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18/02/2025 | FRANCE | N°24NT01614

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 18 février 2025, 24NT01614


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2023, par lequel le préfet D... lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2315171 du 17 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administ

ratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2023, par lequel le préfet D... lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2315171 du 17 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré les 30 mai et 6 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Chaumette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet D..., sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification

de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; le préfet s'est cru en compétence liée pour prendre cette décision ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2024, le préfet D... conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les observations de Me Chaumette, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. C... B..., ressortissant nigérian, né le 10 juillet 1993, qui a déclaré être entré irrégulièrement en France en février 2018 et dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2018, puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 juillet 2019, a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel le préfet D... lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en application des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 17 avril 2024 dont l'intéressé relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, qu'elles aient pour objet de régler leur situation personnelle ou pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a entretenu en France une relation sentimentale avec une compatriote en situation irrégulière et que deux enfants, A... B... E... B..., sont nés de cette relation respectivement le 23 février 2019 et le 13 octobre 2021. Par un jugement en assistance éducative du 4 mai 2022, renouvelé par un jugement du

30 novembre 2022, dont l'exécution a été prévue jusqu'au 30 novembre 2023, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Nantes a confié les deux enfants au service de l'aide sociale à l'enfance du département D... pour qu'ils soient placés en famille d'accueil compte tenu notamment de ce que les enfants ont été témoins de violences conjugales dont le requérant a été l'auteur. Toutefois, il ne saurait être reproché à M. B... de ne pas pouvoir assurer l'éducation et l'entretien de ses enfants compte tenu de sa précarité, qui a été reconnue par le jugement du

30 novembre 2022, lequel a également relevé que l'intéressé est régulièrement présent aux dates prévues pour exercer son droit de visite auprès de ses enfants, deux fois par semaine, en présence d'un tiers, sans droit d'hébergement. Des attestations établies par le centre départemental de l'enfance et des familles D... des 12 octobre 2023 et 27 mai 2024 ont confirmé qu'il a exercé son droit d'une manière assidue et régulière. Compte tenu de ces éléments démontrant l'existence d'une relation familiale suivie du requérant auprès de ses enfants alors même qu'il ne vit pas avec eux, la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai a pour effet de porter atteinte à cette relation, et est donc contraire à l'intérêt supérieur de cette dernière, en méconnaissance de stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination et celle prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet D... de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2315171 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 17 avril 2024 et l'arrêté du préfet D... du 10 octobre 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet D... de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros hors taxe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet D....

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0161402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01614
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CHAUMETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-18;24nt01614 ?
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