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29/11/2024 | FRANCE | N°23NT03850

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 29 novembre 2024, 23NT03850


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 juin 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile.



Par un jugement N° 2006861 du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



Par une requête

et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2023 et 2 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Arnal, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 juin 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile.

Par un jugement N° 2006861 du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2023 et 2 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Arnal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité du 24 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision précitée du 22 juin 2020 par laquelle l'OFII lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;

3°) d'enjoindre à l'OFII, à titre principal, de lui octroyer les conditions matérielles d'accueil à compter du 22 juin 2020 et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 7 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII le versement à son conseil de la somme de

1500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée de l'OFII du 22 juin 2020 est insuffisamment motivée ;

- il n'est pas établi qu'un examen de vulnérabilité aurait été conduit par un agent ayant reçu une formation spécifique à cette fin ;

- la décision attaquée de l'OFII méconnaît les dispositions des articles L. 141-3 et L551-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a été informé, en langue arabe, des modalités de fins de suspension des conditions matérielles d'accueil ;

- la décision attaquée de l'OFII méconnaît les dispositions de l'article L. 744-7 du CESEDA, dès lors que la circonstance qu'il n'a pas déclaré avoir déjà obtenu une protection internationale en Italie était sans incidence sur le déroulement de la procédure de demande d'asile en France ;

- l'OFII n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation personnelle, en particulier de sa vulnérabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2024, l'OFII, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par l'appelant sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteur public,

- et les observations de Me Arnal, représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tchadien né le 1er mars 1986, est entré en France le 15 janvier 2020 et a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée le 29 janvier 2020 par le préfet de la Loire-Atlantique. Le 29 mai 2020, il s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile en procédure accélérée au motif qu'il avait dissimulé à la préfecture l'existence d'une protection internationale et d'un titre de séjour obtenus en Italie. Le même jour, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a notifié son intention de suspendre les conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait en qualité de demandeur d'asile. Par courrier du 7 juin 2020, M. B... a présenté ses observations. Par une décision du 22 juin 2020, l'OFII a procédé à cette suspension. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Sa requête a été rejetée par le tribunal par un jugement du 24 mai 2023.

M. B... fait appel de ce jugement devant la cour.

2. En premier lieu, la décision contestée de l'OFII du 22 juin 2020 suspendant les conditions matérielles d'accueil dont bénéficiait M. B... en qualité de demandeur d'asile comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 744-39 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables : " L'offre de prise en charge faite au demandeur d'asile en application de l'article L. 744-1 fait mention de la possibilité pour le demandeur d'asile de se voir refuser, retirer ou suspendre le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile (...). ".

4. Il résulte des mentions figurant sur l'offre de prise en charge du 29 janvier 2020, émise par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et acceptée par M. B... lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, que ce dernier a certifié avoir été informé dans une langue qu'il comprend, via le concours d'un interprète, des conditions de suspension, de retrait et de refus des conditions matérielles d'accueil. Le requérant n'apporte pas d'élément précis de nature à laisser penser que cette information lui aurait été délivrée selon des modalités qui l'auraient privé d'une garantie. Par suite, et alors même que cette offre de prise en charge ne précise pas si l'interprète a apporté son concours à l'intéressé par téléphone ou en présentiel, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " (...) L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, le 29 mai 2020, M. B... a bénéficié d'un entretien en langue arabe, langue qu'il a déclarée comprendre, portant sur l'évaluation de sa vulnérabilité, au cours duquel il a exposé son parcours personnel et familial et a été mis à même de faire valoir tout élément utile sur sa situation. Les initiales de l'agent ayant conduit cet entretien figurent, avec le cachet de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont c'est la principale mission, et la mention " auditeur asile ", sur la fiche d'évaluation de la vulnérabilité de l'intéressé. Si le requérant soutient qu'il n'est pas établi que la personne qui a procédé à cet entretien avait reçu une formation spécifique à cette fin, aucune disposition n'impose que soit portée la mention, sur ce compte-rendu, de l'identité de l'agent qui a conduit l'entretien, lequel, en l'absence d'élément contraire, doit être regardé comme ayant reçu la formation spécifique mentionnée à l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, si M. B... soutient que le compte-rendu d'entretien ne comporte ni le nom ni les coordonnées de l'interprète qui lui a apporté son concours, il indique toutefois que ledit interprète a été mis à disposition par l'organisme d'interprétariat Aft.com, ce qui était suffisant. Le requérant n'apporte pas d'élément précis de nature à laisser penser que l'entretien se serait tenu selon des modalités qui n'aurait pas permis d'évaluer sérieusement sa vulnérabilité ou l'aurait privé d'une garantie. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière et que l'OFII n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M B... ne peuvent qu'être écartés.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, applicable au litige : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévues à l'article L. 744-1 est subordonné : / (...) 2° Au respect des exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes ". En vertu de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Outre les cas, mentionnés à l'article L. 744-7, dans lesquels il est immédiatement mis fin de plein droit au bénéfice des conditions matérielles d'accueil, le bénéfice de celles-ci peut être : 1° Retiré si le demandeur d'asile a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ; 2° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions, telles qu'éclairées par la décision du Conseil d'État n° 428530-428564 du 31 juillet 2019, que l'Office français de l'immigration et de l'intégration peut, par une décision motivée, après examen de la situation particulière du demandeur intéressé et après l'avoir mis en mesure de présenter ses observations, suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsque le demandeur n'a pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment de se rendre aux entretiens, de se présenter aux autorités et de fournir les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes.

9. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu d'entretien individuel du 29 janvier 2020 conduit par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique lors de sa demande d'asile, que M. B... a déclaré n'avoir jamais demandé l'asile dans un pays de l'Union Européenne et ne posséder aucun document de séjour. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, les autorités italiennes ont toutefois informé les autorités françaises que l'intéressé bénéficiait en réalité de la protection subsidiaire en Italie et d'un titre de séjour valable jusqu'au 27 février 2020. Contrairement à ce que soutient M. B..., de telles informations, qu'il a volontairement dissimulées, n'étaient pas sans incidence sur l'issue de sa demande d'asile, dès lors qu'elles étaient utiles à la détermination du pays responsable de cette dernière. Dans ces conditions, et alors que le requérant n'établit pas s'être trouvé dans une situation de particulière vulnérabilité à la date de la décision contestée, c'est sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation que l'OFII a suspendu, par la décision du 22 juin 2020, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil de l'intéressé en estimant qu'il n'avait pas répondu aux exigences des autorités chargées de l'asile en application du 2° de l'article L. 744-7 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris en ce qu'elle comporte des conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et des conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03850
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-29;23nt03850 ?
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