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14/02/2025 | FRANCE | N°24NT03352

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 14 février 2025, 24NT03352


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 août 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de son pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2404991 du 22 novembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 7 août 2024 en tant qu'il pronon

ce à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 août 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de son pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2404991 du 22 novembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 7 août 2024 en tant qu'il prononce à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée le 29 novembre 2024 sous le n° 24NT03352, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 novembre 2024 en tant qu'il annule sa décision portant interdiction de retour en France pendant une durée d'un an ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. A....

Il soutient que :

- M. A... ne justifie pas d'une insertion à la société française, ni d'un lien de dépendance avec sa mère et n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine ;

- la circonstance que l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'interdiction de retour en France puisse être prononcée pour une durée de 5 ans laisse une marge d'appréciation plus importante à l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2025, M. B... A..., représenté par Me Zaegel, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué, à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à titre subsidiaire à ce qu'il réexamine sa situation et lui délivre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et à ce que la somme de 1 600 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français révèle un défaut d'examen de sa situation et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant son pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est contraire aux articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II- Par une requête enregistrée le 5 décembre 2024 sous le n° 24NT03414, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes du 22 novembre 2024.

Il soutient que :

- les moyens énoncés dans sa requête apparaissent sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions présentées par M. A... ;

- M. A... ne justifie pas d'une insertion à la société française, ni d'un lien de dépendance avec sa mère et n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine.

M. A... n'a pas produit de mémoire en défense dans cette instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2025

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Par une requête enregistrée sous le n° 24NT03352, le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 22 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 7 août 2024 en tant qu'il porte interdiction à M. A..., ressortissant moldave, de revenir en France pendant une durée d'un an. Par une requête distincte enregistrée sous le n° 24NT03414, le préfet demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution du même jugement.

2. Ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour se prononcer par un même arrêt.

Sur la requête n° 24NT03352 :

En ce qui concerne l'appel principal du préfet :

3. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

4. Il est constant que M. A..., qui est né en 2004 et est entré en France le 3 septembre 2022, n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représente pas une menace pour l'ordre public. Si l'intéressé a déclaré être célibataire et sans enfant, il n'est pas contesté que sa mère, son beau-père et ses frères et sœurs résident en France et bénéficient de la protection subsidiaire. A cet égard, M. A... a produit une attestation de sa mère, Tatiana, qui l'héberge à Fougères, ainsi qu'une attestation de l'enseignant coordonnateur de la mission de lutte contre le décrochage scolaire auprès duquel le jeune homme est inscrit depuis le 16 mars 2023. Ce professeur atteste que cet élève, compte tenu de son sérieux, est tout à fait en capacité de valider et d'obtenir un bac professionnel dans l'option " optique lunetterie ". Le bulletin scolaire du troisième trimestre de l'année 2023 - 2024 de M. A... confirme qu'il était inscrit en classe de seconde professionnelle " Optique-lunetterie " au lycée professionnel J. Guéhenno de Fougères et que ses résultats étaient très satisfaisants. Dans ces conditions, au vu de ces différents éléments et alors même que M. A... ne serait pas entré en France avec sa mère et les autres membres de sa famille et serait resté dans son pays d'origine aux côtés de sa grand-mère, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Rennes a estimé qu'en lui interdisant le retour en France pour une durée d'un an, le préfet d'Ille-et-Vilaine avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision litigieuse.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident présentées par M. A... :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Il convient d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de l'absence d'examen de sa situation personnelle par le préfet d'Ille-et-Vilaine et de ce qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, que M. A... réitère en appel sans apporter aucun élément nouveau.

S'agissant de la décision fixant son pays de renvoi :

7. Il convient d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision fixant son pays de renvoi serait entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et serait contraire aux dispositions et stipulations des articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. A... réitère en appel sans apporter aucun élément nouveau.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Pour les mêmes motifs, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête n° 24NT03414 :

9. Dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur les conclusions du recours du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête enregistrée sous le n° 24NT03414 tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 novembre 2024.

Article 2 : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par M. A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à M. B... A....

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 février 2025.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

G.-V. VERGNE

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT03352 et 24NT03414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03352
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : ZAEGEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;24nt03352 ?
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