Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Saïd Hussein G..., Mme H... G..., M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein, Mme B... Saïd Hussein, M. Abdisalam Saïd Hussein et M. Abdirizak Saïd Hussein ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 août 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision de l'ambassade de France à Djibouti refusant de délivrer à Mme H... G..., à M. C... Saïd Hussein, à Mme F... Saïd Hussein, à Mme B... Saïd Hussein, à M. Abdisalam Saïd Hussein et à M. Abdirizak Saïd Hussein des visas de long séjour au titre de la réunification familiale, a, à son tour, refusé de délivrer les visas sollicités.
Par un jugement n°2213913 du 31 août 2023 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 août 2022, en tant qu'elle concerne Mme H... E..., M. Abdisalam Saïd Hussen et M. Abdirizak Saïd Hussein, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer à Mme H... E..., M. Abdisalam Saïd Hussen et M. Abdirizak Saïd Hussein les visas de long séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 janvier et le 26 février 2024, les requérants, représentés par Me Régent, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 août 2022 refusant de délivrer à M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein et Mme B... Saïd Hussein des visas de long séjour au titre de la réunification familiale ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 août 2022 refusant de délivrer à M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein et Mme B... Saïd Hussein des visas de long séjour au titre de la réunification familiale ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de leur délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur demande ;
4°) de condamner l'État à verser à Me Régent la somme de 1 500 euros, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au titre des frais engagés pour l'instance par application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision en litige méconnait les dispositions de l'article L.561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'une erreur d'appréciation :
* il est établi que B..., F... et C... Saïd Hussein avaient déposé une première demande de visa le 26 octobre 2011, soit avant leur 19 ans ;
* dès l'obtention de son statut, M. Saïd Hussein G... avait fait part de sa volonté de pouvoir être rejoint par sa femme et leurs enfants, alors qu'ils étaient encore tous mineurs ;
* si deux séries de demandes de visa ont été déposées par les enfants B..., F... et C..., il ne saurait leur être opposé la manifestation de volonté de bénéficier de la réunification familiale, s'agissant de la seule seconde demande de visa ;
* le principe de réalité justifie que soit prise en considération la manifestation de volonté de bénéficier de la réunification familiale qui peut prendre différentes formes.
- la décision contestée porte atteinte à leur vie privée et familiale tel que garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. C... Saïd Hussein a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et son décret d'application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- et les observations de Me Régent, représentant les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. M. Saïd Hussein G..., ressortissant somalien, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 13 septembre 2010. Des demandes de visa de long séjour au titre de la réunification familiale ont été déposées auprès de l'ambassade de France à Djibouti au profit de son épouse alléguée, Mme H... G..., et de leurs enfants déclarés, M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein, Mme B... Saïd Hussein, M. Abdisalam Saïd Hussein et M. Abdirizak Saïd Hussein. L'autorité consulaire a rejeté ces demandes. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre ce refus consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, à son tour, refusé de délivrer les visas sollicités par une décision du 4 août 2022.Les requérants ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Par un jugement du 23 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 août 2022, en tant qu'elle concerne Mme H... E..., M. Abdisalam Saïd Hussen et M. Abdirizak Saïd Hussein, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer à Mme H... E..., M. Abdisalam Saïd Hussen et M. Abdirizak Saïd Hussein les visas de long séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Les requérants relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein et Mme B... Saïd Hussein des visas de long séjour au titre de la réunification familiale.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire (...) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ". Aux termes de l'article L. 561-5 du même code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais (...) ". Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire mentionnée à l'article L. 561-5. Elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident ces personnes ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'âge de l'enfant pour lequel il est demandé qu'il puisse rejoindre son parent réfugié sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être apprécié à la date de la demande de réunification familiale, c'est-à-dire à la date de la toute première démarche tendant à obtenir un visa à cette fin, sans qu'aucune condition de délai ne puisse être opposée. La circonstance que cette demande de visa ne peut être regardée comme effective qu'après son enregistrement par l'autorité consulaire, qui peut intervenir à une date postérieure, est sans incidence à cet égard. Par ailleurs, lorsqu'une nouvelle demande de visa est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge de l'enfant, de tenir compte de cette demande, et non de la première demande.
4. Il ressort des pièces du dossier que les demandes de visas de la famille Saïd Hussein ont été déposées auprès de l'ambassade de France à Djibouti le 18 novembre 2020, ainsi que l'établissent les quittances de frais de visas produites. Dès lors qu'ils ont déposé leurs demandes de visas le 18 novembre 2020, M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein et Mme B... Saïd Hussein étaient alors âgés respectivement de 19 ans et 8 mois, 20 ans et demi et plus de 26 ans. Ils ne pouvaient donc pas bénéficier de la procédure de réunification familiale au titre des dispositions précitées. En outre, il ressort des propres déclarations des requérants que la demande de visa enregistrée le 26 octobre 2011 au nom de B..., F... et C... Saïd Hussein a fait l'objet d'un rejet définitif en 2013. La circonstance que, dès l'obtention de son statut, M. Saïd Hussein G... ait fait part de sa volonté de pouvoir être rejoint par sa femme et leurs enfants, alors qu'ils étaient encore tous mineurs, est sans incidence à cet égard.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Les justificatifs de transferts d'argent produits, dont les plus anciens ne remontent qu'au mois de novembre 2020, les photographies et les preuves non datées d'échanges vidéo, ne sont pas de nature à démontrer l'intensité et la continuité des liens affectifs unissant les demandeurs de visa à leur père, lequel a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire il y a plus de dix ans. Par ailleurs, eu égard à leur âge à la date de la décision attaquée, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir qu'ils auraient vocation à vivre auprès du reste de leur fratrie. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que la décision de commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 août 2022 refusant de délivrer à M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein et Mme B... Saïd Hussein des visas de long séjour au titre de la réunification familiale. Leur requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Saïd Hussein G..., Mme H... G..., M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein, Mme B... Saïd Hussein, M. Abdisalam Saïd Hussein et de M. Abdirizak Saïd Hussein est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Saïd Hussein G..., Mme H... G..., M. C... Saïd Hussein, Mme F... Saïd Hussein, Mme B... Saïd Hussein, M. Abdisalam Saïd Hussein, M. Abdirizak Saïd Hussein et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Pons, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
C. VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT00082