Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Airflux, venant aux droits de la société Airflux Energies, a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er avril 2014 au 31 août 2017.
Par un jugement n° 2003218 du 19 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 mars et 11 septembre 2024, la SAS Airflux, représentée par Me Decaudin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'est pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que les prestations réalisées ne se rattachent pas à un immeuble au sens du 2° de l'article 259 A du code général des impôts ;
- elle entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes n° 150 et 160 de l'instruction administrative publiée le 16 décembre 2014 sous la référence BOI-TVA-CHAMP-20-50-30.
Par des mémoires en défense enregistrés les 25 juillet et 2 octobre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Airflux ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement d'exécution (UE) n° 1042/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 modifiant le règlement d'exécution (UE) n° 282/2011 en ce qui concerne le lieu de prestation des services ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Airflux Energies, anciennement société à responsabilité limitée Echo Climatique, avait pour activité les travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation et la mise en œuvre de solutions de gestion de la production de fluides industriels. Elle a été dissoute le 28 décembre 2017 par voie de transmission universelle de patrimoine de la société à son associé unique de la société par actions simplifiée (SAS) Airflux, laquelle vient aux droits de la société Airflux Energies. La SAS Airflux Energies a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er avril 2013 au 31 décembre 2016 avec une extension en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 août 2017. Par une proposition de rectification du 18 décembre 2017, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge concernant la période du 1er avril 2013 au 31 août 2017. La SAS Airflux a formé deux réclamations en date du 21 janvier 2019 et 21 octobre 2019 qui ont été rejetées. La SAS Airflux relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 janvier 2024 rejetant sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
Sur la charge de la preuve :
2. Aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification (...) le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, par ses observations en date du 15 janvier 2018, la SAS Airflux, venant aux droits de la société Airflux Energies, a donné son accord au redressement relatif à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de service réalisées pour le compte de la société Ingersoll Rand International Ltd, de droit irlandais, contenu dans la proposition de rectification du 18 décembre 2017. Par suite, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du code général des impôts, elle supporte la charge de la preuve d'établir le caractère exagéré des impositions.
Sur l'application de la loi fiscale :
4. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France :1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France :a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle. " Aux termes de l'article 259 A du même code : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : (...) 2° Les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France, y compris les prestations d'experts et d'agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire tels que des camps de vacances ou des sites aménagés pour camper, l'octroi de droits d'utilisation d'un bien immeuble et les prestations tendant à préparer ou à coordonner l'exécution de travaux immobiliers, telles que celles fournies par les architectes et les entreprises qui surveillent l'exécution des travaux ". Ces dispositions ont opéré la transposition en droit interne des règles de territorialité figurant, respectivement, aux paragraphes 1 et 2 sous a) de l'article 9 de la directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, reprises à l'article 45 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne que relèvent des prestations de service se rattachant à un bien immeuble au sens de ces prévisions celles qui présentent un lien suffisamment direct avec un bien immeuble.
5. D'autre part, aux termes de l'article 13 ter du règlement d'exécution (UE) n° 1042/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 modifiant le règlement d'exécution (UE) n° 282/2011 en ce qui concerne le lieu de prestation des services de l'Union européenne n° 1042/2013 et entré en vigueur au 1er janvier 2017 : " Pour l'application de la directive 2006/112/CE, est considéré comme " bien immeuble " : / a) toute partie déterminée de la terre, située à ou sous sa surface, à laquelle peuvent être attachés des droits de propriété et de possession ; / b) tout immeuble ou toute construction fixé(e) au sol ou dans le sol au-dessus ou au-dessous du niveau de la mer, qui ne peut être aisément démonté(e) ou déplacé(e) ; (...) d) tout élément, matériel ou machine, installé à demeure dans un immeuble ou une construction qui ne peut être déplacé sans destruction ou modification de l'immeuble ou de la construction ". Aux termes de l'article 31 bis du même règlement : " Les services se rattachant à un bien immeuble, au sens de l'article 47 de la directive 2006/112/CE, ne comprennent que les services présentant un lien suffisamment direct avec le bien concerné. Les services sont considérés comme ayant un lien suffisamment direct avec un bien immeuble dans les cas suivants : (...) / b) lorsqu'ils sont fournis ou destinés à un bien immeuble et ont pour objet de modifier le statut juridique ou les caractéristiques physiques dudit bien. / 2. Le paragraphe 1 couvre notamment : (...) / d) la construction de structures permanentes sur un terrain, ainsi que les travaux de construction et de démolition exécutés sur des structures permanentes telles que les réseaux de canalisations pour le gaz et l'eau, les égouts et les structures similaires (...) ".
