Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ayant rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2023 par laquelle les autorités consulaires françaises à Téhéran (Iran) ont refusé de délivrer à Mme C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale ;
Par un jugement n°2309758 du 23 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2024, M. A... et Mme C..., représentés par Me Le Floch, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ayant rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2023 par laquelle les autorités consulaires françaises à Téhéran (Iran) ont refusé de délivrer à Mme C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme C... le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure tiré de la composition irrégulière de la commission ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée en fait ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 561-2 et L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le couple démontre être uni depuis le 10 mars 2013 et Mme C... est fondée à solliciter la délivrance d'un visa de long séjour en tant qu'épouse de bénéficiaire d'une protection internationale ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision du 2 avril 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 8 novembre 2021. Mme C..., ressortissante afghane et épouse alléguée de M. A... a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès des autorités consulaires françaises à Téhéran (Iran), qui ont rejeté sa demande par une décision du 6 février 2023. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre ce refus consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement refusé de délivrer le visa sollicité. M. A... et Mme C... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 23 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. M. A... et Mme C... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. "
4. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Il ressort des pièces du dossier que la décision de la commission est fondée sur le même motif que la décision consulaire à laquelle elle s'est substituée, tiré en l'occurrence de ce que la demande de visa formulée au titre de la réunification familiale présenterait un caractère frauduleux en application de l'article L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, cette mention ne permettait pas, à elle seule, d'identifier les considérations de fait motivant ce refus, dès lors que les dispositions l'article L. 561-5 précité comportent l'exigence de production d'actes d'état-civil ou, en cas de doute sur leur authenticité, d'éléments de possession d'état ou de documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans ces conditions, au stade de la décision substituée, le requérant n'était pas en mesure de discuter utilement le motif opposé, de sorte que cette décision ne satisfait pas à l'exigence de motivation en fait qui découle des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... et Mme C... sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué, ainsi que l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, ainsi que la décision du 6 février 2023 par laquelle les autorités consulaires françaises à Téhéran ont refusé de délivrer à Mme C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et, sous réserve que l'avocate de M. A... renonce à percevoir la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Le Floch de la somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2309758 du 23 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à Mme C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale, est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Le Floch la somme de 1 200 euros hors taxe sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... et de Mme C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... A..., à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
C. VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT00286