Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 2309171 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 7 mai 2024, M. A... B..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il invoque contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination les mêmes moyens que ceux soulevés pour contester la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ; en outre, les deux décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit, portent atteinte au droit de M. A... B... au respect à sa vie privée et familiale, sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et sont illégales du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité tunisienne, né le 10 août 1985, entré en France le
20 novembre 2017 en étant muni d'un visa de court séjour, a demandé au préfet de la Mayenne la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du
17 mai 2023, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré. M. A... B... relève appel du jugement du 11 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié". (...) ".
3. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", le préfet de la Mayenne s'est notamment fondé sur l'avis défavorable de la " plateforme main d'œuvre étrangère " à l'embauche de M. A... B... au motif que le salaire prévu correspond à celui de " monteur réseaux ", est " bien inférieur " à celui de " technicien d'installations de réseaux de télécommunication ". Si la demande d'autorisation de travail a été présentée par la société Orion le 5 décembre 2020 avec la mention " technicien d'installations de réseaux de télécommunication ", il résulte des pièces du dossier et notamment des bulletins de paye pour la période du 15 janvier 2019 au 30 novembre 2020, qui ont été présentés au préfet par M. A... B..., que celui-ci exerçait en France un métier de " chef d'équipe monteur réseaux " et non de " technicien d'installations de réseaux de télécommunication ". En outre, par une lettre du 3 mai 2024 adressée à M. A... B..., la SARL Geni and Fibre lui a fait part de son intention de l'engager par un contrat de travail à durée indéterminée en tant que " chef d'équipe monteur réseaux " à compter du 1er juillet 2024 et ce, sous réserve du renouvellement de son titre de séjour. La demande d'autorisation de travail a donc comporté une erreur de fait quant à la mention de l'activité professionnelle, laquelle erreur a également entaché l'avis défavorable de la " plateforme main d'œuvre étrangère ", qui a relevé à tort l'inadéquation entre l'emploi sollicité et le salaire prévu. Dans ces conditions, M. A... B... est fondé à invoquer l'erreur de fait au regard des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'annuler la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.
5. Eu égard au motif d'annulation, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation de M. A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 avril 2024 et l'arrêté du préfet de la Mayenne du 17 mai 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation de M. A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... B... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT136102