Vu la procédure suivante :
Par un arrêt du 23 février 2024, la cour a annulé, à la demande de Mme J... B... et de M. D... F... A..., le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle a rejeté le recours formé contre la décision du 13 décembre 2019 de l'autorité consulaire française à Ndjamena (Tchad) refusant de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à M. L... F..., à M. S..., à Mme R... F... ainsi qu'aux jeunes I... D... F... et O... F.... Par ce même arrêt, la cour a sursis à statuer sur leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission en tant qu'elle a rejeté le recours formé contre les refus de visas opposés aux jeunes C... et N... F... et a ordonné avant dire droit une expertise en vue de procéder à un examen comparatif entre les empreintes génétiques de Mme B... et celles des jeunes M... F... et N... F....
Le rapport de l'expert a été enregistré au greffe de la cour le 23 septembre 2024 et communiqué aux parties pour observations le 26 septembre 2024.
Par une ordonnance du 11 octobre 2024, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 056 euros toutes taxes comprises.
Par un mémoire enregistré, le 27 septembre 2024, Mme B... et M. F... A..., représentés par la SCP Couderc-Zouine, concluent aux mêmes fins que leur requête.
Ils soutiennent que les liens de filiation unissant les enfants C... et E... D... F... et Mme B... sont établis par le rapport d'expertise qui conclut qu'il existe une probabilité de plus de 99 % que cette dernière soit la mère des deux enfants.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
13 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision implicite née le 21 décembre 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme J... B... et M. D... F... A... contre la décision du 13 décembre 2019 des autorités consulaires françaises à Ndjamena (Tchad) refusant de délivrer à M. Q... A..., époux de Mme B..., ainsi qu'à leurs enfants A..., H..., G..., C..., I..., E... et P... F..., des visas d'entrée et de long séjour en qualité de membres de famille d'une bénéficiaire de la protection subsidiaire. Par un jugement du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B... et autres, la décision implicite de la commission en tant qu'elle a rejeté le recours formé contre le refus de visa opposé à M. Q... A..., époux de Mme B..., a enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour dans un délai de deux mois, à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande dirigées contre les refus de visas opposés aux enfants du couple.
2. Par un arrêt du 23 février 2024, la cour a annulé, à la demande de Mme B... et autres, le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission en ce qu'elle a rejeté le recours formé contre les refus de visa opposés à M. A... D... F..., à M. H... D... F..., à Mme G... D... F... ainsi qu'aux jeunes I... et T... D... F.... Par ce même arrêt, la cour a sursis à statuer sur leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission en tant qu'elle a rejeté le recours formé contre les refus de visas opposés aux jeunes C... et E... D... F... et a ordonné avant dire droit une expertise en vue de procéder à un examen comparatif entre les empreintes génétiques de ces dernières et celles de Mme B....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les refus de visa opposés aux jeunes C... et N... F... :
3. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".
4. Aux termes de l'article L.111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise, qu'au regard de leurs profils génétiques, la probabilité de maternité de Mme B... à l'égard des enfants C... et E... D... F... est supérieure à 99 %. Dès lors, en rejetant le recours formé contre les refus de visa opposés à ces enfants au motif que les liens de filiation n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission en tant qu'elle a rejeté les recours formés contre les refus de visas opposés aux jeunes M... F... et N... F....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés aux jeunes C... et N... F.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les dépens :
8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'État peut être condamné aux dépens. ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État les frais de l'expertise ordonnée par la cour, taxés et liquidés à la somme de 1 056 euros, toutes taxes comprises.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme B... et autres tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle a rejeté le recours formé contre la décision du 13 décembre 2019 de l'autorité consulaire française à Ndjamena (Tchad) refusant de délivrer des visas aux jeunes C... et E... D... F....
Article 2 : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée dans cette mesure.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes M... F... et N... F... des visas d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 056 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... B..., à M. Q... A..., à M. L... F..., à M. S... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, à l'Institut Génétique de Nantes.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. K...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01854