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08/11/2024 | FRANCE | N°23NT02939

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT02939


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juillet 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, d'enjoindre à l'OFII de procéder au calcul de l'allocation pour demandeur d'asile depuis la suspension de ses conditions matérielles d'accueil, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, et de condamner l'OFII à lui verser

le montant correspondant dans un délai de deux mois à compter de la notification d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juillet 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, d'enjoindre à l'OFII de procéder au calcul de l'allocation pour demandeur d'asile depuis la suspension de ses conditions matérielles d'accueil, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, et de condamner l'OFII à lui verser le montant correspondant dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 2007970 du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 mai 2023 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) d'enjoindre à l'OFII de procéder au calcul de l'allocation pour demandeur d'asile depuis le refus de ses conditions matérielles d'accueil, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, et de condamner l'OFII à lui verser le montant correspondant dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'OFII de réexaminer ses droits aux conditions matérielles d'accueil dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et de condamner l'OFII à lui verser le montant correspondant dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'OFII le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- l'OFII devra démontrer d'une part qu'il a bien été procédé à l'entretien de vulnérabilité prévu par la loi et d'autre part que l'agent qui a mené l'entretien avait bien reçu une formation spécifique à cette fin ; la personne qui a réalisé l'entretien n'est pas identifié ou est identifiable et il est impossible de savoir qui aurait réalisé l'entretien ;

- aucun avis médical n'a été sollicité par l'OFII alors qu'il l'avait demandé ;

- en prononçant une décision de suspension de ses conditions matérielles d'accueil sur le fondement de l'article L.744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFII a commis une erreur de droit ;

- à la date de la décision contestée, la France s'était déjà déclarée responsable de la demande d'asile du requérant ayant spontanément renoncé à lui appliquer la procédure " Dublin " et dans ces conditions, l'OFII était tenu de procéder à la reprise des conditions matérielles d'accueil ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 1er janvier 1997, de nationalité guinéenne, est entré sur le territoire français le 15 juin 2018. Il a sollicité l'asile auprès du préfet de la Loire-Atlantique et sa demande a été alors placée sous procédure " Dublin " le 4 juillet 2018. Le même jour, l'intéressé a accepté l'offre de prise en charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et a bénéficié des conditions matérielles d'accueil. Le 7 novembre 2018, il a fait l'objet d'un arrêté de transfert vers l'Espagne et d'un arrêté d'assignation à résidence. Il a exécuté ce transfert le 10 février 2020 puis a décidé de revenir en France où il a de nouveau demandé l'asile. Sa demande a été enregistrée d'abord en procédure " Dublin ", le 3 mars 2020, avec une attestation valable jusqu'au 2 avril 2020. Lors de son passage au guichet unique, ce même jour, il a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées par l'OFII et s'est vu simultanément notifier une intention de suspension des conditions matérielles d'accueil. Le 3 juin 2020, il a été convoqué à la préfecture de la Loire-Atlantique afin de voir enregistrer sa demande d'asile en procédure normale. Cette demande a été ainsi enregistrée le 9 juillet 2020. Par une décision du 8 juillet 2020, dont le requérant a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, l'OFII a suspendu ses conditions matérielles d'accueil. Par une ordonnance du 16 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l'exécution de la décision contestée et a enjoint à l'OFII de rétablir à M. B... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à titre provisoire. Par un jugement du 24 mai 2023, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation. M. B... fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, la décision contestée du 8 juillet 2020 comporte l'énoncé des motifs de droit et des considérations de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la capture d'écran de l'application Dispositif national d'accueil (DN@) de l'OFII, extraite du dossier AGDREF, que, le 4 juillet 2018, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile (GUDA) et du dépôt de sa demande de bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, M. B... a bénéficié d'un entretien dans une langue qu'il a déclaré comprendre et durant lequel sa situation a été évaluée, sans mettre en lumière des éléments particuliers de vulnérabilité. En outre, M. B... a bénéficié d'un entretien de réévaluation de besoins le 3 mars 2020, soit préalablement à la décision litigieuse, dont il ne ressort pas de facteurs particuliers laissant apparaître un état de vulnérabilité ou des besoins particuliers en matière d'accueil. L'agent de l'OFII, dont les initiales et le sexe sont précisés, a estimé sa vulnérabilité à 1 sur une échelle de 0 à 3 et aucun élément versé aux débats ne permet de remettre en cause l'appréciation alors portée. Si M. B... soutient que l'OFII devra démontrer que l'agent qui a mené l'entretien avait bien reçu une formation spécifique à cette fin, il n'apporte aucun commencement de preuve contraire, alors que l'OFII soutient que, dès leur recrutement, les agents reçoivent une formation afférente à leurs missions. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière faute qu'un " entretien de vulnérabilité " ait été conduit par un agent formé de l'OFII, doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que lors de l'entretien du 3 mars 2020, le requérant a fait état d'un problème de santé et a sollicité le bénéfice d'un avis médical dit " A... ". L'OFII fait valoir qu'une enveloppe a été remise à l'intéressé avec un certificat médical confidentiel à faire remplir par un médecin mais que M. B... n'a finalement pas retourné ce certificat médical. L'OFII produit une capture d'écran et les éléments précis qu'il mentionne ne sont pas contestés par M. B.... Par conséquent, le moyen tiré de ce qu'aucun avis médical n'a été sollicité par l'OFII alors que cela avait été demandé par l'intéressé doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévues à l'article L. 744-1 est subordonné : 1° A l'acceptation par le demandeur de la proposition d'hébergement ou, le cas échéant, de la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2. Ces propositions tiennent compte des besoins, de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur au regard de l'évaluation prévue à l'article L. 744-6, des capacités d'hébergement disponibles et de la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région ; 2° Au respect des exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes (...). ".

