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03/12/2024 | FRANCE | N°23NT03592

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 03 décembre 2024, 23NT03592


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... F... épouse C... et Mme G... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 26 avril 2022 des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à Mme E... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.



Par un jugement n° 2212104 d

u 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.



Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... épouse C... et Mme G... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 26 avril 2022 des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à Mme E... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2212104 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 décembre 2023 et 28 mai 2024, Mme F... épouse C... et Mme E..., représentées par Me Mathis, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à Mme F... épouse C... de la somme de 1 200 euros TTC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir fait droit à leur demande de report de clôture et d'avoir communiqué leurs dernières productions ;

- la décision méconnait les dispositions des articles L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil au regard des documents d'état-civil produits ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leur situation familiale ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

La demande d'aide juridictionnelle de Mme F... épouse C... a été rejetée par une décision du 18 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- et les observations de Me Rodrigues Devesas, substituant Me Mathis, représentant Mme B... F... épouse C... et Mme G... E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... épouse C..., ressortissante camerounaise née le 2 janvier 1983, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 22 septembre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. Les autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) ont refusé, par une décision du 26 avril 2022, de délivrer le visa de long séjour sollicité en qualité de membre de famille d'une bénéficiaire de la protection subsidiaire pour Mme G... E..., née le 20 septembre 2004, qu'elle présente comme sa fille. Par une décision implicite née le 16 juillet 2022, puis par une décision explicite en date du 28 septembre 2022 qui s'est substituée à la précédente, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 7 juillet 2023, dont Mmes F... épouse C... et E... relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision du 28 septembre 2022 de la commission de recours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser la demande de visa présentée par Mme G... E..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le fait que l'acte de naissance présenté afin d'établir son identité et sa filiation était frauduleux dès lors qu'il avait été établi par une personne qui n'était pas habilitée pour le faire. Le ministre a ajouté en première instance qu'en contradiction avec les déclarations précédentes de Mme G... E... ce même acte de naissance ne mentionne pas le nom du père de l'enfant.

3. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. (...) ". Aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". En outre, aux termes de l'article L. 434-4 de ce code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

4. Par ailleurs, l'article L. 561-5 du même code prévoit que : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ".

5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. Il ressort des pièces du dossier que pour établir l'identité de Mme G... E... il a été produit un acte de naissance, dressé le 12 octobre 2004, par M. A... D..., officier d'état civil, mentionnant ses nom, prénom et sa date de naissance, le 20 septembre 2004, ainsi que le lien de filiation l'unissant à Mme F... née le 2 janvier 1983, ainsi qu'un passeport délivré le 31 mai 2021 par les autorités camerounaises comportant les mêmes éléments. Il ressort notamment des pièces produites par le ministre de l'intérieur que cet acte de naissance présentait un caractère irrégulier, dès lors que son signataire n'avait pas encore été habilité par les autorités camerounaises, le 12 octobre 2004, à établir de tels actes. Toutefois, pour la première fois en appel, Mmes E... et F... épouse C... ont produit un jugement du 31 mai 2023 du tribunal de 1ère instance de Yaoundé Ekounou portant reconstitution de l'acte de naissance de Mme E..., sollicité pour les motifs précités, et comportant des mentions identiques à celles figurant sur l'acte de naissance dressé le 12 octobre 2004. Il a également été produit l'acte de naissance camerounais établi le 23 août 2023 en conséquence de ce jugement.

7. Par ailleurs, il résulte de déclarations constantes de Mme F... épouse C... que si son enfant est née le 7 septembre 2004 d'une union coutumière, son conjoint ne désirait pas cette enfant et a changé d'attitude à son égard après sa naissance. Elle expose par ailleurs que celui-ci n'a pas déclaré être le père de cette enfant à l'état-civil camerounais, expliquant ainsi le fait que les actes de naissance de 2004 et de 2023 ne mentionnent pas de filiation paternelle pour l'enfant. Enfin, Mme F... a toujours mentionné l'existence de sa fille, notamment durant l'examen de sa demande de protection internationale et la décision de la Cour nationale du droit d'asile fait mention de cette enfant.

8. En conséquence des deux points précédents, c'est au terme d'une inexacte application des dispositions citées aux points 3 et 4 que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mmes E... et F... épouse C....

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mmes E... et F... épouse C... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 28 septembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Il y a lieu en conséquence d'annuler cette décision et ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme G... E.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer une astreinte.

Sur les frais d'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme F... épouse C... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2212104 du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2023 et la décision du 28 septembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme G... E... un visa d'entrée et de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme F... épouse C... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... épouse C..., à Mme G... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03592
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : MATHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;23nt03592 ?
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