La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2025 | FRANCE | N°23NT02126

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 10 janvier 2025, 23NT02126


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2023 et 22 janvier 2024, la société SAS Honfleur Distribution, représentée par Me Courrech, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision du 31 mai 2023 par laquelle le président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de rendre un avis favorable

sur sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2023 et 22 janvier 2024, la société SAS Honfleur Distribution, représentée par Me Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 31 mai 2023 par laquelle le président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de rendre un avis favorable sur sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et au président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans le délai de deux mois suivant cet avis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ l'éloignement de 2,6 km du centre-ville n'est pas rédhibitoire ;

­ l'évolution démographique au niveau de la zone de chalandise est un critère plus pertinent que celle au niveau de la commune de Honfleur, qui doit être relativisée et analysée au vu de son développement touristique très dynamique ;

- les activités envisagées compte-tenu de leurs surfaces ne peuvent être localisées en centre-ville et ne viennent pas en conflit avec ses commerces traditionnels ; elles comblent une demande des consommateurs sur la zone de chalandise qui n'est pas couverte par les commerces du centre-ville de Honfleur ; la clientèle doit se fournir principalement à Pont-Audemer, à plus de 20 kilomètres ;

- les seules circonstances que plusieurs communes de la zone de chalandise dont Honfleur sont bénéficiaires du dispositif " Petites Villes de Demain " et d'une ORT et que la communauté de communes dont Honfleur est membre a relancé un fonds FISAC ne suffisent pas à démontrer que le projet aurait des effets négatifs sur les commerces locaux ; la vacance commerciale à Honfleur est très inférieure à la moyenne nationale et n'est pas en phase avec le type de surfaces nécessitées par le projet ; les communes de Beuzeville, d'Equemauville, de Pont-L'Evêque et de La Rivière-Saint-Sauveur n'offrent pas non plus de cellules vacantes suffisantes ; le projet ne vient en rien remettre en cause la politique du FISAC ;

- la CNAC ne lui a pas demandé en cours de procédure d'apporter des précisions sur les surfaces qu'occupera l'enseigne Centrakor ; en tout état de cause, sa présence n'est pas déterminante ; elle n'était pas tenue d'apporter une garantie d'installation de cette enseigne ;

- les espaces verts passent de 3 592 à 4 410 m², le taux de perméabilité de 10 à 16,37%, alors que le projet se développe sur un ancien parking c'est à-dire sur une surface artificialisée et imperméabilisée ; il est constitué par un bâtiment unique ; il n'existe aucune nécessité de construire sur plusieurs niveaux ;

- le foncier est le même ;

- des modes doux et des pistes cyclables sont prévus, ce qui laisse l'alternative à la clientèle de ne pas utiliser la voiture ;

- une implantation de panneaux photovoltaïques ne pouvait se faire sur les deux versants d'un existant avec succession de toitures à double pente perpendiculaires à la façade principale puisque nécessairement l'un d'eux est mal exposé ; le minimum de 30% prévu par la loi a été respecté ; il n'y avait pas d'obligation légale de créer des ombrières photovoltaïques sur le parking ; le bâtiment a un besoin bioclimatique conventionnel de 140,40 alors que le Bbio Max est à 225 ; il est plus vertueux qu'exigé par la RE 2020 ; contrairement à ce qu'a estimé la CNAC, le projet prévoit bien la récupération des eaux pluviales et développe au surplus une technique particulièrement poussée pour parvenir à l'efficience de ce système ;

- la CNAC a présenté une analyse complète du dossier et des griefs, ce qui permet de prononcer l'injonction sollicitée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le service instructeur a demandé des informations sur l'installation des enseignes, ce qui a conduit la pétitionnaire à une réponse évasive au sujet de Centrakor ;

- le centre-ville se trouve à 2,6 km du site d'implantation du projet ;

- le territoire d'implantation du projet est particulièrement fragile ; le projet nuira au tissu commercial des communes considérées ;

- le retail park offre des produits qui sont également proposés en centre-ville : décoration, ameublement, articles de sport, jouets... ;

- le projet est consommateur d'espaces supplémentaires et ne participe pas à l'amélioration de la compacité des constructions ; aucune recherche d'optimisation de l'espace n'est proposée par le porteur d'un projet entrainant une forte augmentation de l'emprise au sol des bâtiments sur le terrain d'assiette (de 9 048 m² à 14 085 m²) ;

- le projet n'est pas accessible par voie cyclable ;

- dès lors qu'elle ne s'est pas prononcée sur l'ensemble des critères de développement durable notamment ceux relatifs aux nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche, ainsi que sur les critères en matière de protection des consommateurs, notamment sa contribution en matière sociale, seul un réexamen pourrait en tout état de cause être ordonné par la cour.

