Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Dinan à l'indemniser de divers préjudices d'un montant total de 40 677 euros qu'elle estime avoir subis du fait de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée lors de la prise en charge de son accouchement par cet établissement.
Par un jugement n°2100628 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier de Dinan à verser à Mme D... la somme de 1 600 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 septembre 2023, 20 octobre 2023 et 17 janvier 2024, Mme D..., représentée par Me Laynaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 juillet 2023 en tant qu'il limite à la somme de 1 600 euros la condamnation du centre hospitalier de Dinan à réparer ses préjudices ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Dinan à lui verser :
*550 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
*8 050 euros au titre de l'atteinte à l'intégrité physique et psychique (ou incapacité permanente partielle) ;
* 4 500 euros au titre des souffrances endurées ;
*4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent :
* 1 577 euros au titre des pertes de gains professionnels ;
* 15 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
* 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Dinan le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité sans faute du centre hospitalier est engagée dès lors qu'elle a été victime d'une infection nosocomiale survenue en raison de l'épisiotomie et de la déchirure du périnée lors de son accouchement du 24 mai 2019 ;
- dès lors que l'expert de la CCI n'a pas fait de distinction entre les dommages liés à l'infection nosocomiale proprement dite et ceux liés au lâchage de la suture de l'épisiotomie et de la déchirure périnéale, qui a permis la propagation du germe escherichia coli, il y a lieu de l'indemniser intégralement des préjudices subis à hauteur des montants réclamés en première instance ;
- la déchirure du périnée, qui n'était pas grave, n'ayant touché ni le sphincter ni la muqueuse anale n'est pas la cause de ses préjudices et c'est bien l'infection nosocomiale qui s'est développée en raison du lâchage des sutures de l'épisiotomie et de la déchirure du périnée qui en est la cause directe et certaine ;
- contrairement aux affirmations du centre hospitalier de Dinan, elle a continué à présenter des signes infectieux après l'intervention de reprise de la suture d'épisiotomie et de la déchirure réalisée le 11 août 2018 ;
- elle a bien subi une perte nette de salaires de 1 090,43 euros durant son arrêt de travail du 21 septembre 2018 au 21 janvier 2019 et de 1 577 euros durant son arrêt de travail du 9 mars 2020 au 10 mai 2020 ; un déficit fonctionnel temporaire pour deux jours d'hospitalisation les 10 août 2018 et 6 décembre 2018 indemnisable à hauteur de 550 euros ; des souffrances physiques et psychiques endurées évaluées à 2/7, indemnisables à hauteur de 4 500 euros ; un préjudice esthétique temporaire évalué à 2/7 indemnisable à hauteur de 4 000 euros ; un déficit fonctionnel permanent de 5 % indemnisable à hauteur de 8 050 euros ; un préjudice esthétique permanent de 1/7 en raison de la béance vulvaire et la bride périnéale avec défect, évaluable à 2 000 euros ; un préjudice sexuel à hauteur de 15 000 euros ; un préjudice d'agrément du fait de ne pas pouvoir s'occuper de son nourrisson ni reprendre une activité physique et sportive à hauteur de 5 000 euros.
Par des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2023 et 28 février 2024, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, représentée par Me Di Palma, conclut :
1°) à la condamnation du centre hospitalier de Dinan à lui verser :
- la somme de 6 696,10 euros en remboursement de ses débours, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation des intérêts ;
- les sommes de 1 191 euros au titre de chacune des instances devant le tribunal administratif de Rennes et la cour administrative d'appel de Nantes ;
2°) à ce que les sommes de 1 500 euros et 2 000 euros soient mises à la charge du centre hospitalier de Dinan au titre des frais exposés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel.
Elle soutient que :
- le taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de Mme D... en lien avec l'affection nosocomiale s'élevant à 5 %, elle est en droit de demander la condamnation du centre hospitalier de Dinan à lui rembourser les dépenses de santé actuelles correspondant aux frais d'hospitalisation, frais médicaux et frais pharmaceutiques exposés, les indemnités journalières avant et après consolidation, les soins post consolidation, pour un montant total de 6 696,10 euros selon l'attestation d'imputabilité du médecin conseil ;
- contrairement aux affirmations de l'hôpital, l'infection nosocomiale ne s'est pas arrêtée fin juillet 2018 puisque, lors de la reprise chirurgicale du 10 août 2018, des écoulements purulents ont été constatés, mais également le 21 septembre 2018 et postérieurement à septembre 2018 ;
- elle est en droit de bénéficier d'une indemnité forfaitaire de gestion de 1191 euros tant en première instance qu'en appel.