6. La société Airflux Energies avait pour activité les travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation et la mise en œuvre de solutions de gestion de la production de fluides industriel. Lors de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'administration a constaté que la société avait réalisé pendant la période vérifiée des prestations d'installation et de maintenance sur des compresseurs, lesquels sont livrés et facturés par la société Ingersoll Rand International Ltd, société ayant son siège social en Irlande. Le service a toutefois considéré que les prestations facturées par la société Airflux Energies à la société Ingersoll Rand International Ltd étaient réalisées en France, au sens des dispositions du 2° de l'article 259 A du code général des impôts, et qu'elles devaient en conséquence y être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elles se rattachent à un bien immeuble. Pour l'établir, le service fait valoir que l'analyse des bons de commande, devis et factures opérée par le vérificateur a mis en évidence que les prestations en cause consistaient en l'installation de stations de compression et de modules de récupération d'énergie dans des sites exploités en France. Il relève également que l'installation d'un réseau d'air comprimé, source d'énergie, y compris l'installation des compresseurs ainsi que des modules de récupération d'énergie relève de travaux de nature immobilière, tout comme l'installation d'un réseau de chauffage central auquel est adjoint une chaudière ou une pompe à chaleur dès lors qu'elles font partie intégrante d'un immeuble ou d'une construction sans lequel l'immeuble ou la construction serait incomplet. De même, l'installation de containers pour la réalisation des prestations relève de la même catégorie en ce qu'ils ne sont ni aisément démontables ni aisément déplaçables. Enfin, le service fait valoir que les prestations en cause couvrent également la construction d'une nouvelle station de compression sur le site de Beynes (Yvelines) pour lesquelles l'importance des prestations réalisées et facturées, la durée du chantier s'étalant sur une année, la description de la commande de même que la description du projet figurant sur le site internet de GRTgaz et produite au dossier permettent d'établir qu'elles se rattachent à un bien immobilier.
7. Pour contester la nature de travaux immobiliers, la société requérante procède par simples allégations et se borne à produire un tableau récapitulatif des factures relatives aux travaux réalisés, quelques factures de prestations, ainsi que des photographies de compresseurs qui ne permettent pas, sans justifications complémentaires dont elle seule disposerait, de considérer qu'ils ne présenteraient pas un caractère immobilier. De même, la société requérante ne conteste pas sérieusement que se rattachaient à un bien immeuble les prestations réalisées au titre de la station de compression sur le site de Beynes en se bornant à produire des photographies d'un container. Dans ces conditions, la société Airflux qui ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle n'est pas titulaire d'une garantie décennale sur les prestations réalisées, n'apporte pas plus en appel qu'en première instance la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases de son imposition. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que les prestations réalisées par la société requérante pour le compte de la société Ingersoll Rand International Ltd entraient dans le champ des dispositions du 2° de l'article 259 A du code général des impôts.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Les énonciations des paragraphes n° 150 et 160 de l'instruction administrative sous la référence BOI-TVA-CHAMP-20-50-30 dans leur version applicable au litige ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application, de sorte que l'appelante n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Airflux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Airflux est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Airflux et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
J.-E. GEFFRAY La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00814