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31/01/2025 | FRANCE | N°24NT02387

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 31 janvier 2025, 24NT02387


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 mars 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'oblige à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, lui interdit le retour sur ce territoire pendant une durée d'un an et a fixé le pays de renvoi, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le même préfet a décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et d'enjoindre à ce

tte autorité de réexaminer sa situation dans un délai de trois jours à compter de la notificati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 mars 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'oblige à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, lui interdit le retour sur ce territoire pendant une durée d'un an et a fixé le pays de renvoi, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le même préfet a décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard

Par un jugement n°2401375 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2024 M. C... D..., représenté par Me Berthaut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'oblige à quitter le territoire français, sans lui accorder de délai de départ volontaire, lui interdit le retour sur ce territoire pendant une durée d'un an et fixe le pays de renvoi ;

3°) d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ou, à défaut, d'annuler l'obligation de pointage édictée à son article 2 ;

4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros à Me Berthaut sur le fondement des dispositions des article 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée méconnaît les dispositions combinées des articles L. 114-5,

L. 114-6, L. 112-8 du code des relations entre le public et l'administration et le droit de voir sa demande de titre de séjour examinée compte tenu de l'absence d'instruction et d'examen de la demande de titre de séjour qu'il avait déposée le 19 juillet 2022 et qu'il appartenait à l'administration de lui demander de compléter si nécessaire, conformément à l'article

L. 114-5-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ; les décisions préfectorales se fondent sur une unique audition à la suite de son placement en retenue administrative, sans qu'il lui ait été laissé le temps de produire des justificatifs dont la décision litigieuse souligne l'absence ;

- conformément aux dispositions du nouvel article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine devait analyser son droit au séjour avant de décider de l'éloigner, mais cet examen obligatoire n'a pas été réalisé ; ces nouvelles dispositions ont donc été méconnues ;

- la décision litigieuse, prise en violation des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il incombait à l'autorité compétente d'instruire sa demande de régularisation par le travail, dont elle avait accusé réception ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision de refus de départ volontaire :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'arrêté d'assignation à résidence :

- il doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- il n'est pas suffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen complet de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, ses modalités étant disproportionnées au regard de sa situation, dès lors qu'il ne présente aucun risque de fuite, et compte tenu de ses obligations en tant que parent isolé.

Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une décision du 17 juin 2024, M. C... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- et les observations de Me Sémino, substituant Me Berthault, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien né en 1988, est entré régulièrement en France le 24 juillet 2018, accompagné de son épouse, Mme B..., et de leurs trois enfants. Sa demande d'asile, déposée le 8 août 2018, a été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Sa demande de réexamen a été rejetée, le 21 juin 2019, par une décision devenue définitive de l'OFPRA. M. D... a ensuite fait l'objet d'un premier arrêté pris par le préfet de la Côte-d'Or portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant deux ans. Les recours introduits par le requérant ont été rejetés par un jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1901532 du 12 juillet 2019 et par une ordonnance n° 19LY03841 du 15 juin 2020 du président de la Cour administrative d'appel de Lyon. M. D... ne s'est pas conformé à la mesure d'éloignement prise à son encontre. Soupçonné d'avoir détenu et d'avoir fait usage d'une fausse carte d'identité lituanienne, il a été convoqué et entendu le 11 mars 2024 par un officier de police judiciaire, dans le cadre d'une enquête préliminaire et a reconnu lors de son audition les faits qui lui étaient reprochés. Par le premier arrêté attaqué, en date du 11 mars 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé d'obliger

M. D... à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par le second arrêté attaqué, pris le même jour, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... relève appel du jugement

n° 2401375 du 21 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire et refusant à M. D... un délai de départ volontaire :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués.".