Par un mémoire, enregistré le 26 janvier 2024, la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, représentée par Me Mattiussi-Poux, demande à la cour d'annuler la décision du 31 mai 2023 du président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, d'enjoindre à la CNAC de rendre un avis favorable sur le projet de la SAS Honfleur Distribution, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la localisation du projet et son intégration urbaine ne sont pas problématiques ;

- le projet vise précisément à garantir une utilisation économe de l'espace ;

- l'animation urbaine et du centre-ville n'emporte aucun effet négatif ;

- le projet, dans la continuité urbanistique de Honfleur, participe à l'animation de la vie urbaine en raison de sa proximité ;

- l'attribution de programmes type " FISAC " ne saurait constituer, en soi, un critère pertinent de refus ;

- l'appréciation de l'existence de vacances commerciales et de la baisse démographique n'a pas été faite globalement par la CNAC ;

- le projet n'est pas particulièrement de nature à favoriser l'usage de la voiture au détriment des modes de transport doux ;

- l'installation d'une centrale photovoltaïque sur 30% de la toiture nouvellement créée dans le retail park améliore substantiellement l'existant sur un plan environnemental ;

- il n'y avait aucune obligation légale d'installer des ombrières photovoltaïques sur la parking ;

- les eaux feront l'objet d'un traitement " à travers un transit vers un séparateur / débourbeur à hydrocarbures, avant rejet au réseau public " ;

- la CNAC disposait des éléments pour se prononcer, sans avoir à s'interroger sur le caractère certains de l'installation de l'enseigne Centrakor ;

- les cellules vacantes du centre-ville de Honfleur ne permettaient pas d'accueillir les commerces du projet ;

- les motifs d'annulation de l'avis de la CNAC impliqueront nécessairement la délivrance d'un avis favorable, rien au dossier d'instruction ne permettant de s'opposer raisonnablement au projet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Morisseau, substituant Me Courrech, pour la SAS Honfleur Distribution et de Me Mattiussi-Poux, pour la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville.

Considérant ce qui suit :

1. La société Honfleur Distribution exploite, sous l'enseigne E. Leclerc, un ensemble commercial à Honfleur, comprenant un hypermarché, une station-service et une jardinerie. Elle a décidé de créer sur ce site un parc d'activité commerciale composé de quatre cellules, sous les enseignes Sport 2000 (902 m² de surface de vente), Mondovélo (401 m²), A... (1 201 m²) et Centrakor (1 141 m²) et d'étendre de 215 m² sa jardinerie. La demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale a été déposée le 4 mars 2022. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Calvados a émis, le 12 octobre 2022, un avis favorable à ce projet. Sur recours des sociétés concurrentes Geral et Verane, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a, lors de sa séance du 23 mars 2023, émis un avis défavorable sur le projet porté par la société Honfleur Distribution. Par une décision du 31 mai 2023, le président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, prenant acte de cet avis défavorable, a refusé de délivrer le permis de construire sollicité valant autorisation d'exploitation commerciale. La SAS Honfleur Distribution demande à la cour d'annuler cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la procédure suivie devant la CNAC et ses conséquences :

2. La SAS Honfleur Distribution soutient que la CNAC ne l'a pas mise à même de faire valoir ses observations sur la cellule commerciale que l'enseigne Centrakor a vocation à occuper. Toutefois, la CNAC fait valoir, sans être précisément contestée, qu'à la demande de son service instructeur, la SAS Honfleur Distribution a fourni les courriers d'intention de l'ensemble des enseignes, à l'exception de Centrakor et qu'interrogée sur ce point, elle a répondu que les échanges avec celle-ci étaient encore en cours, faute de production d'un courrier d'intérêt final. La SAS Honfleur Distribution n'est donc pas fondée à soutenir que la CNAC ne l'aurait pas mise à même de se défendre sur ce point ou se serait fondée sur des faits inexacts à cet égard.

3. Toutefois, alors aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la société pétitionnaire de mentionner les enseignes de ces magasins, en se fondant sur le fait que l'enseigne Centrakor n'avait pas encore formalisé son intention de s'installer sur le site du projet pour considérer qu'ils subsistait en l'état du dossier de demande, une incertitude quant aux effets du projet sur les secteurs existants et que le dossier de demande ne justifiait pas de l'impossibilité pour l'une des cellules projetées de s'implanter en centre-ville, alors qu'il lui appartenait si elle estimait le dossier incomplet d'inviter la société à le compléter dans cette mesure, puis, le cas échéant, de rejeter la demande en raison de lacunes persistantes et, dans le cas contraire, d'apprécier les effets concrets du projet sur le tissu commercial du centre-ville au regard des activités déclarées, la CNAC a commis une erreur de droit.