6. Par une décision n°s 428530, 428564 du 31 juillet 2019 Association La Cimade et autres, le Conseil d'Etat a jugé incompatibles avec les objectifs de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 les dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018. Toutefois, il a également jugé qu' " il reste possible à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, après examen de sa situation particulière et par une décision motivée, au demandeur qui a refusé le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation. Il lui est également possible, dans les mêmes conditions et après avoir mis, sauf impossibilité, l'intéressé en mesure de présenter ses observations, de suspendre le bénéfice de ces conditions lorsque le demandeur a quitté le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation ou n'a pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment de se rendre aux entretiens, de se présenter aux autorités et de fournir les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes ". Il en résulte que la décision contestée du 8 juillet 2020 pouvait prononcer la suspension des conditions matérielles d'accueil de M. B... à raison d'une méconnaissance des exigences des autorités chargées de l'asile, en se fondant sur l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 alors en vigueur, mentionnait la condition de respect de ces exigences comme subordonnant le bénéfice de ces conditions, la circonstance qu'avant l'intervention de cette loi, la possibilité de suspendre les conditions matérielles d'accueil pour un tel motif était prévue par l'article L. 744-8 étant sans incidence à cet égard. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'OFII aurait commis une erreur de droit en prononçant une décision de suspension des conditions matérielles d'accueil sur le fondement de l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que cet article ne prévoit pas explicitement une telle suspension, doit être écarté.

7. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a méconnu son obligation de respecter les exigences des autorités chargées de l'asile en présentant une nouvelle demande d'asile en France après avoir été transféré vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il n'est pas établi que M. B... aurait été empêché d'introduire sa demande d'asile en Espagne ou de faire valoir devant les autorités de ce pays les craintes qu'il éprouverait en cas de retour en Guinée. La nouvelle demande d'asile en France avait été enregistrée le 3 mars 2020 en procédure dite " Dublin ", ce qui implique que les autorités françaises n'avaient pas l'intention, à cette date, de l'examiner, étant fondées à engager une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable de la demande d'asile de l'intéressé. La circonstance postérieure que la France a décidé, le 9 juillet 2020, d'examiner sa nouvelle demande d'asile enregistrée en procédure normale et de le faire bénéficier à nouveau des conditions matérielles d'accueil est sans incidence sur la légalité de la décision contestée du 8 juillet 2020, alors même que la convocation à la préfecture du 3 juin 2020 pour l'enregistrement de la demande d'asile en procédure normale était antérieure à cette décision. Au vu de ces éléments, en suspendant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, l'OFII n'a pas méconnu les dispositions citées au point 5.

8. En sixième et dernier lieu, si le requérant soutient qu'il se trouve sans revenus et souffrant d'une parodontite sévère, ces éléments ne sont pas de nature à établir qu'il était particulièrement vulnérable à la date de la décision contestée. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Rodrigues Devesas et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02939


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02939
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt02939 ?
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