Par des mémoires en défense enregistrés les 3 janvier, 16 février et 14 mars 2024, le centre hospitalier de Dinan conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM d'Ille-et-Vilaine et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il le condamne à verser à Mme D... la somme de 1 600 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées.
Il soutient que :
- il ne s'oppose pas à la confirmation du jugement en tant qu'il retient sa responsabilité présumée en raison du caractère nosocomial de l'infection par escherichia coli contractée par Mme D... ;
- les préjudices invoqués par Mme D... ne sont pas en lien direct et certain avec l'infection nosocomiale mais sont dus à la déchirure du périnée qui constitue un accident médical non fautif sans gravité n'ouvrant pas droit à indemnisation tant de la part de l'hôpital que de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale car l'infection nosocomiale n'a eu pour effet que d'imposer une antibiothérapie et des soins locaux pendant une durée de deux mois, soit jusqu'en juillet 2018 ,
- les deux opérations des 10 août et 6 décembre 2018 sont sans lien avec l'affection nosocomiale et sont dues uniquement au lâchage de la cicatrice d'épisiotomie et de la suture de la déchirure périnéale si bien que Mme D... n'a pas subi de déficit fonctionnel temporaire en lien avec l'infection nosocomiale ;
- les souffrances endurées évaluées à 2/7 par l'expert ne sont pas dues à la prise d'antibiotiques et aux soins locaux nécessités par l'infection, qui n'ont pu générer que des souffrances à hauteur de 1/7 pendant deux mois, indemnisables à hauteur d'une somme maximum de 800 euros ;
- le préjudice esthétique temporaire et permanent en raison de la béance vulvaire et de la bride périnéale avec défect n'est pas en lien avec l'infection nosocomiale et a, en tout état de cause, été corrigé par l'opération de plastie vulvaire du 9 mars 2020 ;
- le déficit fonctionnel permanent de 5 % retenu par l'expert CCI n'est pas en lien avec l'infection nosocomiale ;
- le préjudice sexuel n'est pas en lien avec l'infection nosocomiale ;
- le préjudice d'agrément de ne pas pouvoir s'occuper de son enfant et de ne pas pouvoir avoir d'activité de loisir ou de sport n'est pas du tout établi et n'est pas, en tout état de cause, en lien avec l'infection nosocomiale ;
- les débours demandés par la CPAM d'Ille-et-Vilaine sont assortis d'une attestation d'imputabilité non détaillée qui ne permet pas de déterminer les frais déboursés en raison de l'infection nosocomiale alors qu'il n'est pas démontré que les écoulements purulents constatés les 10 août et 21 septembre 2018 sont en lien avec l'infection nosocomiale constatée après l'accouchement. ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 23 décembre 2024 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marion,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
- les observations de Me Laynaud pour Mme D...,
- et les observations de Me Atlani, substituant Me Limonta, pour le Groupe Hospitalier Rance Emeraude.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., alors âgée de 31 ans, a accouché par voie basse et avec utilisation de ventouse et forceps, le 24 mai 2018, à la maternité du centre hospitalier de Dinan. L'épisiotomie pratiquée au cours de l'accouchement n'a pas permis d'éviter la survenance de déchirures du vagin et du périnée qui ont été suturées. Mme D... est sortie de l'hôpital le 28 mai 2018. Toutefois, le lendemain même, elle est revenue à la maternité en raison de fortes douleurs. Le gynécologue-obstétricien a constaté que les sutures avaient lâché jusqu'à la marge de l'anus du côté droit et que la déchirure était infectée. Un traitement antibiotique a alors été prescrit, les examens effectués révélant l'existence de la bactérie escherichia coli. Mme D... a subi, le 10 août 2018 puis le 6 décembre 2018, deux interventions chirurgicales de reprise de la cicatrice d'épisiotomie et de la déchirure avec détersion. Toutefois, le 1er février 2019, il a été relevé un lâchage de la déchirure du vagin au niveau de la fourchette et une béance vulvaire. S'interrogeant sur les conditions de sa prise en charge par le centre hospitalier de Dinan, Mme D... a saisi le 4 janvier 2019 la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux qui a ordonné une expertise médicale