Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société CND Invest a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes couvrant les années 2015 et 2016.
Par un jugement n° 2100747 du 9 février 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 avril 2024, la société Financière CND, représentée par Me Wattenne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) d'ordonner le versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4°) de dire que les intérêts moratoires porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'erreurs manifestes d'appréciation ;
- la procédure d'imposition est entachée d'une violation des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle ne s'est pas opposée au contrôle fiscal ; le principe du contradictoire a été méconnu ;
- le chiffre d'affaires retenu par le service au titre de la taxe sur la valeur ajoutée collectée en 2015 et 2016 est erroné ;
- le montant de taxe sur la valeur qu'elle a déclaré à tort en 2017 pour un montant de 33 412 euros doit être imputé sur les rappels opérés au titre des exercices 2015 et 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
- et les observations de Me Watenne, représentant la société Financière CND.
Considérant ce qui suit :
1. La société CND Invest a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. L'administration ayant estimé que l'entreprise avait adopté une attitude traduisant une opposition à contrôle fiscal au sens de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal a été établi le 7 septembre 2018. Les conclusions du contrôle lui ont été adressées dans le cadre d'une proposition de rectification du 8 octobre 2018, dont le pli a été retourné à l'administration avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Les bases d'imposition ont ainsi été fixées selon la procédure de l'évaluation d'office et l'administration fiscale a appliqué la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts. Par un avis émis le 30 novembre 2018, l'administration fiscale a procédé au recouvrement de la somme de 116 463 euros en droits et pénalités, lesquelles comprennent la majoration de 100 %. La société CND Invest a formé une première réclamation le 11 juin 2019, à la suite de laquelle l'administration a accepté de prendre en compte, par sa décision d'admission partielle du 13 janvier 2020, la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de la période couvrant l'année 2015 à hauteur de 4 202 euros, conduisant à un dégrèvement de 8 891 euros en droits et pénalités. La société CND Invest a présenté deux autres réclamations, en date des 9 août et 9 décembre 2020, qui ont été rejetées par deux décisions du 29 septembre 2020 et du 3 février 2021. La société CND Invest a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que de la majoration de 100 % auxquels elle a été assujettie au titre des périodes couvrant les périodes de 2015 et 2016. Par un jugement du 9 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande. La société Financière CND, société mère du groupe fiscalement intégré dont la société CND Invest est membre, relève appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en œuvre du contrôle dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 47 A (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à la société CND Invest un premier avis de vérification de comptabilité en date du 17 avril 2018 qu'elle a réceptionné le 3 mai 2018. Le 7 mai 2018, Mme A..., épouse du gérant de la société CND Invest et salariée de celle-ci, a adressé un courriel au service vérificateur afin d'obtenir un report de la première date d'intervention fixée au 9 mai 2018. L'administration lui a indiqué que seul le représentant légal de l'entreprise était en droit de solliciter un report, a proposé de fixer au 15 mai ou au 16 mai et a demandé que le report soit confirmé par le représentant légal dans les plus brefs délais. Cette demande est restée sans réponse et, en l'absence du gérant ou de toute personne dûment mandatée le jour du contrôle, celui-ci n'a pu avoir lieu. Par un courriel du 15 mai 2018, M. A..., gérant de la société CND Invest, a proposé à l'administration un report à la date du 24 mai ou du 29 mai 2018. Un mandat, établi le 15 mai 2018 par M. A..., en vue d'autoriser Mme A... à représenter la société dans le cadre des opérations de vérification de comptabilité a été adressé le 16 mai 2018 au service vérificateur. Par un courrier, valant mise en garde, en date du 14 mai 2018, adressé par des envois simple et recommandé, l'administration a fixé une nouvelle date d'intervention au 4 juin 2018. S'il résulte de l'instruction que ce courrier a été reçu, sous pli recommandé, par la société CND Invest le 5 juin 2018, soit postérieurement à la date de l'intervention, l'administration a toutefois adressé le 6 juin 2018, par des envois simple et recommandé, une deuxième lettre valant mise en garde, laquelle fixait la date d'intervention au 27 juin 2018 à 10 heures. Ce courrier présenté le 8 juin 2018 a été retourné à l'administration avec la mention " pli avisé et non réclamé ". En l'absence de confirmation du rendez-vous par l'entreprise, l'agent vérificateur ne s'est pas déplacé. Par un courriel du 29 juin 2018, l'administration a fait droit à la demande de report formulée par Mme A... à la date du 5 juillet 2018. La première intervention a finalement eu lieu à cette date en présence de l'intéressée. Les dates des interventions suivantes ont alors été fixées au 17 juillet 2018, date à laquelle devaient être remis les fichiers des écritures comptables, et au 6 septembre 2018. Toutefois, par un courriel du 16 juillet 2018, soit la veille de l'intervention, Mme A... a informé l'agent vérificateur qu'elle ne serait finalement pas disponible à la date convenue. Par un courriel du même jour, celui-ci lui a demandé de lui adresser, au plus tard le 17 juillet 2018, les fichiers des écritures comptables de l'entreprise afin de pouvoir commencer les opérations de contrôle. Ces fichiers n'ont toutefois pas été transmis par la société CND Invest. Constatant l'absence de tout représentant de la société au rendez-vous fixé le 6 septembre 2018, la vérificatrice a, par un procès-verbal du 7 septembre 2018, constaté l'opposition à contrôle fiscal.
