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08/11/2024 | FRANCE | N°23NT00495

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT00495


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 20 décembre 2021 des autorités consulaires françaises à Athènes (Grèce) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleur salarié.



Par un jugement n° 2206056 du 30 janvier 2023, l

e tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours et enjoint ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 20 décembre 2021 des autorités consulaires françaises à Athènes (Grèce) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleur salarié.

Par un jugement n° 2206056 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité par M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- l'emploi pour lequel il a été recruté n'est pas en adéquation avec son expérience professionnelle ;

- il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2023, M. A..., représenté par Me Wak-Hanna demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par l'intéressé contre la décision des autorités consulaires françaises à Athènes refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié, et lui a enjoint de délivrer à M. A... le visa sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ne fait pas obstacle à ce que son entrée en France soit refusée par l'autorité compétente pour un motif d'intérêt général.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est titulaire d'une licence appliquée d'économie et de gestion, spécialité " restauration " délivrée le 6 juillet 2012 par l'université de Carthage et qu'à la date de la décision contestée, il était inscrit à l'université Aristote de Thessalonique, pour y apprendre le grec moderne, sous couvert d'un titre de séjour étudiant. L'emploi d'employé polyvalent proposé au sein d'une entreprise de restauration rapide gérée par certains membres de sa famille, à Savigny-sur-Orge, n'est pas directement en lien avec cette formation universitaire, et n'est pas en adéquation avec le profil professionnel de l'intéressé. Par suite, en estimant que cette inadéquation révélait un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Ainsi, c'est à tort que, pour annuler la décision implicite contestée, le tribunal s'est fondé sur l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la commission en estimant qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

5. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

6. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. Le sous-directeur des visas, au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, est chargé d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de court séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". L'article D. 312-8-1 du même code, applicable, en vertu de l'article 3 du même décret, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours. ".

7. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.

8. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, comme c'est le cas en l'espèce, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.

9. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception du recours formé par M. A... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France indique qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision des autorités consulaires. Celle-ci comporte une case cochée portant la mention suivante : " Il existe un risque de détournement de l'objet de visa à des fins de maintien illégal en France après l'expiration de votre visa ou pour mener en France des activités illicites ". Il résulte de ce qui précède que la décision contestée de la commission doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs ainsi exposés de la décision des autorités consulaires à Athènes.

11. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas dans lesquels un visa de long séjour en vue de l'exercice d'une activité professionnelle peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.

12. Il s'ensuit que lorsqu'une telle décision de refus de visa est fondée sur l'un de ces motifs et permet d'identifier, dans les circonstances de l'espèce, les raisons de ce refus, elle doit être regardée comme étant suffisamment motivée en droit comme en fait.

13. Ainsi qu'il a été dit, la décision contestée de la commission doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision des autorités consulaires qui est motivée par " l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins de maintien illégal en France après l'expiration du visa ou pour y mener des activités illicites ". Ces mentions permettaient à l'intéressé d'identifier les considérations de droit et de fait motivant ce refus, compte-tenu des pièces qu'il avait produites à l'appui de sa demande de visa, et, en conséquence, de discuter utilement ces motifs, de sorte que cette décision satisfait à l'exigence de motivation qui découle des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer à M. A... le visa de long séjour sollicité.

Sur les conclusions présentées en appel par M. A... tendant au prononcé d'une injonction sous astreinte :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la demande présentées par M. A... devant le tribunal administratif, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ce dernier doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées en appel par M. A... et celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00495


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00495
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : WAK-HANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt00495 ?
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