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17/12/2024 | FRANCE | N°23NT03074

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 17 décembre 2024, 23NT03074


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... E..., M. A... C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 mai 2022 de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo refusant de délivrer à M. A... C... et à M. D... C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification f

amiliale.



Par un jugement n° 2214611 du 29 septembre 2023, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... E..., M. A... C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 mai 2022 de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo refusant de délivrer à M. A... C... et à M. D... C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2214611 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a, en son article 1er, annulé la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne M. D... C..., enjoint en son article 2 à la délivrance du visa sollicité à l'intéressé et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2023, M. A... C..., représenté par Me Mukendi Ndonki, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 septembre 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la demande ;

2°) d'annuler, en tant qu'elle le concerne, la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors que la demande de réunification familiale a été introduite alors qu'il avait moins de 19 ans ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés ;

- le motif tiré de ce que M. C... était âgé de plus de dix-neuf ans à la date de la demande de visa, substitué au motif initial de la décision contestée est de nature à légalement la fonder.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant congolais né le 12 septembre 1976, s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire le 2 février 2018. M. A... C... et M. D... C..., nés le 11 septembre 2000 et le 4 avril 2002, ses enfants, ont déposé une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo, laquelle a rejeté cette demande par une décision du 13 mai 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. M. B... C..., M. A... C... et M. D... C... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. M. A... C... relève appel du jugement du 29 septembre 2023 de ce tribunal rejetant ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction en tant qu'elles étaient dirigées contre la décision implicite lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises en République démocratique du Congo, sur la circonstance que M. C... était âgé de plus de 18 ans à la date du dépôt de sa demande de visa.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le père de M. A... C... a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire le 2 février 2018. A la suite de cette décision, M. C..., né le 11 septembre 2000, a sollicité pour la première fois la délivrance d'un visa au titre de la réunification familiale le 25 septembre 2019, alors qu'il était âgé de 19 ans et 14 jours. A la suite du refus consulaire qui lui a été opposé, M. C... a déposé une seconde demande de visa le 1er août 2021, alors qu'il était âgé de 20 ans. Par ailleurs, les deux frères de M. C..., dont il n'est pas contesté qu'il a toujours vécu avec eux, ont été autorisés à rejoindre leur père en France. En outre, alors que M. C... fait valoir qu'il a fait l'objet, avec ses frères, de violences familiales, le récit des conditions de vie rencontrées par la fratrie a conduit à la reconnaissance de la protection subsidiaire au bénéfice du jeune frère de M. C.... Dans ces conditions particulières, la décision contestée a pour effet d'isoler brusquement M. C..., jeune majeur à la date de la demande de visa, de ses frères, dans un contexte de violences familiales et de son père qui, du fait de la protection subsidiaire accordée, ne peut se rendre en République démocratique du Congo où l'intéressé réside. Par suite, la décision de la commission de recours porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur de visa et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête ni sur la demande de substitution de motifs demandée par le ministre, que M. A... C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande en tant qu'elles concernent le refus de visa de long séjour qui lui a été opposé.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. A... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour M. A... C... est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... C... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 2214611 du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFETLe greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03074
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : MUKENDI NDONKI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23nt03074 ?
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