Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... B... et Mme E... F... épouse A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant C... F....
Par un jugement n° 2206186 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de faire procéder au réexamen de la demande de C... F... par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne pouvait qu'être écarté ; la décision implicite n'est pas motivée par référence à la décision consulaire et les intéressés n'ont pas sollicité la communication de ses motifs ;
- pour les autres motifs exposés en première instance, la demande sera rejetée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2023, M. D... et Mme E... A... B..., représentés par Me Evrard, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au ministre de faire procéder au réexamen de la demande par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France dans un délai de deux mois.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A... B... et Mme E... A... F... épouse A... B..., ressortissants français, ont demandé à l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) la délivrance d'un visa de long séjour au profit de la jeune C... F..., ressortissante marocaine née le 7 juin 2007, qui leur a été confiée par acte de kafala homologué par le tribunal de première instance de Meknès le 13 décembre 2021. L'autorité consulaire française a rejeté cette demande. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie par M. et Mme A... B... d'un recours contre la décision de l'autorité consulaire française, a rejeté leur recours, enregistré le 28 février 2022. Par un jugement du 7 novembre 2022, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire procéder au réexamen de la demande de visa par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
3. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. Le sous-directeur des visas, au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, est chargé d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de court séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". L'article D. 312-8-1 du même code, applicable, en vertu de l'article 3 du même décret, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours. ".
4. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.
5. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.
6. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception, daté du 3 mars 2022, du recours formé par M. A... B... le 28 février 2022 devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, mentionne qu'en l'absence de réponse expresse de la commission, le recours est réputé rejeté dans un délai de deux mois à compter de sa réception, pour les mêmes motifs que ceux de la décision des autorités consulaires critiquée. Il résulte clairement de cette mention, et de ce qui a été dit au point 5, que la commission de recours a entendu s'approprier les motifs de la décision consulaire. Celle-ci se borne à indiquer que " les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables ". Elle ne comporte ainsi pas, de manière suffisamment précise, les considérations de fait permettant à l'intéressé de les contester utilement. Par suite, et alors même que M. et Mme A... B... n'ont pas sollicité préalablement la communication des motifs de cette décision, celle-ci est intervenue en méconnaissance des dispositions législatives citées au point 2.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pour ce motif de légalité externe.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt n'appelle pas d'autres mesures d'injonction que celles décidées par les premiers juges dans le jugement attaqué, de sorte que les conclusions à fin d'injonction réitérées en appel doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme A... B... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... A... B... et à Mme E... A... F... épouse A... B....
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03895