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07/02/2025 | FRANCE | N°23NT02499

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 07 février 2025, 23NT02499


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 août 2023, 23 février 2024, 17 octobre 2024 et 24 octobre 2024, ce dernier non communiqué, la SAS Alfage, représentée par Me Fresneau et Me Guillini, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2023 par lequel le maire de Falaise a délivré à la société Cosfateo un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour un projet de bâtiment commercial rue du buisson du parc, zone Expansia ;



2°) de mettre

une somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat et une somme de 2 000 euros à la charge de la société C...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 août 2023, 23 février 2024, 17 octobre 2024 et 24 octobre 2024, ce dernier non communiqué, la SAS Alfage, représentée par Me Fresneau et Me Guillini, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2023 par lequel le maire de Falaise a délivré à la société Cosfateo un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour un projet de bâtiment commercial rue du buisson du parc, zone Expansia ;

2°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat et une somme de 2 000 euros à la charge de la société Cosfateo, de la commune de Falaise et de la communauté de communes du Pays de Falaise chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Cosfateo ne justifiait pas de la qualité pour demander le permis de construire litigieux sur le fondement de l'article R. 752-4 du code de commerce ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a refusé de lui communiquer l'entier dossier réactualisé, ce qui l'a privé de la faculté de faire part de ses observations de manière utile et effective ;

- ni le dossier initial, ni le dossier actualisé ne contient les informations exigées sur les coûts indirects supportés par la collectivité notamment en matière d'infrastructures de transport (f du 3° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce) ;

- la CNAC n'a pas tenu compte de la dégradation de la situation locale depuis 2021 et des effets négatifs du projet sur les commerces de centre-ville des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont fait partie Falaise ;

- faute d'étude récente et sérieuse, la CNAC n'a pas été en mesure d'apprécier les effets du projet en matière de flux de transports ;

- la CNAC a commis une erreur d'appréciation sur la qualité environnementale du projet qui comporte un chauffage aérotherme par gaz particulièrement polluant ;

- l'autorité de chose jugée ne faisait pas obstacle à ce que la CNAC rende un avis défavorable sur le projet ;

- les membres de la CNAC n'ont pas reçu les documents mentionnés à l'article R. 752-35 du code de commerce.

Par un mémoire, enregistré le 22 janvier 2024, la commune de Falaise, représentée par Me Pierson, demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Alfage et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la SAS Alfage ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 24 janvier 2024, et un mémoire réceptionné le 17 octobre non communiqué, la communauté de communes du Pays de Falaise, représentée par Me Agostini, demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Alfage et de mettre à sa charge une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la SAS Alfage ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 26 janvier et 9 octobre 2024, la société Cosfateo, représentée par Me Brillier Laverdure, demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Alfage et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la SAS Alfage ne sont pas fondés et qu'une régularisation au titre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme est en tout état de cause possible.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Douvreleur, substituant Me Guillini et Me Fresneau, représentant la société Alfage, et de Mme A..., directrice générale des services, représentant la communauté de commune du Pays de Falaise.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cosfateo a déposé le 8 février 2021 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale afin de créer, sur une parcelle cadastrée

BA 155 située boulevard du pays de Falaise dans la zone d'activités " Expansia ", un magasin de secteur 2 d'équipement de la maison et bricolage à l'enseigne " Centrakor ", sur le territoire de la commune de Falaise (Calvados). La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Calvados a émis un avis favorable au projet le 14 avril 2021, qui a été contesté devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) par les sociétés Alfage, Ardoises et fraises et Vandeck et Mme B.... Le 16 septembre 2021, la CNAC a rendu un avis défavorable au projet. Sur requête de la communauté de communes du Pays de Falaise, par un arrêt du 10 mars 2023, la cour a annulé la décision implicite du maire de Falaise rejetant la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en conséquence de cet avis de la CNAC et a enjoint à celle-ci de rendre un nouvel avis sur le projet de la société Cosfateo et au maire de Falaise de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société Cosfateo après notification du nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial. A la suite de ce nouvel examen, la CNAC a rendu un avis favorable au projet le

20 avril 2023. Le maire de Falaise a délivré le permis de construire le 14 juin 2023. La SAS Alfage, qui exploite un magasin à l'enseigne " Bricomarché " au sein de la zone d'activités " Expansia ", demande à la cour d'annuler ce permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

2. La communauté de communes du Pays de Falaise a intérêt au maintien du permis de construire litigieux. Par suite, son intervention est recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet :

3. Aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale était accompagnée d'un acte authentique notarié du 13 octobre 2018 par lequel la communauté de communes du Pays de Falaise a promis de vendre à la société Cosfateo le terrain d'assiette du projet. La Commission nationale pouvait se fonder sur cet élément pour retenir que le pétitionnaire justifiait bien d'un titre au sens de l'article

R. 752-4 du code de commerce. En outre, il ressort des pièces du dossier que la date limite de validité de cet engagement du 31 octobre 2019 a été portée au 31 octobre 2020 puis au 30 octobre 2021 puis au 31 octobre 2023 par trois avenants et qu'une délibération du 19 avril 2018 du conseil communautaire de la communauté de communes du Pays de Falaise avait autorisé son président à signer ces actes. De plus, il ressort des pièces du dossier, alors que la société Alfage n'allègue pas qu'un tiers entendrait acquérir le terrain d'assiette du projet, que la communauté de communes du Pays de Falaise a exprimé de manière constante sa volonté de le céder à la société Cosfateo afin qu'elle réalise son projet. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet par la société Cosfateo doit être écarté.

