Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours hiérarchique formé contre la décision du 15 février 2019 du préfet du Val d'Oise, a confirmé le rejet de sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 2100764 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 août 2023, M. C..., représenté par Me Aucher, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 16 novembre 2020 du ministre de l'intérieur ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée en droit comme en fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il remplit les conditions prévues par le code civil pour se voir accorder la naturalisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours hiérarchique formé contre la décision du 15 février 2019 du préfet du Val d'Oise, a confirmé le rejet de sa demande de naturalisation. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 30 décembre 1993, dans sa rédaction applicable au litige : " Le préfet du département de résidence du postulant ou, à Paris, le préfet de police déclare la demande irrecevable si les conditions requises par les articles 21-15, 21-16, 21-17, 21-22, 21-23, 21-24 et 21-27 du code civil ne sont pas remplies (...) ". Aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 (...) peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours (...) constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que la décision du ministre de l'intérieur, saisi d'un tel recours préalable obligatoire, s'est substituée à celle initialement prise par le préfet du Val d'Oise. Par suite, les conclusions de la requête doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision du 16 novembre 2020 du ministre.
4. En second lieu, l'article 22-1 du code civil prévoit que : " L'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce. (...) ". Aux termes de l'article 37-1 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Le demandeur fournit, selon les mêmes conditions de recevabilité que celles prévues par l'article 9 : 1° Son acte de naissance ; (...) ; 5° Le cas échéant, les actes de naissance de tous ses enfants mineurs, ainsi que les pièces de nature à établir leur résidence ; (...) ; 8° Le cas échéant, au titre de l'acquisition de plein droit de la nationalité française prévue à l'article 22-1 du code civil, les pièces mentionnées à l'article 12 ; (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Pour l'acquisition de plein droit de la nationalité française prévue par les dispositions de l'article 22-1 du code civil, sont produits les actes de naissance des enfants mineurs du déclarant qui résident avec lui, de manière habituelle ou alternée dans les cas de séparation ou de divorce, tous documents justifiant cette résidence, ainsi que, s'il y a lieu, les actes de l'état civil ou les décisions de justice établissant la filiation des enfants à son égard. ".
5. En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le postulant.
6. Il ressort de la décision contestée que, pour rejeter le recours hiérarchique formé par M. C... et confirmer la décision préfectorale de rejet, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que le postulant avait omis, lors de la constitution de son dossier, de déclarer son enfant né le 17 octobre 2004, révélant ainsi une volonté de l'intéressé de dissimuler la réalité de sa situation.
7. Il ressort du formulaire de demande d'acquisition de la nationalité française renseigné et signé par M. C..., le 19 juin 2017, que si ce dernier a déclaré ses quatre enfants de nationalité congolaise, nés respectivement en 1994, 1997, 2007 et 2010, il n'a pas mentionné son enfant, de nationalité française, né en 2004, qu'il a reconnu le 27 mars 2006, en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article 37-1 du décret du 30 décembre 1993 qui imposent au postulant de déclarer l'ensemble de ses enfants mineurs et pas seulement ceux de nationalité étrangère, susceptibles d'acquérir la nationalité française, par l'effet collectif prévu à l'article 22-1 du code civil. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que, depuis sa séparation conflictuelle avec la mère de l'enfant, survenue dix ans auparavant, M. C... n'est plus en contact avec son enfant français, qui réside avec sa mère de nationalité française sur le territoire français et dont il est également sans nouvelles. Dans ces circonstances, le seul fait pour le requérant de n'avoir pas mentionné cet enfant dans le formulaire de demande d'acquisition de la nationalité française ne suffit pas à le faire regarder comme ayant entendu dissimuler à l'administration la réalité de sa situation. Par suite, en estimant que cette omission révélait la volonté de M. C... de dissimuler sa situation à l'égard de l'administration et en rejetant, pour ce motif, sa demande de naturalisation, le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 20 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 16 novembre 2020 du ministre de l'intérieur est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02522