3. L'arrêté litigieux comporte l'ensemble des motifs de droit et de fait au regard desquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé d'obliger M. D... à quitter le territoire et de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire et qui permettent de s'assurer que ce préfet a pris les décisions litigieuses après un examen particulier de la situation de l'intéressé telle qu'elle était portée à sa connaissance. Il mentionne en particulier que M. D... travaille illégalement sans autorisation de travail et sous couvert d'une fausse carte d'identité lituanienne, qu'il " déclare être séparé et avoir trois enfants à charge vivant avec lui en France " et il vise l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant. Cet arrêté expose également que

M. D..., définitivement débouté du droit d'asile, ne justifie pas avoir de la famille en France et qu'il n'a pas engagé de démarches, depuis que sa demande d'asile a été rejetée, pour régulariser sa situation administrative, notamment en faisant valoir éventuellement la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il énonce enfin que l'intéressé " n'établit ni même n'allègue entrer dans l'une des catégories d'étrangers définies à l'article L. 611-3 du CESEDA ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ". Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de la mesure d'éloignement elle-même, que cette décision aurait été prise sans vérification préalable du droit au séjour de l'appelant, tenant notamment compte de la durée de présence de celui-ci sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit, conformément au premier alinéa de l'article L. 613-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile explicitant, s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français, l'obligation d'examen particulier applicable de manière générale aux décisions prises par l'autorité administrative. Par suite, et malgré l'absence de mention d'une demande de régularisation par le travail adressée par courriel à l'administration par M. D... par l'intermédiaire d'un ami en 2022, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de ces décisions doit être écarté, le préfet n'étant pas tenu à peine d'irrégularité d'y énoncer l'ensemble des informations concernant la situation de la personne concernée ou les circonstances susceptibles de s'opposer à la décision en cause ou de justifier qu'une décision différente soit prise. Doivent également être écartés, pour les mêmes motifs, les moyens tirés du défaut d'examen particulier et la méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions n'impliquaient pas l'obligation pour le préfet de statuer expressément, dans sa décision, sur le droit au séjour de

M. D....

4. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes, que le préfet peut refuser d'enregistrer. Les procédures prévues aux articles L. 114-5 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas applicables à ces demandes. Par suite, si M. D... fait valoir que la décision contestée méconnaît les dispositions des articles L. 114-5, L. 114-6,

