Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du préfet des Bouches-du-Rhône, du 16 septembre 2019, rejetant sa demande de naturalisation.
Par un jugement n°2008040 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2023, Mme B..., représentée par
Me Carmier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 22 juin 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 septembre 2019, rejetant sa demande de naturalisation ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui octroyer la naturalisation sollicitée ou de réexaminer sa demande dans un délai de 8 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision du ministre de l'intérieur du 22 juin 2020 a été prise par une autorité incompétente ;
- le tribunal a commis une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation :
* la précarité de son emploi ne suffit pas à justifier l'instabilité de ses attaches en France, son activité lui permet de disposer de ressources suffisantes et stables ;
* l'insertion effective et continue de l'activité professionnelle, au moment de la demande de naturalisation, doit être prise en compte ;
* l'appréciation doit porter sur l'ensemble de la carrière professionnelle ;
* l'autorité administrative ne peut se fonder sur l'insuffisance des ressources lorsqu'elle résulte directement d'une maladie ou d'un handicap, or à la date de la décision litigieuse, elle était âgée de plus de 60 ans et retraitée pour inaptitude, il ne peut lui être reproché une insuffisance de ressources.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante tunisienne, a sollicité la nationalité française auprès du préfet des Bouches-du-Rhône, qui a, par une décision du 16 septembre 2019, rejeté sa demande aux motifs, d'une part, que l'intéressée n'a pas fixé durablement en France ses intérêts familiaux, dès lors que son conjoint réside à l'étranger, et, d'autre part, que l'intéressée n'a pas pleinement réalisé son insertion professionnelle dès lors qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes et stables. L'intéressée a exercé un recours hiérarchique contre cette décision auprès du ministre de l'intérieur. Par une décision du 22 juin 2020, le ministre de l'intérieur a de nouveau rejeté le recours hiérarchique présenté par Mme B.... Cette décision s'est substituée aux précédentes. Mme B... relève appel du jugement du 1er mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juin 2020 du ministre de l'intérieur.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen invoqué tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait, Mme A... ayant régulièrement reçu délégation de signature par une décision du 30 août 2018 du ministre de l'intérieur régulièrement publiée.
3. En second lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors, le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " En application de l'article 27 de ce même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation. Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". En application de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle du postulant, ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources.
4. Il ressort notamment du mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, que, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par Mme B..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de l'insuffisance des ressources de l'intéressée pour subvenir à ses besoins, seul discuté en appel.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, la requérante bénéficiait de deux contrats de travail à durée indéterminée à temps partiel, respectivement de 50 et 44 heures par mois, en qualité d'auxiliaire de vie. Elle n'a perçu, au titre de ses revenus d'activité, que 3 480 euros en 2015, aucun revenu en 2016, 3 960 euros en 2017 et 3 600 euros en 2018, ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins. Ses revenus propres sont également complétés par des prestations sociales, tirés notamment du revenu de solidarité active. La requérante ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de travailler en produisant une notification d'admission à la retraite pour inaptitude à compter du 1er mai 2022, soit près de deux ans après la décision en litige. Dans ces conditions, il n'est pas établi que sa condition physique aurait fait obstacle à ce qu'elle acquière son autonomie matérielle à la date de la décision en cause. La circonstance tirée de son âge ne saurait la dispenser de disposer de ressources propres pour couvrir ses charges courantes. Par suite, le ministre, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de naturalisation de Mme B..., malgré les efforts d'intégration déployés par l'intéressée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme B... en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT03100