Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française au Sri Lanka et aux Maldives refusant de lui délivrer un visa de court séjour afin de se marier en France.
Par un jugement n° 2301963 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er mars et 4 novembre 2024, M. C... E..., représenté par Me Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de
15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier ; il n'a pas répondu au moyen tiré de l'atteinte à la liberté fondamentale de se marier ;
- le risque de détournement de l'objet du visa n'est pas établi et la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à la nature des liens l'unissant à Mme A... ;
- la décision porte atteinte à leur liberté fondamentale de se marier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- et les observations de Me Martin, représentant M. E....
Une note en délibéré, présentée par M. E..., a été enregistrée le 27 janvier 2025.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., ressortissant sri lankais né en 1987, a sollicité un visa de court séjour afin de se marier en France avec une ressortissante allemande établie en République Tchèque. Par une décision du 26 juillet 2022 l'autorité consulaire française au Sri Lanka et aux Maldives a refusé le visa sollicité. Par une décision du 7 décembre 2022 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre cette décision. Par un jugement du 22 décembre 2022, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que dans un mémoire enregistré le 28 avril 2023 au greffe du tribunal administratif de Nantes M. E... a soulevé le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté fondamentale de se marier en se référant d'ailleurs à une ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat qu'il a jointe. Le jugement attaqué ne répond pas à ce moyen qui n'était pas inopérant. En conséquence, le jugement attaqué, entaché d'irrégularité, doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...). "
5. Le courrier de notification de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée a été signé par M. B... D..., qui a été désigné par un décret du 25 novembre 2022, publié le 27 novembre suivant au journal officiel de la République française, président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. S'agissant d'une autorité de caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que les décisions que prend la commission portent la signature de son président, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, prévues par cet article. Tel est le cas de la décision attaquée qui, outre la signature du président, mentionne ses prénom, nom et qualité, et indique de façon explicite que la décision émane de la commission. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision en cause aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, la décision contestée mentionne avec la précision nécessaire les textes dont il est fait application ainsi que les considérations de fait qui la fondent. Elle précise ainsi qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa, notamment à des fins migratoires, eu égard à la situation personnelle de M. E... et à l'absence de garanties de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 26 juillet 2022 doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".
8. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
9. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de visa M. E... expose qu'il a rencontré Mme A..., ressortissante allemande établie en République Tchèque, à l'occasion d'un voyage touristique de cette dernière au Sri Lanka en 2017, qu'une relation sentimentale est alors née et que Mme A... est revenue à plusieurs reprises dans son pays, et à Maurice, afin de le revoir avant d'envisager de se marier à compter de 2018 puis de se fiancer en 2019. Cependant, il est établi que M. E... s'est vu opposer en 2017 un refus de visa de court séjour pour tourisme par les autorités allemandes et qu'il n'a pas poursuivi en 2018 son projet de demande d'un visa à ces mêmes autorités afin de se marier dès lors qu'il ne remplissait pas les conditions requises. De même, le couple a envisagé de demander un visa aux autorités tchèques, avec la volonté de se marier dans ce pays en 2022, avant de se rétracter. Si M. E... fait état d'attaches familiales au Sri Lanka et de sa bonne insertion sociale et professionnelle, il expose également que ses parents s'opposent à son projet de mariage et se borne à faire état d'un emploi de plongeur à compter de 2017 et de sa possession d'un bateau sur lequel il travaille. Aucune pièce relative à ses revenus professionnels n'a été présentée. Au vu des éléments qui précèdent, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la décision contestée, reposant sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. En quatrième lieu, il n'est pas établi que le refus de visa litigieux ferait obstacle au projet de mariage de M. E.... En outre, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, le motif opposé par la commission tiré du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoire n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de la violation de son droit à se marier doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 7 décembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2301963 du 22 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que le surplus de ses conclusions présentées devant la cour, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00667