L. 112-8 du code des relations entre le public et l'administration et le droit de voir sa demande de titre de séjour examinée, du fait de l'absence d'instruction et d'examen de la demande de titre de séjour qu'il avait déposée le 19 juillet 2022 et qu'il appartenait à l'administration de lui demander de compléter si nécessaire, conformément à l'article L. 114-5-1 du code des relations entre le public et l'administration, ce moyen ne peut être accueilli.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...)4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche TelemOfpra produite en défense, que, d'une part, par un arrêt du 13 mars 2019 notifié le 10 avril 2019, la CNDA a rejeté la demande d'asile de M. D... et que, d'autre part, la demande de réexamen présentée par celui-ci a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 21 juin 2019, devenue définitive. Il s'ensuit que, par application de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé avait perdu le droit de se maintenir sur le territoire français et que le préfet d'Ille-et-Vilaine pouvait prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide d'obliger un étranger à quitter le territoire sauf si la loi prescrit, dans sa situation, l'attribution de plein droit d'un titre de séjour. En se bornant à verser aux débats l'accusé de réception, généré automatiquement, d'un courriel adressé à la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 19 juillet 2022, soit près de deux ans avant la décision litigieuse, comportant comme objet la mention " sollicitation d'un titre de séjour suite à une promesse d'embauche ", correspondant à une demande de régularisation exceptionnelle au titre du travail, M. D... n'établit pas avoir déposé une demande de titre de séjour qui faisait obstacle à ce que soit prise à son encontre la mesure d'éloignement litigieuse. Le moyen tiré de ce que le préfet d'Ille-et-Vilaine, en prenant cette décision, aurait commis une erreur de droit au regard du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est présent en France, où il est arrivé à l'âge de 30 ans, depuis l'été 2018. Sa demande d'asile a été rejetée et il a fait l'objet, en mai 2019, d'un premier arrêté, devenu définitif, l'obligeant à quitter le territoire français et ne lui accordant pas de délai de départ volontaire au motif, non remis en cause par les décisions du tribunal administratif de Dijon et de la cour administrative d'appel de Lyon qui ont rejeté ses recours, de la menace pour l'ordre public que représentait alors sa présence sur le territoire français. Il ne s'est pas conformé à cette mesure d'éloignement. Hormis ses trois fils mineurs, qui ont vocation à le suivre, et sa sœur Mme A... D..., qui fait également l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, M. D... n'a pas d'autres membres de sa famille en France et n'établit pas être dépourvu de famille en Géorgie. Il n'a d'ailleurs communiqué aucune information relative à ses parents. Il soutient que son épouse réside désormais à l'étranger, sans préciser dans quel pays et s'il peut la contacter alors qu'elle est la mère de leurs trois enfants. Il est hébergé avec eux, à titre gratuit, par un compatriote en situation régulière. Il ne peut pas valablement invoquer une insertion professionnelle réussie dès lors qu'il a obtenu des missions de travail temporaire en utilisant un faux document d'identité lituanien et ainsi en recourant à la fraude. S'il fait état d'une promesse d'embauche du 7 novembre 2023, en contrat à durée indéterminée, l'actualité de cette promesse n'est pas établie. Ses trois fils nés en mai 2008, octobre 2009 et novembre 2011, en Géorgie, sont scolarisés respectivement en classe de seconde en lycée professionnel, en classe de troisième et en classe de sixième mais il n'est ni établi, ni soutenu qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Géorgie. M. D... démontre avoir pris des cours de français et participer bénévolement à l'activité des clubs sportifs au sein desquels deux de ses fils pratiquent respectivement le tennis et le rugby. Toutefois, l'ensemble de ces éléments n'établit pas l'existence en France de liens d'une nature, d'une ancienneté et d'une intensité telles qu'en décidant de l'obliger à quitter le territoire français, le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, de tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les trois fils mineurs de M. D..., qui sont encore jeunes et ont vécu la plus grande partie de leur vie en Géorgie, pays qu'ils ont quitté aux âges de 10 ans, 8 ans et 7 ans et demi, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité et leurs activités sportives dans leur pays d'origine, y reconstituer un environnement amical et conserver, s'ils le désirent, des liens avec leurs amis résidant en France. Par suite, il ne peut être considéré que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait omis d'attacher une considération primordiale à l'intérêt des enfants de M. D... en décidant d'obliger ce dernier à quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

11. En sixième lieu, il ne ressort ni de ce qui précède ni des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire aurait pour M. D... ou pour ses enfants des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu ce qui a déjà été dit ci-dessus, que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de la situation de M. D... par le préfet d'Ille-et-Vilaine à partir des éléments portés à sa connaissance. Sur ce point, le requérant, qui avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il ne s'est pas conformé, ne peut utilement faire valoir que l'autorité administrative aurait pris la mesure d'éloignement litigieuse de façon précipitée, immédiatement au décours d'une unique audition réalisée le 11 mars 2024, sans que lui-même soit en capacité d'apporter des documents et justifications sur son droit au séjour.

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant à M. D... un délai de départ volontaire :

13. La décision obligeant M. D... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. En premier lieu, la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.

15. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué mentionne les motifs de fait et de droit au regard desquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a fixé le pays dont M. D... a la nationalité, c'est-à-dire la Géorgie ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, comme pays de destination.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du dernier aliéna de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du

4 novembre 1950. ".

