Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 juillet 2022 par laquelle le maire de Paimpol lui a refusé l'autorisation d'installer un stand de ventes de ballons lors de la fête des Vieux Gréements organisée à Paimpol les 12, 13 et 14 août 2022.
Par un jugement n° 2203871 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision du 22 juillet 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin 2023 et 21 février 2024, la commune de Paimpol, représentée par Mes Gouvernec et Plunier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 avril 2023 ;
2°) de rejeter la requête présentée par M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus en litige du 22 juillet 2022 est fondée sur le motif tiré de la protection de l'environnement, qui est légal ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à demander une substitution de motifs ; la décision de refus en litige peut être fondée sur le motif tiré de l'incompatibilité de l'occupation envisagée avec l'affectation des lieux et la bonne gestion du domaine public ; la décision de refus en litige peut être fondée sur le motif tiré de de la sauvegarde de l'ordre public, la présence du stand pouvant constituer un danger pour le public dans une zone déjà particulièrement déséquilibrée entre l'afflux touristique et l'espace disponible ;
- M. A... ne saurait se prévaloir d'une autorisation antérieure pour obtenir automatiquement une nouvelle autorisation compte-tenu du caractère précaire de telles autorisations et d'absence de droit acquis ; l'autorisation dont il se prévaut concernait une manifestation différente.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Baron, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Paimpol en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par la commune sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteur public,
- et les observations de Me Plunier, représentant la commune de Paimpol.
Considérant ce qui suit :
1. Le 25 mars 2022, M. A... a sollicité des services de la commune de Paimpol l'autorisation d'installer un stand de vente de ballons gonflés à l'hélium à l'occasion de la fête des Vieux Gréements se déroulant les 12, 13 et 14 août 2022. Par une décision du
22 juillet 2022, le maire de Paimpol lui a refusé cette autorisation. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette décision et par un jugement du 18 avril 2023, le tribunal a fait droit à sa requête. La commune de Paimpol demande à la cour d'annuler ce jugement du 18 avril 2023.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par les parties, a indiqué avec précision les motifs de droit et de fait qui l'ont conduit à censurer la décision contestée du 22 juillet 2022 pour erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le risque de pollution environnementale invoqué par la commune de Paimpol n'était pas, selon lui, suffisamment établi. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier car insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique, sur les rivières, ports et quais fluviaux et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation, la navigation et la liberté du commerce (...) ". L'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation de ce domaine.
5. Pour refuser l'autorisation d'occupation domaniale en litige, la commune de Paimpol a opposé, aux termes de sa décision du 22 juillet 2022, la circonstance que l'exploitation du stand de ballons à l'hélium de M. A... lors de la fête des Vieux Gréements se déroulant les 12, 13 et 14 août 2022 risquait d'engendrer des déchets supplémentaires, en particulier une pollution de l'environnement résultant de lâchers de ballons accidentels dont les débris risqueraient ainsi d'être ingérés par des oiseaux marins, dont certains, dans le secteur de Paimpol, sont classés en espèce protégée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que
M. A... commercialise ses ballons en se déplaçant avec ces derniers suspendus au bout d'une perche ou à l'aide d'un stand de faible dimension qui occupe une surface d'environ 1 m². Ainsi, en dépit de la forte affluence touristique lors de cette manifestation, le volume des ballons commercialisés par M. A..., qui dispose au demeurant d'un dispositif de lestage de nature à limiter leur envol intempestif, est nécessairement modeste, tout comme, par voie de conséquence, le risque de pollution invoqué par la commune, lequel n'est d'ailleurs pas directement imputable à l'activité de l'intéressé mais à une mauvaise utilisation du produit par ses clients. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rennes a jugé que la commune de Paimpol avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant l'autorisation litigieuse pour ce motif.
6. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. La commune de Paimpol fait valoir, pour la première fois en appel, qu'il y a lieu de substituer au motif tiré du risque de pollution de l'environnement ceux tirés de l'incompatibilité de l'occupation envisagée avec l'affectation des quais de la Fête des Vieux gréements et de l'atteinte à la sécurité publique.
8. Toutefois, contrairement à ce qu'elle soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier que les commerçants ambulants auraient été exclus du périmètre de la fête, l'arrêté du maire de la commune de Paimpol du 19 juillet 2022 réglementant cette manifestation prévoyant seulement que leur activité était soumise à autorisation. En outre, compte tenu des conditions d'exploitation de l'activité de M. A..., qui se déplace avec les ballons suspendus au bout d'une perche ou utilise un stand de faible dimension monté sur des roues et donc facilement transportable, la commune n'établit pas que cette activité présenterait un obstacle à la circulation des personnes et un risque d'attroupement qui serait contraire à la sécurité de la manifestation. À ce titre, il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que la commission consultative départementale de sécurité n'a pas émis de réserves ou de prescriptions relatives aux activités ambulantes lors de la fête et que certaines d'entre elles ont d'ailleurs été autorisées. Il suit de là que la demande de substitution de motifs sollicitée par la commune ne peut être accueillie.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Paimpol n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision en litige du 22 juillet 2022.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Paimpol, qui est la partie perdante. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Paimpol est rejetée.
Article 2 : La commune de Paimpol versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Paimpol et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01780