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03/12/2024 | FRANCE | N°23NT02611

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 03 décembre 2024, 23NT02611


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... E..., agissant en son nom personnel et en tant que représentante légale des enfants B... et F... A..., et Mme D... A..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 avril 2022 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à Mme

A... et aux enfants B... et F... A..., un visa d'entrée et de long séjour au titre de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E..., agissant en son nom personnel et en tant que représentante légale des enfants B... et F... A..., et Mme D... A..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 avril 2022 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à Mme A... et aux enfants B... et F... A..., un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2213684 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2023 Mme C... E..., agissant en son nom personnel et en tant que représentante légale des enfants B... et F... A..., et Mme D... A..., représentées par Me Sabatier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2023 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ses enfants bénéficient de plein droit d'un visa au titre de la réunification familiale ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête de Mme E... et Mme A... a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante congolaise née le 12 décembre 1978, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée. Mme D... A..., née le 2 octobre 2004, M. B... A..., né le 2 juin 2009, et Mme F... A..., née le 5 janvier 2012, qu'elle présente comme ses enfants, ont déposé une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo), qui a rejeté cette demande par une décision du 28 avril 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus de deux mois. Mme E... et Mme A... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Elles relèvent appel du jugement du 7 juillet 2023 de ce tribunal rejetant leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté en défense que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa, sur la circonstance que l'autre parent de Mme D... A... et des enfants B... et F... A... n'étant ni décédé, ni déchu de l'exercice de ses droits parentaux ou du droit de garde, l'intérêt supérieur des enfants commande qu'ils restent auprès de l'autre parent dans leur pays d'origine.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Aux termes de l'article L. 434-3 de ce code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande :1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Enfin, aux termes de l'article L. 434-4 dudit code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'enfant, mineur de dix-huit ans, souhaitant rejoindre son parent réfugié sans son autre parent, bénéficie de plein droit de la délivrance d'un visa de long séjour, soit lorsque son autre parent est décédé ou déchu de l'autorité parentale, soit s'il a été confié à son parent réfugié ou au conjoint de ce dernier en exécution d'une décision d'une juridiction étrangère et est muni de l'autorisation de son autre parent. Il résulte en outre de ces dispositions que la réunification doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'une réunification partielle ne peut être autorisée à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie.

6. Il ressort du procès-verbal du conseil de famille du 14 mars 2021, produit pour la première fois en appel, que le père de Mme D... A..., et des enfants B... A... et F... A..., M. G... A... a disparu au cours de l'année 2014 et qu'il est considéré depuis cette date comme étant décédé. Le ministre, qui n'a pas produit de mémoire en défense, ne conteste pas cette disparition du père des enfants demandeurs de visa, malgré les recherches alléguées. Dans ces circonstances, en refusant la délivrance d'un visa au motif de l'absence d'une délégation à Mme E... de l'autorité parentale sur les enfants D..., B... et F... A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... et Mme A... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme D... A... et aux enfants B... et F... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au bénéfice de Mme E... et une somme de 600 euros au bénéfice de Mme A... au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2213684 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Mme D... A... et pour les enfants B... et F... A... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... A... et aux enfants B... A... et F... A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme E... et à Mme A... une somme de 600 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

S. PIERODÉ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02611
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SELARL BS2A BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;23nt02611 ?
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