17. Si M. D... soutient qu'il court des risques pour sa vie en cas de retour en Géorgie, il ne produit aucun élément corroborant les faits, dont il ne fait état que succinctement dans le cadre de la présente procédure et qui ont été regardés comme simplement allégués et non établis par l'OFPRA et la CNDA. Par suite, le requérant n'établit ni la réalité ni l'actualité des risques qu'il invoque. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision interdisant à M. D... le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

18. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

19. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

20. En premier lieu, la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devrait être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.

21. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué mentionne les motifs de fait et de droit au regard desquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé d'interdire à M. D... le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Le préfet y rappelle les dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, écarte l'existence de circonstances humanitaires au regard de la situation du requérant, puis examine les quatre critères devant être pris en compte pour fixer la durée d'une interdiction de retour. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de la décision interdisant à M. D... le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an doit être écarté.

22. Contrairement à ce que soutient M. D..., les circonstances de fait énoncées aux points 8 et 10 caractérisant sa situation et celle de ses enfants n'établissent pas l'existence de circonstances humanitaires qui feraient obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

23. Il ne ressort pas des pièces du dossier et des circonstances de fait énoncées aux points 6, 8 et 10 qu'en décidant d'interdire à M. D... le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, le préfet d'Ille-et-Vilaine a porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts poursuivis par cette décision et aurait ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou a omis d'attacher une considération primordiale à l'intérêt supérieur de ses enfants comme le prescrivent les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision d'interdiction de retour pendant une durée d'un an aurait sur la situation personnelle de M. D... ou de ses enfants des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

24. Il ressort des pièces du dossier et des points 3 et 4 que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an a été précédée d'un examen complet de la situation de M. D....

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :

25. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ".

26. Aux termes de l'article L. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. "

27. En premier lieu, le présent jugement n'annulant pas la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que la décision d'assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.

28. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux mentionne les motifs de fait et de droit au regard desquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé d'assigner M. D... à résidence sur le fondement de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et permet au requérant de les contester et au tribunal d'exercer son contrôle en toute connaissance de cause. S'il ne fait pas état d'éléments précis relatifs à sa situation personnelle ou familiale, il ressort du procès-verbal d'audition du 11 mars 2024 que, lorsque l'éventualité d'une mesure d'assignation à résidence a été évoquée par l'officier de police judiciaire qui a mené cette audition, le requérant n'a fait état d'aucune contrainte s'opposant à une telle mesure et a affirmé qu'il la respecterait. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de l'arrêté portant assignation à résidence doit être écarté.

29. En troisième lieu, l'arrêté portant assignation à résidence interdit à M. D... de sortir de la commune de Rennes sans autorisation, sauf pour satisfaire à son obligation de pointage, se rendre à une convocation de justice ou des services de police et de gendarmerie, ou consulter son avocat, l'oblige à demeurer à l'adresse d'assignation, soit à son domicile actuel, de 18 heures à 21 heures, à remettre l'original de son passeport et à se présenter les mardi et jeudi non fériés et non chômés à 16 heures à la direction zonale de la police aux frontières à

Saint-Jacques-de-la-Lande. En se bornant à faire valoir qu'il est le parent isolé de trois enfants scolarisés et qu'il ne présente pas de risque de fuite en raison de sa situation personnelle et familiale, sans faire état et justifier des contraintes qui résulteraient de cette situation et qui rendraient impossible ou excessivement difficile le respect de l'obligation de présentation,

M. D... n'établit pas que ces modalités d'application de la mesure d'assignation à résidence, laquelle n'a pas pour objet de prévenir un risque de fuite, présentent un caractère disproportionné caractérisant une erreur manifeste d'appréciation.

30. Il ne résulte pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui vient d'être dit ci-dessus aux points 28 et 29, que l'arrêté portant assignation à résidence n'aurait pas été précédé d'un examen particulier de la situation de M. D....

31. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 11 mars 2024. Ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2025.

Le président,

G.-V. VERGNE

L'assesseure la plus ancienne,

I. MARION

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02387
Date de la décision : 31/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : BERTHAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-31;24nt02387 ?
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