Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Chevallerie a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite du 5 octobre 2021 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la décision du 7 juin 2021 par laquelle la préfète de l'Orne lui a retiré le bénéfice du régime de la transparence pour les campagnes 2018, 2019, 2020 et 2021.
Par un jugement n°2102672 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2023, le GAEC de la Chevallerie, représenté par Me Bocquillon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 16 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite du 5 octobre 2021 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la décision de la préfète de l'Orne du 7 juin 2021 lui retirant le bénéfice de la transparence pour les campagnes 2018, 2019, 2020 et 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le motif de retrait du bénéfice du régime de la transparence, tiré de ce que Mme D... B..., associée du GAEC, ne participerait plus de façon effective au travail en commun dès lors qu'elle perçoit une pension d'invalidité à 100 % est erroné dans la mesure où Mme B... détient toujours le statut d'exploitant agricole et continue à travailler de façon effective au sein du GAEC de la Chevallerie alors même qu'elle n'est pas rémunérée en vertu d'une décision de l'ensemble de ses associés destinée à alléger les charges du GAEC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le GAEC de la Chevallerie ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marion,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
- et les observations de Me Bocquillon, représentant le GAEC de la Chevallerie.
Considérant ce qui suit :
1. Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Chevallerie, créé en 1999 à Saint-Ouen de Sècherouvre (Orne) regroupe à partir de l'année 2002 trois associés, Mme D... A..., épouse B..., et ses deux enfants, Mme C... B... et M. E... B.... Dans le cadre d'un contrôle administratif effectué le 18 août 2020, les services de la direction départementale des territoires de l'Orne ont constaté que Mme D... B... avait conservé son statut d'associée du GAEC, alors qu'elle percevait depuis le 1er janvier 2012 une pension d'invalidité à hauteur de 100 %, sans en avoir informé l'administration. Par décision du 7 juin 2021, la préfète de l'Orne a retiré le bénéfice du régime de la transparence au GAEC de la Chevallerie pour les campagnes 2018, 2019, 2020 et 2021. Le GAEC de la Chevallerie a exercé à l'encontre cette décision auprès du ministre chargé de l'agriculture le recours administratif préalable obligatoire prévu par l'article R. 323-22 du code rural et de la pêche maritime. Par une décision implicite de rejet intervenue le 5 octobre 2021, qui s'est substituée à la décision du 7 juin 2021, le ministre chargé de l'agriculture a rejeté son recours administratif. Le GAEC de la Chevallerie relève appel du jugement du 16 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du ministre chargé de l'agriculture.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet en date du 5 octobre 2021 du ministre de l'agriculture :
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 323-2 du code rural et de la pêche maritime : " Un groupement agricole d'exploitation en commun est dit total quand il a pour objet la mise en commun par ses associés de l'ensemble de leurs activités de production agricole. (...) ". Aux termes de l'article L. 323-7 du même code : " Peuvent être membres d'un groupement agricole d'exploitation en commun les personnes qui font à ce groupement un apport en numéraire, en nature ou en industrie afin de contribuer à la réalisation de son objet. Les associés doivent participer effectivement au travail en commun. (...) Les associés d'un groupement total doivent y exercer leur activité professionnelle à titre exclusif et à temps complet. (...) ". Aux termes de l'article L. 323-13 du même code : " La participation à un groupement agricole d'exploitation en commun ne doit pas avoir pour effet de mettre ceux des associés qui sont considérés comme chefs d'exploitation et leur famille, pour tout ce qui touche leur statut professionnel, et notamment économique, social et fiscal, dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation agricole, et à celle des autres familles de chefs d'exploitation agricole (...) ". Aux termes de l'article R. 323-31 du même code : " Les associés doivent participer effectivement au travail commun. Ce travail doit être effectué dans des conditions comparables à celles existant pour les exploitations de caractère familial. Chaque membre du groupement doit être associé aux responsabilités de l'exploitation. L'exercice des fonctions de direction ne dispense pas de la participation aux travaux d'exécution ". Aux termes de l'article R. 323-54 du même code : " Lorsqu'il est établi qu'un groupement agricole d'exploitation en commun total ne respecte plus l'ensemble des critères mentionnés aux articles L. 323-2 et L. 323-7, il perd le bénéfice des dispositions des articles R. 323-52 et R. 323-53 pour la campagne au cours de laquelle le manquement est intervenu et jusqu'à la campagne suivant la date de sa mise en conformité. ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 732-8 du code rural et de la pêche maritime : " Les prestations d'invalidité sont dues aux chefs d'exploitation (...), dans le cas où, en raison de son état de santé, l'intéressé est reconnu comme totalement inapte à l'exercice de la profession agricole (...) ".
4. Il est constant que Mme D... A..., épouse B..., est bénéficiaire d'une pension d'invalidité à 100 % depuis 2012 en raison de la reconnaissance de son inaptitude totale à l'exercice de la profession agricole. Si le GAEC soutient qu'en dépit de son statut de pensionnée invalide, Mme B..., qui est restée associée et propriétaire du tiers des parts du groupement, a continué à participer à temps plein aux activités de production agricole du GAEC sans être rémunérée, il ne conteste pas qu'il n'a pas fourni à l'administration l'attestation sur l'honneur relative à la participation effective de Mme B... au travail commun de production agricole du groupement. Le GAEC ne produit pas davantage la délibération de l'assemblée des trois associés qui aurait décidé d'un maintien de l'activité à temps plein non rémunérée de Mme D... B... ni aucun autre élément susceptible de démontrer la participation effective de cette dernière au travail en commun du GAEC. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... continuait de participer effectivement à l'activité du GAEC. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le GAEC de la Chevallerie, le ministre chargé de l'agriculture n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en lui retirant le bénéfice du régime de la transparence au motif qu'il ne respectait plus le critère, énoncé par l'article L. 323-7 du code rural et de la pêche maritime, de participation effective des associés au travail commun du GAEC.
5. Il résulte de ce qui précède, que le GAEC de la Chevallerie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au GAEC de la Chevallerie de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du GAEC de la Chevallerie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC de la Chevallerie et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la Cour,
- M. Vergne, président assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.
La rapporteure,
I. MARION
Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT03753