Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 3 mars 2022 de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en qualité de visiteur.
Par un jugement n° 2212800 du 30 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 août et 23 octobre 2023, Mme A... B..., représentée par Me Lagrange, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 juin 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ou un visa de long séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'existe pas de risque de détournement de l'objet du visa ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante iranienne née le 21 mars 1957, a déposé une demande de visa de court séjour en qualité de visiteur auprès de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran), laquelle a rejeté cette demande par une décision du 3 mars 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 21 juillet 2022. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement du 30 juin 2023 de ce tribunal rejetant sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Téhéran, sur la circonstance qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
3. Aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...). ". Aux termes de l'article 14 du règlement n° 810/2009 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " Documents justificatifs / 1. Lorsqu'il introduit une demande de visa uniforme, le demandeur présente les documents suivants : (...) d) des informations permettant d'apprécier sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 21 du même règlement : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 de ce même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".
4. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., ressortissante iranienne née en 1957, a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour afin de rendre visite à son fils, qui a acquis la nationalité française et réside en France. Mme B... est propriétaire de deux biens immobiliers en Iran dont l'un qu'elle loue et qui lui apporte des revenus réguliers de 50 000 000 rials par mois soit environ 1 060 euros. Elle dispose également en Iran de deux comptes bancaires créditeurs. Par ailleurs, il résulte notamment de certificats médicaux produits que son fils ainé, qui réside également en Iran, souffre de schizophrénie, que son état de santé nécessite des soins permanents et la présence de ses parents à ses côtés. Si les certificats médicaux ont été établis postérieurement à la décision contestée, ils attestent d'un état de santé existant à la date de celle-ci. Enfin, Mme B... a obtenu plusieurs visas de court séjour dans différents pays, y compris en France en 2011, et il n'est pas contesté qu'elle en a toujours respecté la durée de validité. Par suite, en refusant la délivrance du visa de court séjour demandé au motif tiré de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de court séjour soit délivré à Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2212800 du 30 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 21 juillet 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de court séjour en France présentée pour Mme B... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B... un visa d'entrée et de court séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
S. PIERODÉ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02604