Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2023 de la préfète de la Mayenne portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2318074 du 22 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Cabioch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois suivant la même notification et de lui délivrer dans l'attente et dans un délai de sept jours suivant la même notification une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L .761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et méconnaît le droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il doit bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 5° de l'article L 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 29 décembre 1968 modifié ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2024, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle de M A... a été déclarée caduque par décision du 16 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 29 décembre 1968 modifié ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 9 mars 1999, qui a déclaré être entré en France en 2016, a fait l'objet d'un arrêté d'obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour, pris par le préfet d'Indre-et-Loire le 7 novembre 2019. Le 22 juillet 2022, le même préfet a édicté à son encontre, sous l'identité de Jalil Bilili, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français. Puis, par un arrêté du 28 novembre 2023, la préfète de la Mayenne a pris à l'encontre de M. A... un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans délai de départ volontaire, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours de M. A... contre ce dernier arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. A... soutient qu'ayant été incarcéré à la suite de la violation de l'interdiction d'entrer en contact avec la mère de son enfant dont il fait l'objet, il n'a pu fournir de pièces complémentaires à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour. Cependant, alors qu'à la date l'arrêté contesté, M. A... n'avait pas complété sa demande déposée le 17 août 2023, en dépit de deux demandes de production de pièces en date des 13 et 20 septembre 2023 qui lui ont été adressées, lesquelles ont fixé à chaque fois un délai de quinze jours pour compléter sa demande, il n'établit par aucune pièce avoir été dans l'incapacité de la faire du fait de son incarcération de pouvoir satisfaire aux demandes adressées par la préfecture. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. A... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux est en France. Il souligne la présence de son enfant de nationalité française né en septembre 2020, celle en France des enfants de son ancienne compagne avec lesquels il entretient des relations et de deux frères et son insertion professionnelle en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que c'est sous l'identité de Jalil Bilili qu'il a été condamné le 12 novembre 2019 puis le 27 novembre 2019 par le tribunal correctionnel de Tours à des peines d'emprisonnement de huit mois pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un entrepôt aggravé par une autre circonstance et de trois mois d'emprisonnement pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un entrepôt. Par un jugement du 29 octobre 2020, M. A... a été condamné par le tribunal correctionnel de Tours à une peine de travaux d'intérêt général pour des faits de recel de biens provenant d'un vol puis il a été condamné le 25 juin 2021 à une peine de deux ans d'emprisonnement dont une année assortie d'un sursis probatoire de trois ans pour des faits de violences habituelles n'ayant pas entraîné d'incapacité supérieure à huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Enfin, il a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Nantes du 2 novembre 2022 à une peine de neuf mois d'emprisonnement pour des faits de violences habituelles n'ayant pas entraîné d'incapacité, commis en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Alors que M. A... a été condamné à trois reprises pour vol puis à deux reprises pour des violences habituelles, son comportement depuis son entrée en France en 2016 constitue une menace à l'ordre public. Si le requérant justifie l'existence de relations avec son enfant né en septembre 2020 ainsi qu'avec les enfants de son ancienne compagne, de telles relations ne sont pas de nature à établir l'existence d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale compte tenu de la menace à l'ordre public qui résulte des faits pour lesquels il a été condamné et de ce qu'il ne justifie pas de l'existence de relations avec ses frères ou d'une insertion sociale et professionnelle suffisamment établie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté.
5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 372 du code civil : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. / Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". Et aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ". Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou un accord international prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement. En outre, les stipulations de l'accord franco-algérien précitées ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
6. Eu égard à la menace à l'ordre public que représente M A... ainsi qu'il a été dit au point 4, la préfète de la Mayenne a pu, sans méconnaitre les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, prendre à son encontre la décision portant obligation de quitter le territoire français. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui ne produit qu'une facture d'achat au profit de son enfant, au demeurant postérieurement à l'édiction de cette décision, aurait contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis au moins deux ans. Dès lors, les moyens de la méconnaissance des stipulations du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Mayenne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. A....
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
8. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne la nationalité algérienne du requérant et l'Algérie comme pays de son renvoi. Dès lors, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée du fait de l'absence de la mention relative à l'Algérie.
9. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas annulée, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
J.E. GEFFRAY
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0015302