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03/12/2024 | FRANCE | N°24NT00254

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 03 décembre 2024, 24NT00254


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 novembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation et la décision du 13 février 2020 portant rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n°2004599 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le

1er février 2024, M. A..., représenté par

Me Besse, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 novembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation et la décision du 13 février 2020 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n°2004599 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2024, M. A..., représenté par

Me Besse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 25 novembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation et la décision du 13 février 2020 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en lige méconnait les dispositions de l'article 21-24 du code civil et l'article 48 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 :

* il est parfaitement assimilé à la société française, il réside en France depuis 16 ans auprès de sa famille, dont la plupart des membres est de nationalité française, il maîtrise parfaitement la langue française, connaît la culture française et sa conduite a toujours été irréprochable ;

* son emploi de chauffeur à l'ambassade de la République du Niger en France ne peut à lui seul être considéré comme un défaut d'assimilation ou un lien d'allégeance trop fort à son pays d'origine, sans qu'il ne soit tenu compte de l'ensemble de sa situation personnelle et familiale ;

* les conventions internationales ne font pas obstacle à ce qu'un ressortissant français travaille au sein d'une ambassade ;

* son emploi a un caractère administratif et technique, et non diplomatique ;

* son contrat de travail n'est pas un contrat de droit nigérien ou d'expatrié, il est soumis au droit du travail français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérien, a sollicité l'acquisition de la nationalité française par naturalisation. Par une décision du 25 novembre 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande. Il a également rejeté le recours gracieux formé par l'intéressé contre ce refus par une décision du 13 février 2020. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces décisions. Il relève appel du jugement du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, ainsi que les renseignements de tous ordres recueillis sur son loyalisme.

3. La seule circonstance qu'un postulant à la nationalité française ait conservé des liens, même importants, avec son pays d'origine, ne permet pas, en elle-même, d'en déduire un défaut de loyalisme propre à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, le rejet d'une demande de naturalisation. Un tel défaut de loyalisme, pouvant justifier un tel rejet sans une telle erreur, peut en revanche résulter de la nature des liens conservés avec le pays d'origine, notamment lorsque sont en cause des liens particuliers entretenus par le postulant avec un Etat ou des autorités publiques étrangères, dont des représentations diplomatiques ou consulaires en France du pays d'origine.

4. En l'espèce, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. A..., le ministre s'est fondé sur la circonstance qu'il occupe un emploi au sein de l'ambassade du Niger en France et que cet emploi sous-tend un lien particulier avec ce pays incompatible avec l'allégeance française.

5. Toutefois, M. A... fait valoir qu'il est parfaitement assimilé à la société française, qu'il réside en France depuis 16 ans auprès de sa famille, dont la plupart des membres est de nationalité française, qu'il maîtrise parfaitement la langue française et connaît la culture française. Il ajoute que son emploi de chauffeur à l'ambassade de la République du Niger en France ne peut à lui seul être considéré comme un défaut d'assimilation ou un lien d'allégeance trop fort à son pays d'origine, sans qu'il ne soit tenu compte de l'ensemble de sa situation personnelle et familiale. Les relations éventuellement entretenues par l'intéressé avec des membres de l'ambassade de la République du Niger en France, notamment dans le cadre de ses fonctions de chauffeur, ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à créer un doute sur son loyalisme envers la France, compte tenu notamment de la nature de ces liens. La seule circonstance que les revenus de l'intéressé proviennent de l'Etat nigérien, alors même qu'ils seraient imposés en France, n'est pas davantage de nature à créer un doute sur le loyalisme de M. A... envers la France. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande de naturalisation, le ministre a entaché ses décisions du 25 novembre 2019 et du 13 février 2020 d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°2004599 du 28 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 25 novembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de naturalisation de M. A... et la décision du 13 février 2020 portant rejet de son recours gracieux sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24NT00254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00254
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : BESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;24nt00254 ?
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