La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2024 | FRANCE | N°23NT00465

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT00465


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 2 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 janvier 2022 de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.



Par un jugement n° 2208879 du 13 février 2023, le t

ribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite née le 2 mai 2022 de la commission de rec...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 2 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 janvier 2022 de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.

Par un jugement n° 2208879 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite née le 2 mai 2022 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France (article 1er) et a prescrit d'office au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant dans un délai de deux mois (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2023, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif qui a écarté sa demande de substitution de motifs, la décision de refus contestée pouvait légalement être fondée sur ce que le projet d'études de M. B... manque de cohérence et de sérieux et sur ce que l'intéressé ne dispose pas de ressources suffisantes pour financer son séjour en France.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 13 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., la décision implicite née le 2 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par l'intéressé à l'encontre de la décision du 12 janvier 2022 de l'autorité consulaire française à Rabat lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant (article 1er) et a prescrit d'office au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... le visa d'entrée et de long séjour sollicité, dans un délai de deux mois (article 2). Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

3. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. Le sous-directeur des visas, au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, est chargé d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de court séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". L'article D 312-8-1 du même code, applicable, en vertu de l'article 3 du même décret, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours ".

4. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.

5. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.

6. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement. Si, dans l'hypothèse où la décision consulaire était motivée, une telle demande a néanmoins été présentée et l'autorité administrative y a explicitement répondu, cette réponse doit être regardée comme une décision explicite se substituant à la décision implicite de rejet initiale du recours administratif préalable obligatoire.

7. Il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire formé par M. B... devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France que l'intéressé a été informé de ce qu'en l'absence de réponse expresse sur son recours, celui-ci sera réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision des autorités consulaires. La décision de la commission de recours doit donc être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision du 12 janvier 2022 des autorités consulaires à Rabat. Cette dernière décision se borne à citer l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration et à indiquer, sans précision, que " les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables ". Elle n'énonce ainsi ni les considérations de droit, ni les considérations de fait propres à la situation du demandeur sur lesquelles elle est fondée. Il s'ensuit que le moyen tiré par M. B... de ce que la décision de la commission de recours n'est pas suffisamment motivée et méconnaît les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être accueillie.

8. En deuxième lieu, si le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de procéder à une substitution du motif de la décision contestée, cette éventuelle substitution ne saurait, en tout état de cause, remédier au vice de forme résultant de l'insuffisance de motivation de cette décision.

9. En troisième et dernier lieu, eu égard au motif d'annulation retenu au point 7, l'exécution du présent arrêt implique seulement que la commission de recours se prononce de nouveau sur la demande de visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant présentée par M. B....

10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes lui a prescrit d'office de faire délivrer à M. B... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant, d'autre part, qu'il n'est pas fondé à se plaindre, pour le surplus, de ce que, par ce même jugement, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite née le 2 mai 2022 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. B... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 février 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il fait injonction, dans son article 2, au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée par M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00465
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt00465 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award