laquelle Mme B... n'a pas régularisé sa requête de première instance en produisant les pièces justifiant le dépôt d'une demande de titre de séjour.

Le président du bureau d'aide juridictionnelle a refusé d'accorder l'aide juridictionnelle à Mme B... par une décision du 9 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-967 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marion a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 9 août 2002, de nationalité géorgienne, déclare être entrée en France le 15 novembre 2017, à l'âge de 15 ans, accompagnée de ses parents et frères et sœur. Elle fait état de ce qu'elle a, par un courrier envoyé en recommandé et reçu par la préfecture le 30 mars 2023, demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 ou de L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'interrogeant sur l'état d'instruction de sa demande, elle a, par un courrier adressé en recommandé et reçu par la préfecture du Calvados le 9 février 2024, interrogé le service et sollicité les motifs de la décision implicite de rejet éventuellement intervenue. En l'absence de réponse du préfet à ce deuxième courrier, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Caen pour demander l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour présentée le

30 mars 2023. Par une ordonnance du 18 juin 2024, dont Mme B... relève appel, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation." et aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours./La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête (...) " et aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ".

3. Pour rejeter la demande de Mme B... par une ordonnance fondée sur l'application des dispositions susmentionnées de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen a constaté qu'en dépit d'une invitation du 20 mars 2024 à régulariser sa requête en produisant une copie de sa demande de titre de séjour dans le délai de 30 jours, Mme B... n'avait pas produit la copie de la demande de titre de séjour qu'elle disait avoir adressée en recommandé au préfet du Calvados et en a déduit que les conclusions de Mme B... à fin d'annulation d'une décision implicite de rejet du préfet du Calvados étaient irrecevables et devaient être rejetées, ainsi, que par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... avait produit à l'appui de sa requête l'avis de réception d'un courrier adressé en recommandé au " bureau du séjour et des naturalisations /AES " de la préfecture du Calvados et portant le tampon de la préfecture à la date du 30 mars 2023. Or il résulte des termes mêmes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative que seule la production " de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation " est exigée. Dans ces conditions, la demande de première instance présentée par Mme B... était recevable dès la date de son enregistrement dans télérecours et, par suite, c'est à tort qu'en ajoutant une condition non prévue par l'article R. 412-1 du code de justice administrative le tribunal administratif lui a opposé la circonstance qu'elle n'avait pas produit la copie de sa demande de titre de séjour adressée au préfet du Calvados. L'ordonnance attaquée a ainsi méconnu l'article R. 412-1 du code de justice administrative et doit dès lors être annulée.

5. Il y a lieu, comme le demande d'ailleurs, à titre principal, Mme B..., de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Caen pour qu'il soit statué sur sa demande.

Sur les frais d'instance :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°2400693 du 18 juin 2024 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Caen.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.

La rapporteure,

I. MARION

Le président,

O. COUVERT-CASTÉRA

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01870
Date de la décision : 07/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-08 PROCÉDURE. - INTRODUCTION DE L'INSTANCE. - FORMES DE LA REQUÊTE. - PRODUCTION DE LA DÉCISION ATTAQUÉE OU DE LA PIÈCE JUSTIFIANT DE LA DATE DU DÉPÔT DE LA DEMANDE - DÉCISION IMPLICITE DE REJET D'UNE DEMANDE DE TITRE DE SÉJOUR - PRODUCTION D'UN ACCUSÉ DE RÉCEPTION MAIS PAS DE LA DEMANDE ELLE-MÊME - RECEVABILITÉ ([RJ1]).

54-01-08 La requérante a demandé au tribunal administratif d'annuler la décision par laquelle le préfet du Calvados a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 30 mars 2023. Pour que soient respectées, en l'espèce, les prescriptions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, qui exigent la production de l'acte attaqué ou, en cas de demande adressée à l'autorité compétente, de la pièce justifiant de la date du dépôt de cette demande, il suffit que le demandeur produise un accusé de réception de sa demande. La requérante ayant communiqué au tribunal administratif l'accusé de réception d'un courrier adressé en recommandé au « bureau du séjour et des naturalisations /AES » de la préfecture du Calvados et portant le tampon de la préfecture à la date du 30 mars 2023, sa demande était recevable devant ce tribunal, alors même qu'elle n'a pas produit, malgré la demande en ce sens du tribunal, la copie de sa demande de titre de séjour adressée au préfet.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : PAPINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-07;24nt01870 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award