confiée au Dr A..., gynécologue obstétricien. Celui-ci a établi un rapport concluant à l'absence de faute médicale, la déchirure du périnée étant une complication connue en cas d'accouchement par voie basse, mais a retenu que l'infection par escherichia coli subie par Mme D... constituait " une infection nosocomiale survenue des suites de l'épisiotomie et de la déchirure lors de l'accouchement ", et il a fixé la date de consolidation au 21 janvier 2019. Par un avis du 30 septembre 2019, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux s'est déclarée " incompétente " pour se prononcer sur la demande d'indemnisation de Mme D... dès lors que le dommage consistant en " une déchirure du périnée sans atteinte du sphincter ni de la muqueuse anale dans les suites d'un accouchement ayant nécessité l'usage d'une ventouse et d'un forceps et la réalisation d'une épisiotomie " ne pouvait être qualifié de particulièrement grave. Le 9 mars 2020, Mme D... a subi une opération de plastie du périnée destinée à corriger une bride au niveau du périnée et la béance vaginale. Le 12 octobre 2020, Mme D... a saisi le Centre hospitalier de Dinan d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des complications survenues après son accouchement. Cette demande a été implicitement rejetée. Mme D... relève appel du jugement du 21 juillet 2023 en tant que le tribunal administratif de Rennes a limité la condamnation du centre hospitalier de Dinan à la seule indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées, à hauteur de la somme totale de 1 600 euros. Le Centre hospitalier de Dinan présente des conclusions d'appel incident par lesquelles il demande la réformation du jugement et la réduction du montant de l'indemnité mise à sa charge en première instance. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine demande l'annulation du jugement en tant qu'il rejette sa demande de remboursement de ses débours à hauteur de 6 696,10 euros.
Sur le principe et l'étendue de la responsabilité du centre hospitalier de Dinan :
2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère "....
3. Il n'est plus contesté par les parties, à hauteur d'appel, que la contamination d'une parturiente par les germes du vagin qui, en dépit des mesures d'asepsie, est toujours possible lors d'un accouchement par voie naturelle avec épisiotomie ou déchirure du périnée constitue une infection nosocomiale. Il résulte, par ailleurs, du rapport du Dr A..., gynécologue obstétricien expert auprès de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux que, si le lâchage de l'épisiotomie et la déchirure du périnée ne sont pas les causes de la contamination bactérienne, la dispersion rapide du germe à l'origine de l'infection a été rendue possible par l'accident médical non fautif que constituent la rupture de la suture de l'épisiotomie et la déchirure du périnée. Il ressort également de ce rapport, confirmé par l'argumentaire du Dr C..., médecin de la CPAM d'Ille-et-Vilaine que, contrairement aux affirmations du centre hospitalier de Dinan, l'infection nosocomiale ne s'est pas arrêtée en juillet 2018 alors que des écoulements purulents ont été constatés lors des opérations de reprise chirurgicale des 10 août 2018 et 6 décembre 2018. Il résulte en outre de l'instruction, ainsi que l'a relevé le Dr C..., que le processus infectieux au niveau de la cicatrice a contribué pour partie, en affectant le processus cicatriciel, à la fragilisation des tissus et au lâchage des sutures. Enfin, la cicatrisation complète doit être regardée comme étant intervenue à la date de consolidation du 21 janvier 2019 fixée par le Dr A....
4. Toutefois, si Mme D... a subi, le 9 mars 2020, une opération de plastie du périnée destinée à corriger une bride qui s'est formée au cours de la cicatrisation ainsi que la béance vaginale (ouverture vagino-vulvaire exagérée), il ne résulte pas de l'instruction que cette opération, destinée à corriger un défect (défaut) de cicatrisation du périnée et l'ouverture vaginale exagérée, ait un lien direct et certain avec l'infection nosocomiale contractée par Mme D... alors que les défauts de cicatrisation du périnée et les béances vulvo-vaginales ainsi que les troubles associés d'incontinence aux gaz et les douleurs lors des rapports sexuels sont des séquelles possibles des accouchements par voie basse.
