Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2203893 du 30 août 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2024, Mme B..., représentée par
Me Chaumette, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations des 1 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations et méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de Me Drouet, substituant Me Chaumette, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité algérienne, née le 1er septembre 1961, et entrée en France le 31 octobre 2000 en étant munie d'un visa de court séjour, relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 août 2023 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour alors que l'intéressée avait demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié :
" (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...). / 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme B... vit en France depuis 2000 d'une manière continue dans la mesure où il n'est fait état d'aucun retour ou séjour en Algérie depuis son arrivée en France. Mme B... a versé au dossier pour notamment les années 2011 et 2012 deux résultats d'examen de santé, des ordonnances médicales, une copie de cartes de réduction sur la tarification de transports en commun, deux avis d'imposition d'impôt sur le revenu au titre de ces deux années et une attestation d'assiduité à des ateliers sociaux. L'ensemble de ces pièces est suffisamment probant pour démontrer sa présence sur le territoire national pendant ces deux années. Mme B..., qui établit ainsi avoir résidé habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, est fondée à soutenir que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations précitées du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination.
5. Eu égard au motif d'annulation, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Chaumette, conseil de Mme B..., d'une somme de 1 000 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 août 2023 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 2 novembre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, à Mme B... un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros hors taxe au titre des dispositions des
articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à
Me Chaumette, conseil de Mme B....
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président
G. QUILLÉVÉRÉLa greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0049602