Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le contrat intitulé " Avenant n°6 - Avenant de résiliation ", conclu le 4 novembre 2019, et ayant pour objet la résiliation amiable de la concession d'aménagement conclue le 4 juillet 2005, entre Nantes Métropole et la société Loire Atlantique Développement-SELA (LAD-SELA), afin d'en préciser les conséquences juridiques et financières.
Par un jugement n° 1913680 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2023 et régularisée le 3 mars 2023, et des mémoires, enregistrés les 28 mars 2023 et 15 février 2024, et un mémoire enregistré le
12 novembre 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme B... C... et M. D... C..., venant aux droits de M. A... C..., décédé, représentés par Me Plateaux, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 janvier 2023 ;
2°) d'annuler le contrat intitulé " Avenant n°6 - Avenant de résiliation ", conclu le
4 novembre 2019, et ayant pour objet la résiliation amiable de la concession d'aménagement conclue le 4 juillet 2005, entre Nantes Métropole et la société Loire Atlantique Développement-SELA (LAD-SELA), afin d'en préciser les conséquences juridiques et financières ;
3°) de mettre à la charge de Nantes Métropole et de la société Loire Atlantique Développement-SELA (LAD-SELA) la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute était signée conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont rejeté, à tort, leur demande comme étant irrecevable ;
- ils avaient intérêt pour agir en première instance, en leur qualité de propriétaires de biens situés dans la zone d'aménagement concerté ; l'exécution du contrat litigieux autorise la substitution de Nantes Métropole dans les droits de la société LAD-SELA, afin de faire directement obstacle à leurs demandes formulées devant le juge judiciaire relatives à la maîtrise foncière des terrains ; l'exécution du contrat litigieux fonde la reprise des procédures de saisie, initiées par la SAEML LAD-SELA contre eux, devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire, de la part de Nantes Métropole ; l'exécution du contrat entraîne des flux financiers substantiels, au détriment de Nantes Métropole, et donc au détriment des contribuables locaux, de telle sorte que leur intérêt pour agir, au plan financier et en tant que contribuables locaux, ne peut pas être contesté ;
- l'annulation du contrat litigieux s'impose, après requalification du contrat principal en un marché public de travaux, ce qui induit la censure par le juge du contrat, pour violation de l'article 67 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994, désormais codifié à l'article L. 2192-14 du code de la commande publique ; le contrat initial ne fait pas apparaître un risque d'exploitation à la charge de l'aménageur ; Nantes Métropole a souscrit au moins une garantie d'emprunt, dès le 13 mars 2015, pour permettre l'exécution du contrat initial ; l'exécution de la concession initiale se traduit actuellement par une perte financière substantielle, à la suite des résultats des dernières études effectuées par l'aménageur ; la chronologie des avenants du contrat de concession initiale confirme la révision systématique de la rémunération de l'aménageur, au gré de l'exécution du contrat ;
- l'annulation du contrat litigieux s'impose, faute pour Nantes Métropole d'avoir pris la précaution d'insérer, dans le protocole litigieux, une clause permettant la restitution, par la SAEML LAD-SELA, de la somme due par ses services vis-à-vis de Nantes Métropole, majorée des intérêts moratoires ;
- à titre subsidiaire, si la cour analysait le contrat initial comme constituant une concession d'aménagement, au sens de l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme, l'annulation du contrat déféré s'impose, pour défaut de base légale, du fait de la nullité du contrat initial, qui est dépourvu de toute cause ;
- l'annulation du contrat s'impose dans la mesure où Nantes Métropole a consenti des libéralités, dans des proportions exponentielles, au profit de la SAEML LAD-SELA ;
- aucun des éléments invoqués par la SAEML LAD-SELA ne sont de nature à caractériser un motif d'intérêt général, de nature à obvier la censure du juge du contrat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2023, Nantes Métropole, représentée par Me Moghrani, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... la somme de 3 000 euros pour requête abusive au titre de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'appartient pas au juge de prononcer la résolution d'un contrat, celui-ci ne pouvant que l'annuler ;
- les requérants se sont bornés à se prévaloir en première instance d'intérêts lésés par les supposés vices tenant à la convention de concession signée en 2005, sans en revanche ne jamais faire valoir la lésion qui pourrait résulter pour eux de la signature de l'avenant n° 6 portant résiliation de cette convention ;
- la signature de la convention attaquée n'a bien évidemment aucune conséquence concrète en elle-même sur le droit de propriété des requérants ;
- la seule circonstance que, dans le cadre de la résiliation décidée par l'avenant n° 6, Nantes Métropole se substitue à la SELA dans les contentieux pendants, notamment ceux engagés devant le juge judiciaire par les requérants, ne vient en rien léser les intérêts de ces derniers ;
- la convention d'aménagement du 4 juillet 2005 n'a fait l'objet d'aucune annulation par le juge administratif ;
- aucun élément ne permet de démontrer l'existence de conséquences significatives de l'avenant n° 6 litigieux sur les finances publiques ou sur le patrimoine de la collectivité ;
- l'article L. 2192-14 du code de la commande publique n'est pas applicable ;
- les risques économiques liés à l'opération d'aménagement avaient bien été transférés à la SELA, de sorte que le contrat de concession ne peut être requalifié en marché public de travaux ;
- dans le cas particulier d'un contrat entaché d'une irrégularité d'une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation, ce qui est le cas en l'espèce, la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu'il soit besoin qu'elle saisisse au préalable le juge ;
- l'avenant de résiliation prévoit la substitution de Nantes Métropole à la SELA dans toutes les procédures en cours et n'entraine pas, dans son principe, un appauvrissement de Nantes Métropole dans la mesure où l'avenant prévoit expressément que Nantes Métropole sera subrogée dans les droits de la SELA.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2023, la société Loire-Atlantique Développement - SELA, représentée par Me Marchand, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement attaqué est signée ;