En ce qui concerne la complétude du dossier :

5. Si la société Alfage fait valoir que le dossier de demande était incomplet en ce qui concerne les informations exigées sur les coûts indirects supportés par la collectivité notamment en matière d'infrastructures de transport, tel qu'exigé aux termes du f du 3° du I de l'article

R. 752-6 du code de commerce, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard au caractère modeste des aménagements envisagés sur ce point pour améliorer l'accessibilité du site et plus globalement de la zone d'activités " Expansia ", aux piétons et cyclistes, la Commission nationale a disposé des éléments suffisants lui permettant d'apprécier la conformité du projet aux objectifs fixés par le législateur s'agissant des coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports et plus généralement d'aménagement du territoire.

En ce qui concerne la communication du dossier par la CNAC :

6. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que la Commission nationale serait tenue de communiquer aux requérants contestant une décision d'autorisation accordée à une société pétitionnaire les documents produits par cette dernière pour sa défense afin que ceux-ci puissent y répondre. Par suite, la SAS Alfage n'est pas fondée à invoquer le fait que la CNAC a refusé de lui communiquer l'entier dossier réactualisé. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le conseil de la SAS Alfage a pu faire valoir ses observations sur le projet réactualisé lors de la séance de la CNAC du 20 avril 2023 et qu'à cette occasion il n'a fait valoir ce point qu'au sujet de la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet en mettant en cause la validité des promesses de vente, ce qui suffisait pour mettre à même la Commission de se prononcer à cet égard.

En ce qui concerne la régularité de la convocation des membres de la CNAC :

7. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

8. Si la SAS Alfage soutient qu'il n'est pas établi que les membres de la CNAC auraient reçu communication de l'ordre du jour et de l'ensemble des pièces exigées par l'article

R. 752-35 du code de commerce en temps utile, celle-ci, en produisant une attestation de la société Dematis, son prestataire de convocations électroniques, établit avoir envoyé à ses membres, par courriel du 3 avril 2023, une convocation à la séance du 20 avril 2023, au cours de laquelle a été examiné le projet en litige, cette convocation les informant de la mise à disposition des documents nécessaires pour l'examen du dossier au moins cinq jours avant cette séance, sur la plateforme de téléchargement dédiée, avec les précisions suivantes : " Les documents relatifs à ces dossiers seront disponibles sur la plateforme de téléchargement 5 jours au moins avant la tenue de la séance. Ces documents ne seront pas imprimés par le secrétariat de la commission. / En application de l'article R. 752-35 du code de commerce, chaque dossier est composé de : - l'avis ou la décision de la commission départementale - le procès-verbal de la réunion de la commission départementale - le rapport des services instructeurs départementaux - le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision - le rapport du service instructeur de la commission nationale. / En complément, ces dossiers pourront comporter une sélection de cartes ou de plans et la demande d'autorisation d'exploitation commerciale. ". La CNAC produit également un historique de la plate-forme d'échanges de fichiers " SOFIE " faisant état d'un partage de fichiers avec les membres de la CNAC les 14, 15 et 16 avril 2023, cette mise à disposition étant également attestée, le 9 octobre 2024, par la directrice de projet aménagement commercial au sein de la direction générale des entreprises du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui assure le secrétariat de la CNAC. Il n'est ni établi, ni même allégué par des objections circonstanciées que les membres de la CNAC n'ont pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause, dans le délai de cinq jours prévu par ce même article, eu égard notamment aux termes de l'avis de la CNAC. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la Commission n'auraient pas été en mesure de prendre connaissance en temps utile des documents prévus au deuxième alinéa de l'article R. 752-35 précité du code de commerce. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation de la CNAC doit être écarté.

En ce qui concerne le respect par le projet des critères fixés à l'article L. 752-6 du code de commerce :

9. D'une part, aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ".

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " I. -L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ;b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ;d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions combinées à celles de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

12. Par ailleurs, l'autorité absolue de chose jugée dont est revêtue la décision juridictionnelle définitive par laquelle la juridiction administrative annule un refus de permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale s'attache au dispositif de cette décision juridictionnelle ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire. Aux nombres de ces motifs, figurent ceux par lesquels la juridiction juge que l'avis de la commission départementale ou nationale d'aménagement commercial est entaché d'une erreur d'appréciation, notamment au regard de la protection des intérêts énumérés aux articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce. L'autorité absolue de chose jugée de la décision juridictionnelle fait dans ce cas obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, la commission d'aménagement commercial compétente émette un nouvel avis défavorable ou que l'avis favorable émis soit annulé par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par la décision juridictionnelle devenue définitive.