En ce qui concerne la prise en compte des objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :

4. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine./ Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ;

/ 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ;

/ c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

S'agissant du critère de localisation du projet et de son intégration urbaine :

6. En considérant que le projet de la SAS Honfleur Distribution qui s'implante au sein d'une zone d'activités, en zone urbanisée périphérique à l'Est de la commune de Honfleur, à 2,6 kilomètres de son centre-ville, à proximité de l'embouchure de la Seine, et d'un échangeur routier permettant de rejoindre le Pont de Normandie, va renforcer un pôle commercial périphérique à cette commune, la CNAC n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation.

S'agissant du critère d'animation de la vie urbaine et de contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville :

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la population de la zone de chalandise est en forte progression dès lors que, en comptant 57 172 habitants, elle a augmenté de 10,2%. Si la CNAC fait toutefois état d'une baisse significative de la population dans la commune de Honfleur de 8,8%, ce chiffre doit être relativisé au regard du particularisme de cette commune tenant à une activité touristique donc commerciale très dynamique.

8. D'autre part, il n'est pas non plus contesté que la vacance commerciale à Honfleur est très inférieure à la moyenne nationale. De même, il n'est pas sérieusement remis en cause que les surfaces offertes en centre-ville de Honfleur et des communes de la zone de chalandise ne peuvent pas accueillir des cellules commerciales aussi importantes que celles envisagées, atteignant 902 m², 401 m², 1 201 m² et 1 141 m², comme l'illustrent en particulier les photographies des boutiques de Honfleur produites par la communauté de communes du pays de Honfleur-Beuzeville (CCPHB). Il ressort du rapport d'instruction de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) que les taux de vacance commerciale recensés dans la zone de chalandise sont dans la moyenne nationale. Il ressort en outre des pièces du dossier que les surfaces commerciales disponibles dans le centre-ville de Honfleur et des communes de la zone de chalandise ne peuvent pas accueillir des cellules commerciales aussi importantes que celles-envisagées par la SAS Honfleur Distribution.

9. Enfin, il ressort des pièces du dossier que malgré le dynamisme du pôle commercial ainsi renforcé en périphérie de Honfleur, les cellules commerciales envisagées sont plutôt complémentaires de celles du centre-ville qui sont ainsi peu menacées par cette concurrence, alors notamment qu'il n'y existe qu'un magasin de jouets qui vend essentiellement des articles de créateurs indépendants, aucun magasin d'articles généraux de sport et de nombreuses boutiques d'ameublement et de décoration souvent à vocation touristique. A cet égard, les seules circonstances que plusieurs communes de la zone de chalandise, dont Honfleur, sont bénéficiaires du dispositif " Petites Villes de Demain " et d'une " Opération de revitalisation de territoire " (ORT) et que la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville a développé un " Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce " (FISAC), afin de favoriser la revitalisation de l'appareil commercial et assurer une cohérence d'ensemble du tissu commercial par une incitation à la rénovation des devantures, enseignes, terrasses et stores des points de vente, ne suffisent pas à établir que les activités de centre-ville en cause seraient sérieusement menacées par le projet de la SAS Honfleur Distribution.

10. Dans ces conditions, en considérant que le projet porterait préjudice à l'animation de la vie urbaine et ne contribuerait pas à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville, la CNAC a inexactement appliqué les critères fixés par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant du critère de consommation économe de l'espace :

11. Il ressort des pièces du dossier que le projet, qui s'implante sur le parking et la jardinerie existants, n'entrainera aucune consommation d'espace artificialisé supplémentaire. En outre, comme l'a indiqué le ministre en charge du commerce, dans son avis du 13 mars 2023 : " Le parc de stationnement sera diminué de 190 emplacements et restera mutualisé à l'ensemble des activités de l'ensemble commercial. ".

12. Dans ces conditions, quand bien même l'emprise au sol des bâtiments sur le terrain d'assiette du projet passera de 9 048 m² à 14 085 m² et la surface de vente augmentera de 111%, la CNAC a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet de la SAS Honfleur Distribution faisait une consommation non économe de l'espace.

S'agissant du critère des transports collectifs et des modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone :

13. Il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation du projet est à proximité d'un arrêt de bus desservi par deux lignes, dont l'une conduit au centre-ville de Honfleur et l'autre au Plateau de Gonneville, composé majoritairement d'habitations. Il ressort également des pièces du dossier que des stationnements pour les vélos sont prévus à proximité des entrées du site, que deux voies cyclables permettent de rejoindre, bien que l'entrée et la sortie doivent se faire sur une voie commune avec les véhicules automobiles.