4. La société CND Invest dont le représentant a fait part de son indisponibilité pour le rendez-vous fixé le 17 juillet 2018 ne conteste pas sérieusement qu'une intervention de la vérificatrice était prévue le 6 septembre 2018 au siège social de la société. Elle ne peut valablement soutenir que les difficultés rencontrées dans la réalisation de ces opérations ont pour origine les contraintes professionnelles du gérant et le comportement peu conciliant de l'agent vérificateur. Elle ne peut utilement faire valoir que, dans le cadre d'autres opérations de contrôle diligentées à la même période sur les filiales de la SARL CND Invest, soit les sociétés Elocle et Tiviga, la vérificatrice se serait abstenue de l'informer d'un futur contrôle. Dans ces conditions, et alors que la vérificatrice a effectué toutes les diligences qui pouvaient normalement être attendues d'elle pour permettre la tenue des opérations de contrôle, c'est à bon droit que le service a pu estimer que le contrôle fiscal ne pouvait avoir lieu du fait du contribuable, lequel s'est placé dans une situation caractérisant l'opposition au contrôle fiscal. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire aurait été méconnu au cours de cette procédure de contrôle doit être écarté.
Sur le bien-fondé des rappels :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
6. En application des dispositions citées ci-dessus, dès lors que la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscale a été mise en œuvre à bon droit à l'encontre de la société CND Invest, il appartient à la société Financière CND de rapporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :
7. Il résulte de l'instruction que le service a déterminé les bases de la taxe sur la valeur ajoutée collectée en fonction des encaissements réalisés déterminés à partir de l'examen des déclarations de résultat déposées par la société CND Invest au titre des années 2015 et 2016. En l'absence de pièces justificatives, aucune taxe sur la valeur ajoutée déductible n'a été retenue par le service.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée en 2015 :
8. Si la société Financière CND soutient que l'administration a commis une erreur de calcul en retenant un montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 74 961 euros au lieu de 74 880 euros et un montant déclaré de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 25 679 euros au lieu de 29 881 euros, elle ne le démontre pas plus en appel qu'en première instance en l'absence de toute pièce comptable produite. Au demeurant, il résulte de l'instruction qu'elle confond à ce titre les montants de taxe sur la valeur ajoutée brute et nette dus.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée en 2016 :
9. Si la société requérante soutient que l'administration a commis une erreur en retenant au titre de la période couvrant l'année 2016 une taxe sur la valeur ajoutée collectée d'un montant de 63 047 euros, alors que ce montant devait être évalué à 59 932 euros, elle ne l'établit pas davantage alors que le montant retenu par le service ressort au demeurant des déclarations établies par la société CND Invest.
En ce qui concerne la régularisation opérée en 2017 concernant les exercices précédents :
10. La société CND Invest soutient qu'elle a déclaré en 2017 un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 33 412 euros à titre de régularisation des sommes qu'elle avait omises de déclarer en 2015 et 2016 et demande que ce montant soit imputé sur le montant des rappels opérés au titre des exercices 2015 et 2016. Toutefois, et en tout état de cause, les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites au titre des mois de janvier à novembre 2017 ne comportent aucune mention relative à des régularisations. La déclaration établie au titre du mois de décembre 2017 fait référence à une régularisation de 12 500 euros d'opérations non imposables, sans que soient au demeurant précisées les opérations concernées. La demande de la société Financière CND doit, par suite, être rejetée.
Sur la majoration appliquée sur le fondement des dispositions du a de l'article 1732 du code général des impôts :
11. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'État (...) ".
12. La société CND Invest ayant fait opposition au contrôle fiscal diligenté par l'administration, comme il a été dit aux points 3 et 4, c'est à bon droit que la majoration de 100 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1732 du code général des impôts a été appliquée par l'administration.
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :
13. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable chargé du recouvrement, les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont irrecevables.
14. Il résulte de ce qui précède que la société Financière CND n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la CND Invest. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Financière CND est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Financière CND et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
J.-E. GEFFRAY La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01179