Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de procéder au versement rétroactif de l'allocation pour demandeur d'asile à compter du mois de février 2020 et d'enjoindre à l'OFII de rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter du mois de février 2020, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 2008591 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2023 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) d'enjoindre à l'OFII de rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter du mois de février 2020, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- aucune décision explicite et motivée n'a été prise, ce qui méconnaît l'article 20 de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'OFII devra démontrer d'une part qu'il a bien été procédé à l'entretien de vulnérabilité prévu par la loi et d'autre part que l'agent qui a mené l'entretien avait bien reçu une formation spécifique à cette fin ;
- l'OFII devra démontrer que le demandeur a bien été informé préalablement, et dans une langue qu'il comprend que le fait de refuser ou de quitter le lieu d'hébergement proposé ainsi que le non-respect des exigences des autorités chargées de l'asile entraîne de plein droit le refus ou, le cas échéant, le retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant érythréen né le 18 juin 1998, a présenté une demande d'asile en préfecture des Hauts-de-Seine le 16 mai 2018. Placé en procédure " Dublin ", il a fait l'objet d'un arrêté décidant de le transférer vers l'État membre responsable de sa demande d'asile mais il a été déclaré en fuite. Il a de nouveau sollicité l'asile en France le 21 février 2020. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de procéder au versement rétroactif de l'allocation pour demandeur d'asile à compter du mois de février 2020. Par un jugement du 7 juin 2023, dont il relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 20 de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 : " Limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil / 1. Les États membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur : a) abandonne le lieu de résidence fixé par l'autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l'avoir obtenue ; ou b) ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national ; ou c) a introduit une demande ultérieure telle que définie à l'article 2, point q), de la directive 2013/32/UE (...) 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs (...) ".
3. Si les termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur, ensemble, qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales prises à compter de cette date relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.
4. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " Lorsque le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article D. 744-38 du même code, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2019, alors en vigueur : " Lorsque le bénéfice de l'allocation a été suspendu, l'allocataire peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La reprise du versement intervient à compter de la date de la décision de réouverture. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié des conditions matérielles d'accueil pour les demandeurs d'asile à compter du 16 mai 2018. Il a également obtenu une place en hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile. Après avoir été prévenu, par le gestionnaire de l'hébergement, que M. B... avait abandonné son hébergement, l'OFII l'a, par courrier du 8 novembre 2018, informé de ce que les conditions matérielles d'accueil pouvaient cesser de lui être accordées et l'a invité à faire valoir ses observations. À l'expiration du délai accordé pour faire valoir des observations ou justifier d'un motif, la décision de suspension, qui n'a pas été contestée, est devenue définitive et l'OFII a mis fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil, se matérialisant par l'arrêt du versement de l'allocation pour demandeur d'asile à la fin du mois de novembre 2018. Placé en procédure " Dublin ", M. B... a fait l'objet d'un arrêté préfectoral décidant de le transférer vers l'État membre responsable de sa demande d'asile mais il a été déclaré en fuite le 6 décembre 2018. L'intéressé s'est ensuite maintenu irrégulièrement en France pendant plus d'un an, dans l'attente de l'expiration du délai de transfert. M. B... a de nouveau sollicité l'asile en France le 21 février 2020. Le requérant a présenté à l'OFII une demande de bénéfice des conditions matérielles d'accueil par courrier réceptionné le 3 avril 2020. Dans ces conditions, la décision implicite de refus prise par l'OFII doit être regardée comme un refus de rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil et non une décision de limitation ou de retrait du bénéfice de ces conditions, au sens des dispositions de l'article 20 de la directive citées au point 2. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. Enfin, il ne ressort pas des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4 que la décision refusant le rétablissement des conditions matérielles d'accueil doive être écrite et motivée.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le 16 mai 2018, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile (GUDA) et du dépôt de sa demande de bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, M. B... a certifié avoir été informé dans une langue qu'il comprend, avec le concours d'un interprète, des conditions et modalités de suspension, de retrait et de refus des conditions matérielles d'accueil. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'OFII devra démontrer que le demandeur a bien été informé préalablement, et dans une langue qu'il comprend que le fait de refuser ou de quitter le lieu d'hébergement proposé ainsi que le non-respect des exigences des autorités chargées de l'asile entraîne de plein droit le refus ou, le cas échéant, le retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil doit être écarté.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la capture d'écran de l'application Dispositif national d'accueil (DN@) de l'OFII extraite du dossier AGDREF, que, le 16 mai 2018, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile (GUDA) et du dépôt de sa demande de bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, M. B... a bénéficié d'un entretien dans une langue qu'il a déclaré comprendre et durant lequel sa situation a été évaluée, sans mettre en lumière des éléments particuliers de vulnérabilité. L'agent de l'OFII a estimé celle-ci à 1 sur une échelle de 0 à 3 et aucun élément versé aux débats ne permet de remettre en cause l'appréciation alors portée. En outre, M. B... a bénéficié d'un entretien de réévaluation de besoins le 21 février 2020, soit préalablement à la décision litigieuse, dont il ne ressort pas de facteurs particuliers laissant apparaître un état de vulnérabilité ou des besoins particuliers en matière d'accueil. S'il a fait état d'un problème de santé, il n'a produit aucun document médical et n'a pas sollicité un avis médical, alors qu'il lui était loisible de le faire. Si M. B... soutient que l'OFII devra démontrer que l'agent qui a mené l'entretien avait bien reçu une formation spécifique à cette fin, il n'apporte aucun commencement de preuve contraire, alors que l'OFII soutient que dès leur recrutement, les agents reçoivent une formation afférente à leurs missions. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière faute qu'un " entretien de vulnérabilité " ait été conduit par un agent formé de l'OFII, doit être écarté.
8. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait obstacle à l'exécution de l'arrêté de transfert dont il faisait l'objet et a été ainsi déclaré en fuite, M. B... n'apportant aucun commencement de preuve contraire. Si le requérant soutient qu'il se trouve dans une situation de vulnérabilité, en vivant à la rue sans moyens de subsistance, en ayant des séquelles à la suite d'une fracture du bras et des problèmes respiratoires, il ne l'établit pas par les documents produits. Le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Rodrigues Devesas et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23NT02938