14. La circonstance avancée par la CNAC que le site d'implantation dispose d'une situation idéale pour capter les flux et notamment ceux liés au retour du travail en fin d'après-midi et qu'ainsi, le projet de la SAS Honfleur Distribution est de nature à favoriser l'usage de la voiture au détriment des modes de transports doux n'est pas, à elle seule, de nature en l'espèce à entacher ce projet d'illégalité.

15. Dans ces conditions, en considérant que le projet méconnaîtrait le critère des transports collectifs et des modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone, fixé par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, la CNAC a commis une erreur d'appréciation.

S'agissant du critère de la qualité environnementale du projet :

16. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Honfleur Distribution a prévu de faire passer les espaces verts de 3 592 à 4 410 m² sur le site d'implantation de son projet et de planter 45 arbres en plus des 89 existant, ce qui contribuera à faire passer le taux de perméabilité de 10 à 16,37%. En outre, contrairement à ce qu'a affirmé la CNAC, la SAS Honfleur Distribution a prévu un dispositif de traitement des eaux, qu'il s'agisse des eaux pluviales, différenciées en eaux de toitures et eaux de stationnement, ou des eaux usées et a opté pour un choix des plantations limitant la consommation d'eau.

17. Si la CNAC estime que la SAS Honfleur Distribution a développé une action a minima sur les panneaux photovoltaïques, il n'est pas contesté qu'elle a respecté ses obligations légales en matière de réglementation environnementale ou thermique. En outre, la SAS Honfleur Distribution fait valoir qu'elle n'a pas pu poser plus de panneaux photovoltaïques en toiture du fait de toitures à double pente perpendiculaires à la façade principale qui posent des problèmes d'exposition. Or le ministre chargé du commerce a considéré, dans son avis du 13 mars 2023, que le projet présente " un parti pris architectural et paysager de qualité, permettant de reprendre les caractéristiques des constructions présentes aux abords : toiture à double pente, etc. ".

18. Dans ces conditions, en considérant que le projet méconnaîtrait le critère de qualité environnementale, fixé par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, la CNAC a commis une erreur d'appréciation.

19. Il résulte de tout ce qui précède, que la CNAC a commis une erreur de droit au sujet de l'enseigne Centrakor et que le projet contesté ne compromet pas la réalisation des objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable énoncés par la loi. Dans ces conditions, la CNAC ne pouvait légalement, par les motifs qu'elle a retenus et dans le cadre de l'appréciation globale qui lui incombe, émettre un avis défavorable sur ce projet. Par suite, la SAS Honfleur Distribution est fondée à soutenir que le refus opposé à sa demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale est illégal du fait de l'illégalité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ". En vertu de ces dispositions, le juge administratif peut, s'il annule la décision prise par l'autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l'égard de l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu'à l'égard de la Commission nationale d'aménagement commercial. Toutefois, l'annulation de la décision rejetant une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sur le fondement d'un avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial n'implique, en principe, qu'un réexamen du projet par cette commission. Il n'en va autrement que lorsque les motifs de l'annulation impliquent nécessairement la délivrance d'un avis favorable.

21. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les motifs de l'avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial le 23 mars 2023 ne concernaient que certains des critères d'évaluation de deux seulement des trois objectifs fixés par l'article

L. 752-6 du code de commerce. Par suite, la censure, par le présent arrêt, des motifs retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial pour rendre un avis défavorable n'implique pas nécessairement que la Commission émette un avis favorable sur le projet. En revanche, les motifs du présent arrêt impliquent nécessairement que la Commission nationale d'aménagement commercial, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, rende un nouvel avis sur le projet, dans un délai de trois mois, à compter de sa notification. Il est par ailleurs enjoint au président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société Honfleur Distribution dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat à verser respectivement à la SAS Honfleur Distribution et à la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, en application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 31 mai 2023 du président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville refusant de délivrer à la SAS Honfleur Distribution un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale est annulée.

Article 2 : Il est enjoint, d'une part, à la Commission nationale d'aménagement commercial, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, de rendre un nouvel avis sur le projet de la société Honfleur Distribution dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, d'autre part, au président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros respectivement à la SAS Honfleur Distribution et à la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Honfleur Distribution, à la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, à la société Geral, à la société Verane et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée, pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au préfet du Calvados en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02126
Date de la décision : 10/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SCP COURRECH & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-10;23nt02126 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award