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31/01/2025 | FRANCE | N°23NT02259

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 31 janvier 2025, 23NT02259


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 novembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 26 janvier 2022 des autorités consulaires française en Géorgie rejetant la demande de visa de long séjour de M. C..., en qualité de conjoint d'une ressortissante française.



Par un jugement n° 2212914 du

26 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 8 novembre 2022 de la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 novembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 26 janvier 2022 des autorités consulaires française en Géorgie rejetant la demande de visa de long séjour de M. C..., en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2212914 du 26 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 8 novembre 2022 de la commission de recours, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... et à Mme B... d'une somme globale de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la décision du 8 novembre 2022 de la commission de recours et mis à la charge de l'Etat, le versement des frais de procès ;

2°) de rejeter, dans cette mesure, les conclusions de demande présentée par M. C... et Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- l'interdiction de retour sur le territoire français, qui assortissait l'obligation de quitter le territoire français dont M. C... a fait l'objet le 20 décembre 2019, conservait ses effets à la date de la décision contestée de la commission de recours dès lors que la mesure d'éloignement n'a été exécutée qu'à compter du 13 janvier 2022 ;

- la présence en France de M. C... constitue une menace à l'ordre public compte tenu du caractère répété et grave des infractions commises qui ont donné lieu à plusieurs condamnations, dont la dernière a été prononcée à une date récente ;

- en outre, le mariage de l'intéressé a été conclu à des buts exclusifs de faciliter son installation sur le territoire et est dépourvu de toute intention matrimoniale ;

- la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, eu égard à la nature et à la gravité des faits délictuels commis par l'intéressé.

Par un mémoire, enregistré le 30 octobre 2023, M. C... et Mme B..., représentés par Me Couderc, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.

Vu :

- l'arrêt n° 23NT02260 du 27 octobre 2023 prononçant le sursis à exécution du jugement attaqué ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant géorgien, a présenté une demande de visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par une décision du 26 janvier 2022, les autorités consulaires françaises en Géorgie ont refusé de lui délivrer ce visa. Par une décision expresse du 8 novembre 2022, qui s'est substituée à une décision implicite née le 3 août 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 26 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C... et de Mme B..., la décision de la commission de recours, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... et à Mme B... d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 8 novembre 2022 de la commission de recours et a mis à la charge de l'Etat le versement des frais de procès.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par M. C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés de ce que, d'une part, M. C... a fait l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) d'une durée d'un an qui lui a été notifiée le 20 décembre 2019 et qu'il n'a exécuté que le 13 janvier 2022, d'autre part, de ce que sa présence en France présente un risque de menace à l'ordre public, celui-ci ayant fait l'objet, depuis le 21 septembre 2012, de plusieurs condamnations, devenues définitives, à des peines d'emprisonnement, la dernière qui l'a condamné à cinq mois d'emprisonnement ayant été prononcée le 16 octobre 2019 par le tribunal correctionnel de Lyon.

3. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. ". Aux termes de l'article R. 511-4 du même code, alors en vigueur : " L'obligation de quitter le territoire français est réputée exécutée à la date à laquelle a été apposé sur les documents de voyage de l'étranger qui en fait l'objet le cachet mentionné à l'article 11 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) lors de son passage aux frontières extérieures des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) L'étranger peut également justifier de sa sortie du territoire français en établissant par tous moyens sa présence effective dans le pays de destination, notamment en se présentant personnellement aux représentations consulaires françaises dans son pays de destination ou à la représentation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans son pays de destination. Sauf preuve contraire, l'étranger est réputé avoir exécuté l'obligation de quitter le territoire français à la date à laquelle il s'est ainsi présenté à l'une de ces autorités. ". En outre, aux termes de l'article R. 511-5 de ce même code, dans sa version alors en vigueur : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette mesure et de ce que sa durée courra à compter de la date à laquelle il aura satisfait à son obligation de quitter le territoire français en rejoignant le pays dont il possède la nationalité, ou tout autre pays non membre de l'Union européenne et avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu notifier, le 20 décembre 2019, un arrêté du même jour par lequel le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Les allégations M. C... selon lesquelles il aurait exécuté la mesure d'éloignement le 2 octobre 2021, accompagné de son fils mineur, ne sont pas établies par la seule production d'un " routing d'éloignement ", dressé le 23 septembre 2021 par le pôle central d'éloignement de la direction centrale de la police aux frontières, dès lors que ce document se borne à informer la préfecture de la Loire des modalités retenues pour l'éloignement de l'intéressé et qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de son passeport, que M. C... n'a quitté le territoire français, ainsi que le fait valoir le ministre, que le 13 janvier 2022. La durée d'un an de l'interdiction de retour sur le territoire français assortissant la mesure d'éloignement n'a ainsi commencé à courir qu'à compter de cette date et non à compter du 2 octobre 2021, comme le prétend M. C.... Il ressort, en outre, des pièces du dossier que celui-ci est revenu en France le 22 juillet 2022 et qu'il a, de la sorte, suspendu l'exécution de l'interdiction de retour sur le territoire français. Il s'ensuit que l'interdiction de retour sur le territoire français, partiellement exécutée, continuait de produire ses effets à la date d'édiction, le 8 novembre 2022, de la décision contestée de la commission de recours. Ainsi, c'est à tort que, pour annuler la décision de la commission de recours, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce qu'à la date de cette décision, la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français n'était plus en cours d'exécution.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire afin que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, par des éléments précis et concordants, que le mariage est entaché d'une telle fraude, de nature à légalement justifier le refus de visa.

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du bulletin n°2 de l'extrait du casier judiciaire produit pour la première fois par le ministre devant la cour, que M. C... a été condamné, le 21 septembre 2012, par le tribunal correctionnel de Saint-Etienne à une peine de 4 mois d'emprisonnement dont 3 mois avec sursis pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, aggravés par une autre circonstance, puis le 7 octobre 2016 à une peine de 5 mois d'emprisonnement pour refus par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, emportant mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'obligation réglementaire de sécurité ou de prudence lors de la conduire d'un véhicule, ainsi que le 28 février 2019 à 70 heures de travaux d'intérêt général pour conduite d'un véhicule sans permis et enfin, le 16 octobre 2019, à une peine de 5 mois d'emprisonnement pour des faits de circulation avec un véhicule sans assurance, de vol en réunion et de conduite d'un véhicule sans permis. Au regard de la gravité des faits ainsi commis, ainsi que de leur caractère récent et répété, la présence en France de M. C... doit être regardée comme présentant, à la date de la décision contestée, une menace pour l'ordre public. Il s'ensuit que c'est à tort que, pour annuler la décision de la commission de recours, le tribunal administratif de Nantes s'est, également, fondé sur ce que la commission avait commis une erreur d'appréciation en regardant M. C... comme constituant une menace pour l'ordre public.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... et Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.

8. Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public ou qui fait l'objet soit d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire, soit d'un arrêté d'expulsion, soit d'une interdiction de retour sur le territoire français, soit d'une interdiction de circulation sur le territoire français, soit d'une interdiction administrative du territoire ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. C... était en cours d'exécution à la date d'édiction, le 8 novembre 2022, de la décision contestée de la commission de recours. Dans ces conditions, la commission était tenue, en application des dispositions précitées, de refuser la délivrance du visa demandé. Les requérants ne peuvent, dès lors, utilement soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de motifs présentée par l'administration en appel, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 8 novembre 2022 de la commission de recours et a mis à la charge de l'Etat le versement des frais de procès.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. C... et à Mme B... la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 8 novembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a mis à la charge de l'Etat le versement des frais de procès.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. C... et Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du 8 novembre 2022 de la commission de recours et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel présentées par M. C... et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. D... C... et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2025.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. MARCHAND

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02259
Date de la décision : 31/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : SCP COUDERC-ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-31;23nt02259 ?
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