- les consorts C... n'ont jamais démontré en première instance en quoi la résiliation de la concession, qu'ils avaient, du reste, cherché à obtenir par tous les moyens, les léserait dans leurs intérêts ;
- en aucun cas l'avenant de résiliation n'affecte le droit de propriété des consorts C... ;
- un simple avenant de résiliation d'une concession d'aménagement n'est pas susceptible d'emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de Nantes Métropole ; la résiliation conduit à un gain pour Nantes Métropole de 1 899 442 euros ; l'avenant n'a pas conduit à une " cession gratuite " à la société LAD-SELA de terrains ;
- le contrat ne prévoit aucune disposition par laquelle l'une ou l'autre des parties renoncerait au paiement d'intérêts moratoires en raison de prestations effectuées ;
- l'article L. 2192-14 du code de la commande publique s'applique aux sommes dues par l'administration au titulaire d'un marché public, et non lorsque des sommes sont dues à l'administration ;
- le juge administratif admet qu'un contrat entaché de nullité puisse faire l'objet d'une résiliation ;
- l'avenant, dont l'objet était d'organiser les conséquences de la résiliation pouvait se référer à certaines stipulations du contrat ;
- Nantes Métropole n'a consenti aucune libéralité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Plateaux, représentant M. et Mme C..., et E..., substituant Me Marchand, représentant Loire Atlantique Développement SPL.
Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme C..., par Me Plateaux, a été enregistrée le 10 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La réalisation des zones d'aménagement concerté (ZAC) Haute-Forêt à Carquefou et Maison Neuve 2 à Sainte-Luce-sur-Loire a été confiée par Nantes Métropole à la société anonyme d'économie mixte Loire Atlantique Développement-SELA dans le cadre d'une concession d'aménagement signée le 4 juillet 2005. Cette concession a été résiliée à l'amiable par un avenant n° 6 approuvé par le conseil métropolitain le 4 octobre 2019. M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet avenant signé le 4 novembre 2019. Par un jugement du 4 janvier 2023, le tribunal a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Par suite, elle est régulière au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui prévoit que la minute comporte ces trois signatures en cas de formation collégiale. Dès lors, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité sur ce point.
3. En second lieu, indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.
4. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus de conclusions contestant la validité d'un contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat de vérifier que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine. Lorsque l'auteur du recours se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d'établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d'emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.
5. D'une part, la qualité de propriétaires de terrains compris dans le périmètre de la ZAC située à Sainte-Luce-sur-Loire, dont se prévalent les requérants, ne saurait être regardée comme un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine par l'avenant de résiliation en litige, qui en lui-même est dénué d'impact direct sur la propriété de M. et Mme C.... En particulier, la circonstance que l'avenant de résiliation entraîne la substitution de Nantes Métropole à la société anonyme d'économie mixte Loire Atlantique Développement-SELA dans les instances contentieuses pendantes concernant la maîtrise foncière des terrains inclus dans la ZAC est sans influence sur leurs intérêts.
6. D'autre part, il résulte de l'article 5 de l'avenant n° 6 que le solde d'exploitation positif provisoire est de 1 149 821 euros et que la résiliation de la concession conduit aux différents flux financiers suivants, entraînant un gain pour Nantes Métropole : - le versement par la société LAD-SELA à Nantes Métropole de la somme de 1 985 640 euros, - le versement par Nantes Métropole à la LAD-SELA de deux sommes de 736 379 euros et de 499 640 euros. Si des participations ont été versées dans le cadre de l'exécution de la concession d'aménagement par Nantes Métropole en vue de la réalisation des équipements publics, elles ont pu, à bon droit, être intégrées en tant que " produits " dans le bilan de clôture des ZAC, l'appréciation de l'impact significatif sur les finances locales ne devant pas nécessairement, au demeurant, se faire en considération de la totalité des participations du concédant sur la durée du contrat. En tout état de cause, les participations ayant été versées dans le cadre de la concession d'aménagement et non dans le cadre de l'avenant n° 6 résiliant cette concession, elles ne peuvent être utilement invoquées pour contester ledit avenant. Enfin, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., l'application de l'article 3.2 de l'avenant de résiliation n'a pas conduit à une " cession gratuite " à la société LAD-SELA de terrains de la part de Nantes Métropole, les terrains ayant déjà été acquis, à titre onéreux, antérieurement à l'avenant n° 6, par la société LAD-SELA. Par conséquent, la qualité de contribuables locaux dont se prévalent les requérants ne saurait être regardée, en l'espèce, comme leur conférant un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine par l'avenant de résiliation en litige.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative présentées par Nantes Métropole :
8. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. ".
9. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de Nantes Métropole tendant à l'application de ces dispositions ne sont pas recevables.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Nantes Métropole et de la société Loire Atlantique Développement - SELA, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de ces derniers la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par Nantes Métropole et non compris dans les dépens et la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à ce même titre par la société Loire Atlantique Développement - SELA.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront à Nantes Métropole et à la société Loire Atlantique Développement - SELA la somme de 1 500 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Nantes Métropole et par la société Loire Atlantique Développement - SELA est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à M. D... C..., à Nantes Métropole et à la société Loire Atlantique Développement-SELA.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00595