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11/02/2025 | FRANCE | N°24NT00172

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 11 février 2025, 24NT00172


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité ouest l'a admise à reprendre ses fonctions à temps plein, l'arrêté du 21 juin 2023 retirant l'arrêté du 7 avril 2023 et la plaçant en disponibilité pour raison de santé, l'arrêté du 29 juin 2023 retirant l'arrêté du 21 juin 2023 et la maintenant en disponibilité d'office, ainsi que la décision du 15 juin 2023 reje

tant sa nouvelle demande de placement en congé de longue maladie du 28 avril 2023.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité ouest l'a admise à reprendre ses fonctions à temps plein, l'arrêté du 21 juin 2023 retirant l'arrêté du 7 avril 2023 et la plaçant en disponibilité pour raison de santé, l'arrêté du 29 juin 2023 retirant l'arrêté du 21 juin 2023 et la maintenant en disponibilité d'office, ainsi que la décision du 15 juin 2023 rejetant sa nouvelle demande de placement en congé de longue maladie du 28 avril 2023.

Par un jugement n°2302947 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2024, et des mémoires enregistrés les 7 janvier 2025 et 20 janvier 2025 qui n'ont pas été communiqués, Mme F..., représentée par Me Collet, demande à la cour :

1°) l'annulation du jugement du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité ouest l'a admise à reprendre ses fonctions à temps plein, l'arrêté du 21 juin 2023 retirant l'arrêté du 7 avril 2023 et la plaçant en disponibilité pour raison de santé, l'arrêté du 29 juin 2023 retirant l'arrêté du 21 juin 2023 et la maintenant en disponibilité d'office, ainsi que la décision du 15 juin 2023 rejetant sa nouvelle demande de placement en congé de longue maladie du 28 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de la placer en position de congé de longue maladie à compter du 16 avril 2021, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 29 juin 2023 est insuffisamment motivé, tout comme les arrêtés antérieurs du 7 avril et du 21 juin 2023 ;

- l'avis du conseil médical départemental d'Ille-et-Vilaine du 14 juin 2023 est entaché d'un vice de procédure, au sens des dispositions du décret du 14 mars 1986 :

* les identités des médecins ne figurent pas sur l'avis et ne permettent pas de savoir si les médecins-experts, ayant déjà eu connaissance de son dossier, ont pris part à cette séance ;

* ce vice de procédure a été susceptible d'exercer en l'espèce une influence sur le sens de la décision et a privé l'intéressée d'une garantie ;

* en retenant qu'elle n'a pas adressé de recours hiérarchique à l'encontre de cet avis, le tribunal a imposé irrégulièrement à la requérante une procédure qui n'est qu'une faculté ;

* l'avis ne comporte aucune motivation d'ordre médical ;

- la décision du 7 avril 2023 est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle refuse de lui faire droit à un congé de longue maladie, alors qu'elle remplit les conditions pour en bénéficier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le général de la fonction publique ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congé de longue maladie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique,

-et les observations de Me Marie, pour Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., agente technique qualifiée de l'Etat, a fait l'objet de plusieurs placements en congé pour maladie ordinaire et en congé de longue maladie, puis a été placée en disponibilité d'office pour raison de santé, à titre provisoire dans l'attente de l'avis du conseil médical supérieur, à compter du 16 avril 2022 pour une durée d'un an, par un arrêté du 14 novembre 2022. Postérieurement à la séance du 7 mars 2023 du conseil médical départemental, rendant un avis défavorable à l'octroi d'un congé longue maladie pour insuffisance de critère de gravité ainsi qu'un avis favorable à l'aptitude aux fonctions, le préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest a prononcé, par un arrêté du 7 avril 2023, la reprise des fonctions à temps plein de Mme F..., à compter du 16 avril 2023. Mme F..., estimant qu'elle remplit les conditions pour bénéficier d'un congé de longue maladie, a formulé une nouvelle demande par un courrier du 28 avril 2023, rejetée par une décision du 15 juin 2023. Par un arrêté du 21 juin 2023, le préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest a retiré l'arrêté du 7 avril 2023 portant reprise des fonctions à temps plein et a placé Mme F... en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 16 avril 2023. Cet arrêté du 21 juin 2023 a été retiré par un arrêté du 29 juin 2023 maintenant la mise en disponibilité d'office de Mme F.... La requérante a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'ensemble de ces décisions. Par un jugement du 5 décembre 2023, dont Mme F... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L.514-1 du code général de la fonction publique : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) ". Aux termes de l'article L.514-4 du même code : La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés pour raisons de santé prévus au chapitre II du titre II du livre VIII. (...)". Aux termes de l'article L.822-6 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit à des congés de longue maladie, dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. " Aux termes de l'article L.822-7 du même code : " La durée maximale des congés de longue maladie dont peut bénéficier le fonctionnaire est de trois ans. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie prévoit qu'un fonctionnaire est placé en congé de longue maladie lorsqu'il est constaté qu'il est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions au cours d'une des affections qu'il énumère, lorsqu'elle est devenue invalidante. Aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " Les affections suivantes peuvent donner droit à un congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles 29 et 30 des décrets susvisés : (...) - maladies mentales (...) ". Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " Un congé de longue maladie peut être attribué, à titre exceptionnel, pour une maladie non énumérée aux articles 1er et 2 du présent arrêté, après proposition du comité médical compétent à l'égard de l'agent et avis du comité médical supérieur. Dans ce cas, il doit être constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. "

3. Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire a droit à des congés de longue maladie lorsqu'il est constaté que la maladie le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. La liste indicative des affections susceptibles d'ouvrir droit au congé de longue maladie est fixée par un arrêté du 14 mars 1986. Toutefois, si le congé est demandé pour une affection qui n'est pas inscrite sur la liste, il ne peut être accordé qu'après avis du comité médical compétent.

4. En l'espèce, la demande de congé de longue maladie de Mme F..., en dernier lieu le 28 avril 2023, a été déposée pour deux pathologies, un état dépressif sévère et une pathologie lombaire. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 23 février 2022, le comité médical départemental a émis un avis défavorable à l'octroi du congé de longue maladie au motif que " la pathologie ne réunit pas les critères d'octroi du congé de longue maladie : non listée, absence de critère de gravité objective. ". Lors d'un nouvel examen dans sa séance du 25 août 2022, après expertise psychiatrique, le conseil médical départemental a émis l'avis suivant : " inaptitude totale et définitive à toutes fonctions ". Sur saisine de Mme F..., le conseil médical supérieur, dans sa séance du 7 mars 2023, a émis " un avis défavorable à l'octroi d'un congé longue maladie, insuffisance de critères de gravité donnant droit à ce type de congé " et " un avis favorable à l'aptitude aux fonctions ". Toutefois, dans ses certificats médicaux successifs des 5 novembre 2021, 6 et 20 avril 2022, le docteur C..., médecin traitant de la requérante, atteste que l'état de santé de l'intéressée est compatible avec un congé pour longue maladie. Dans son rapport du 21 juin 2022, le docteur B... - médecin expert psychiatre missionné par l'administration dans le cadre de l'examen du dossier médical de l'intéressée par le comité médical départemental - conclut : " devant un syndrome fibromyalgique avec retentissement fonctionnel important, et compliqué d'un état dépressif sévère réactionnel, d'intensité sévère, d'évolution chronique et défavorable malgré un traitement antidépresseur adapté. Ce contexte clinique nous semble comprendre les critères de gravité suffisants pour l'octroi d'un congé de longue maladie. ". Mme F... est également suivie par un psychiatre depuis le mois de mars 2023 et par un infirmier en psychiatrie depuis le mois de décembre 2023 et suit un traitement adapté depuis décembre 2019. Les diverses pièces médicales du dossier attestent de la réalité et de la gravité de la dépression sévère chronique dont est atteinte Mme F..., des hospitalisations au centre antidouleur étant programmées avec des perfusions de kétamine. En outre, il ressort du certificat médical du docteur D..., neurochirurgien, en date du 6 février 2023, que l'intéressée présente des lombalgies mécaniques chroniques, d'intensité modérée à intense, résistantes aux traitements médicaux et des radiculalgies crurales bilatérales mécaniques chroniques, d'intensité modérée à intense. Le docteur A..., rhumatologue, confirme dans son certificat médical du 12 mai 2023 le diagnostic de lombo-radiculalgies chroniques sur discopathies invalidantes. Il ressort ainsi des différentes pièces médicales du dossier que l'état de santé de Mme F... relève d'une polypathologie complexe associant un syndrome dépressif sévère avec des lombo-radiculalgies chroniques sur des discopathies invalidantes. Dans ces conditions, la pathologie dont est atteinte l'intéressée doit être regardée comme l'ayant placée dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, comme nécessitant un traitement et des soins prolongés et comme présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée. Par suite, alors même que le comité médical supérieur a émis un avis défavorable au placement de l'agent en congé de longue maladie, Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à obtenir un placement en congé de longue maladie.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme F... est fondée à demander l'annulation du jugement du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Rennes, ainsi que la décision du 15 juin 2023 du préfet de la zone de défense et de sécurité ouest lui refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie, l'arrêté du 21 juin 2023 la plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé et l'arrêté du 29 juin 2023 la maintenant en disponibilité d'office.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de placer Mme F... en position de congé de longue maladie à compter du 16 avril 2021, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2302947 du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La décision du 15 juin 2023 du préfet de la zone de défense et de sécurité ouest refusant à Mme F... le bénéfice d'un congé de longue maladie, ainsi que l'arrêté du 21 juin 2023 plaçant Mme F... en disponibilité d'office pour raison de santé et l'arrêté du 29 juin 2023 la maintenant en disponibilité d'office, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de placer Mme F... en position de congé de longue maladie à compter du 16 avril 2021, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme F... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme F... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité ouest.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

Le rapporteur,

F. PONS

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00172
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : CABINET ARES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;24nt00172 ?
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