Sur la réparation des préjudices subis par Mme D... :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des pertes de gains professionnels actuels :
5. Mme D... fait état d'une perte de rémunération durant son arrêt de travail du 21 septembre 2018 au 21 janvier 2019 d'un montant net de 1 090,43 euros. Toutefois en dépit de la mesure supplémentaire d'instruction du 9 janvier 2024 lui demandant de produire les justificatifs de nature à établir la réalité de cette perte, elle n'a versé aucun document permettant d'établir, à hauteur de la somme qu'elle demande, la perte de rémunération dont elle demande l'indemnisation, ni même l'existence d'un tel préjudice. Par suite, aucune somme ne peut lui être accordée pour ce poste de préjudice.
S'agissant des pertes de gains professionnels futurs :
6. La requérante demande le remboursement d'une perte de gains professionnels de 1 577 euros correspondant à son arrêt de travail du 9 mars au 10 mai 2020. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 4 du présent arrêt, l'opération de plastie du périnée du 9 mars 2020 était destinée à corriger une bride qui s'est formée au cours de la cicatrisation ainsi que la béance vaginale. Or ces séquelles de l'épisiotomie et de l'accouchement par voie basse n'ont pas de lien direct et certain avec l'infection nosocomiale. Par suite, cette demande ne peut être accueillie.
En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
7. Il résulte de l'instruction que les opérations de reprise chirurgicale des journées des 10 août 2018 et 6 décembre 2018 ont généré un déficit fonctionnel temporaire total en lien avec l'infection nosocomiale et que les arrêts de travail du 29 mai 2018 au 4 septembre 2018 et du 21 septembre 2018 au 21 janvier 2019 ont généré un déficit fonctionnel temporaire de classe 1 (10 %) au titre de cette même affection nosocomiale. Il sera donc fait une juste appréciation de ce poste de préjudices en allouant la somme de 383 euros à Mme D....
S'agissant des souffrances endurées temporaires :
8. L'expert de la CCI les a évaluées à 2 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation des souffrances en lien avec l'infection nosocomiale en les évaluant à la somme de 2 000 euros.
S'agissant des préjudices esthétiques temporaire et permanent :
9. L'expert a évalué à 2 sur 7 le préjudice esthétique temporaire et à 1 sur 7 le préjudice esthétique permanent en raison de la béance vulvaire et de la bride périnéale. Toutefois, le lien de ces préjudices avec l'infection nosocomiale n'est pas établi alors que ceux-ci procèdent uniquement des séquelles de l'accouchement par voie basse avec ventouse, forceps et épisiotomie. La demande de Mme D... à ce titre ne peut donc pas être accueillie.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
10. Si l'expert a évalué à 5 % l'incapacité permanente partielle de Mme D... à la date de consolidation du 21 janvier 2019 eu égard aux gênes avec douleurs et prurit (démangeaisons) au niveau de la fourchette vulvaire et à la peur des rapports sexuels que cela entraîne, ces préjudices sont en lien avec les séquelles de l'épisiotomie et de la déchirure vagino-périnéale et non avec l'infection nosocomiale. Par suite, cette demande ne peut être accueillie.
S'agissant du préjudice d'agrément :
11. Si Mme D... fait valoir qu'elle n'est pas en mesure de s'occuper de son nourrisson et d'avoir des activités physiques et de loisir, elle n'établit pas en quoi l'infection nosocomiale l'a empêchée de s'occuper de son enfant et ne précise pas les activités physiques et de loisir auxquelles elle n'aurait pu s'adonner en raison de ladite infection. Par suite, cette demande ne peut être accueillie.
S'agissant du préjudice sexuel :
12. L'expert a retenu l'existence d'un tel préjudice eu égard aux déclarations de Mme D... qui a fait état de sa peur d'avoir des rapports sexuels douloureux du fait de ses opérations de reprise du périnée. Toutefois, l'existence d'un lien de causalité entre ce préjudice et l'infection nosocomiale n'est pas établi. Par suite, cette demande ne peut être accueillie.