S'agissant de l'effet du projet sur l'animation de la vie urbaine et de sa contribution à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville :

13. Par l'arrêt du 10 mars 2023 mentionné au point 1, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée, pour annuler la décision implicite du maire de Falaise rejetant la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, notamment sur la croissance démographique de la zone de chalandise de 4,05 % entre 2011 et 2021 malgré une baisse de la population de la commune de Falaise de 3,6% sur

10 ans, en tenant compte du fait qu'elle avait bénéficié d'un concours financier du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) en janvier 2020.

14. En faisant valoir que la croissance démographique de la zone de chalandise est passée de 3,44% à 1,98% entre 2010 et 2020, que la population de la commune de Falaise a baissé de 5,19% et qu'elle a signé une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT) en mai 2021, la SAS Alfage ne fait pas état de changements suffisamment substantiels dans les conditions de fait et de droit qui pourraient permettre de justifier que la CNAC émette un avis défavorable malgré les motifs de l'arrêt du 10 mars 2023. Il en va de même s'agissant de la circonstance relevée que trois nouveaux magasins ont ouvert au sein de la zone " Expansia " alors que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre de ces critères et qu'en tout état de cause il ne ressort pas des pièces du dossier que ces nouvelles enseignes, eu égard à leur taille relative au sein de l'ensemble de la zone et à leur domaine d'activité, seraient de nature à affecter celle des commerces de centre-ville. Au demeurant, il ressort de l'avis du 17 avril 2023 du ministre en charge du commerce que le taux de vacance est passé de 7,56% en 2021 à 4,19% en 2023. De plus, le rapport d'instruction préalable au dernier avis favorable de la CNAC note que " le taux de vacance est nul pour les communes limitrophes ".

15. Dans ces conditions, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait limité son analyse aux effets du projet sur les seuls commerces du centre-ville de la commune de Falaise,

en estimant que le projet participera à compléter l'offre commerciale au sein d'un pôle périphérique, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a méconnu ni les dispositions du c) et du e) du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce, ni l'autorité de l'arrêt de la cour du 10 mars 2023.

S'agissant de l'effet du projet sur les flux de transports :

16. La société Alfage soutient que faute d'étude récente et sérieuse, d'éléments chiffrés et techniques, la CNAC n'a pas été en mesure d'apprécier les effets du projet en matière de flux de transports. Toutefois, elle ne précise pas en vertu de quelles dispositions législatives ou réglementaires une étude in situ des flux de circulation aurait dû être réalisée. En outre, si elle allègue que l'installation de trois nouveaux magasins au sein de la zone " Expansia " est susceptible d'entrainer une saturation du réseau routier, elle n'apporte aucun élément précis et concret pour l'établir alors que le ministre du commerce, aux termes de son avis favorable au projet, du 17 avril 2023, a estimé que : " Les réserves de capacité des voies d'accès permettront d'absorber les nouveaux flux routiers. ". Dans ces conditions, la société Alfage n'est pas fondée à soutenir que la CNAC aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet bénéficie d'une bonne desserte routière.

S'agissant de la qualité environnementale du projet :

17. Il ressort des pièces du dossier que la totalité de la couverture du projet doit être équipée de panneaux photovoltaïques, pour une surface de 1 702 m², que son éclairage extérieur se fera pas des lampadaires solaires autonomes, que 44% de l'espace parcellaire sera conservé à l'état naturel, que 3 170 m² d'espaces verts seront créés soit 39% de l'emprise foncière, que vingt arbres de haute tige ainsi que des arbustes seront plantés et que les eaux pluviales seront traitées avec un bassin de rétention. Dans ces conditions, quand bien même le projet comporterait un chauffage aérotherme par gaz, la CNAC n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne contestant pas la qualité environnementale du projet et en considérant que l'objectif de développement durable n'avait pas été méconnu.

Sur les frais liés au litige :

18. D'une part, les conclusions présentées par la société Alfage au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors qu'elle a la qualité de partie perdante.

19. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de

2 000 euros à la charge de la SAS Alfage à verser respectivement à la SAS Cosfateo et à la commune de Falaise, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

20. Enfin, la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, intervenant en défense n'ayant pas la qualité de partie à la présente instance, les dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de la société Alfage à lui verser la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la communauté de communes du Pays de Falaise est admise.

Article 2 : La requête de la SAS Alfage est rejetée.

Article 3 : La SAS Alfage versera une somme de 2 000 euros, respectivement, à la SAS Cosfateo et à la commune de Falaise, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la communauté de communes du Pays de Falaise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alfage, à la commune de Falaise, à la communauté de communes du Pays de Falaise, à la société Cosfateo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée, pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au préfet du Calvados en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02499
Date de la décision : 07/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CABINET PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-07;23nt02499 ?
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