Sur les demandes de la CPAM d'Ille-et-Vilaine :
En ce qui concerne les débours de la caisse :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que les interventions chirurgicales des 10 août et 6 décembre 2018 et les arrêts de travail de Mme D... à compter du 1er septembre 2018 présentent un lien de causalité avec l'infection nosocomiale dont elle a été victime. En revanche, l'opération de plastie du périnée pratiquée le 9 mars 2020 destinée à corriger une bride qui s'est formée au cours de la cicatrisation ainsi que la béance vaginale sont sans lien direct avec l'infection nosocomiale Les demandes de la CPAM relatives aux frais d'hospitalisation exposés à hauteur de 2 330,75 euros au cours des deux interventions des 10 août et 6 décembre 2018, aux frais médicaux et pharmaceutiques d'un montant de 1 307,89 euros en lien avec ces deux interventions chirurgicales et à l'indemnité journalière de 33, 78 euros versée pour la journée du 18 janvier 2019 peuvent donc être accueillies. En revanche, les frais de l'hospitalisation de l'opération de plastie vaginale du 9 mars 2020 et les indemnités journalières versées pour la période du 9 mars au 10 mai 2020 sont sans lien avec l'infection nosocomiale et ne peuvent donner lieu à remboursement à la CPAM. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Dinan les débours exposés par la CPAM d'Ille-et-Vilaine à hauteur de la somme de 3 672,42 euros. Si la CPAM demande que cette somme lui soit versée avec les " intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation des intérêts ", tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis, en application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification. Par suite, les conclusions de la CPAM d'Ille-et-Vilaine tendant à ce que les sommes qui lui sont allouées portent intérêts à compter de la date de l'arrêt à intervenir sont dépourvues de tout objet et ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
14. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " ... En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus [des préjudices qu'elle a pris en charge], la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. "
15. La CPAM d'Ille-et-Vilaine, dont les conclusions n'ont pas été accueillies en première instance, ne saurait prétendre au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion à la fois au titre de l'instance devant le tribunal administratif de Rennes et au titre de la présente instance d'appel. Elle est toutefois en droit, compte tenu des sommes dont elle obtient le remboursement dans le cadre de la présente instance, de bénéficier à ce titre, par application des dispositions précitées, de l'indemnité forfaitaire de gestion en contrepartie des frais qu'elle a engagés pour obtenir le remboursement de ses débours liés à l'infection nosocomiale. Cette indemnité est en principe d'un montant égal au tiers des débours exposés à raison de l'infection nosocomiale. Toutefois, l'article 1er de l'arrêté du 23 décembre 2024 fixe pour 2025 les montants minimum et maximum de cette indemnité forfaitaire de gestion à respectivement 120 euros et 1 212 euros. Il y a donc lieu d'accorder à la CPAM la somme de 1 212 euros au titre de ses frais de gestion.
16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme D... est fondée à demander que la condamnation du Centre hospitalier de Dinan soit portée à la somme de 2 383 euros. Le centre hospitalier de Dinan doit être également condamné à rembourser les débours exposés par la CPAM d'Ille-et-Vilaine à hauteur de la somme de 3 672,42 euros et à verser à la caisse la somme de 1 212 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme D..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au centre hospitalier de Dinan la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du Centre hospitalier de Dinan une somme de 1 500 euros à verser à Mme D... et une somme d'un montant identique à la CPAM d'Ille-et-Vilaine. En revanche, les conclusions de cette caisse, qui était partie perdante en première instance, tendant à ce qu'une autre somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'hôpital au titre des frais liés au litige qu'elle a exposés devant le tribunal administratif ne peuvent qu'être rejetées,
DECIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Dinan a été condamné à verser à Mme D... est portée à 2 383 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier de Dinan est condamné à rembourser à la CPAM d'Ille-et-Vilaine ses débours à hauteur de la somme de 3 672,42 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de Dinan est condamné à verser à la CPAM d'Ille-et-Vilaine une somme de 1 212 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 juillet 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le centre hospitalier de Dinan versera à Mme D... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le centre hospitalier de Dinan versera à la CPAM d'Ille-et-Vilaine une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., au centre hospitalier de Dinan et à la CPAM d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Vergne, président,
- Mme Marion, première conseillère,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.
La rapporteure,
I. MARION
Le président,
G-V. VERGNE
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02657