Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B..., agissant en qualité de tuteur de sa sœur, Mme C... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 9 novembre 2021 des autorités consulaires françaises à Alger refusant de délivrer à Mme C... B... un visa de long séjour en qualité de membre de la famille d'un ressortissant britannique bénéficiaire de l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Par un jugement n° 2205757 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, M. D... B..., agissant en qualité de tuteur de sa sœur Mme C... B..., et Mme C... B..., représentés par Me Mouheb, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 2 mars 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un visa au titre du regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de condamner l'Etat à leur rembourser les frais de visas exposés ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision consulaire contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des articles 3 b) et 5 du décret du 19 novembre 2020 applicable aux ressortissants britanniques ; Mme B... est à charge A... B... et ils ont été empêchés de déposer une demande de visa avant le 1er janvier 2021 ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les frais de visa acquittés seront remboursés eu égard aux dispositions de l'article 5 du décret du 19 novembre 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1417 du 19 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport A... Rivas,
- et les conclusions A... Frank, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant britannique né le 27 août 1981, réside sur le territoire français depuis 2020. Mme C... B..., sa sœur algérienne née le 9 août 1965 dont il est devenu le tuteur légal par un jugement algérien du 20 juin 2019, a sollicité la délivrance d'un visa auprès des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie), en qualité de membre de la famille d'un ressortissant britannique bénéficiaire de l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Par une décision du 9 novembre 2021, ces autorités ont refusé de délivrer le visa sollicité. Par une décision du 2 mars 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 26 mai 2023, dont M. B... et Mme B... relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. Si M. et Mme B... soutiennent que la décision consulaire du 9 novembre 2021 est insuffisamment motivée, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, statuant au terme d'un recours administratif préalable obligatoire, s'est substituée à la décision initiale de refus de visa prise par les autorités consulaires. En conséquence, le moyen soulevé est inopérant. Par ailleurs, la décision contestée du 2 mars 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est suffisamment motivée dès lors qu'elle énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle repose. En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour refuser le visa de long séjour sollicité pour Mme B... en application des dispositions du décret du 19 novembre 2020 concernant l'entrée, le séjour, l'activité professionnelle et les droits sociaux des ressortissants étrangers bénéficiaires de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, dans sa décision du 2 mars 2022, sur la circonstance que l'intéressée n'a pas exercé son droit au séjour en France avant le 1er janvier 2021 ou entamé des démarches pour rejoindre M. B..., en France, avant cette même date.
5. Aux termes de l'article 5 du décret du 19 novembre 2020 concernant l'entrée, le séjour, l'activité professionnelle et les droits sociaux des ressortissants étrangers bénéficiaires de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie : " A compter du 1er janvier 2021 et jusqu'au 30 septembre 2021, les ressortissants britanniques mentionnés à l'article 3 ont, sous réserve de l'article 28, le droit d'entrer en France s'ils sont munis d'un passeport en cours de validité et des documents justifiant qu'ils bénéficient de l'accord de retrait, s'ils ne sont pas encore en possession du titre de séjour ou du document de circulation délivré dans les conditions fixées par le présent décret. A compter du 1er octobre 2021, ces ressortissants devront être munis d'un passeport en cours de validité et, selon le cas, d'un titre de séjour ou d'un document de circulation pour entrer en France. / A compter du 1er janvier 2021, les membres de la famille d'un ressortissant britannique mentionnés aux 3° et 4° de l'article 3, qui ne sont ni de nationalité britannique, ni citoyens de l'Union européenne ou ressortissant d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, sont, sous réserve de l'article 28, admis sur le territoire français s'ils sont munis d'un passeport en cours de validité, d'un titre de séjour délivré par la France portant la mention " Article 50 TUE/Article 18(1) Accord de retrait du Royaume-Uni de l'UE " ou d'un visa d'entrée sauf s'ils en sont dispensés en raison de leur nationalité. / Lorsqu'il est requis, le visa d'entrée est délivré gratuitement par l'autorité consulaire dans les meilleurs délais et dans le cadre d'une procédure accélérée, sur justification du lien familial.(...) " Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les articles 5 à 33 du présent décret s'appliquent aux ressortissants étrangers relevant des situations suivantes : / (...) 3° Le membre de la famille d'un ressortissant britannique, qui a exercé le droit de résider en France avant le 1er janvier 2021 et continue à y résider par la suite, ou qui a engagé avant cette date les démarches pour le rejoindre, en sollicitant la délivrance d'un visa auprès des autorités consulaires, dans le cas où il y est soumis, s'il satisfaisait avant cette date et satisfait toujours au moment de sa demande à l'une des conditions suivantes : / (...) b) Il est, dans le pays de provenance, à charge du ressortissant britannique mentionné au 1° ou au 5°, ou fait partie de son ménage, ou requiert impérativement une prise en charge personnelle par le ressortissant britannique mentionné au 1° ou au 5°, pour des raisons médicales graves ;(...). ". Enfin, aux termes de l'article 4 dudit décret : " Les ressortissants britanniques et les membres de leur famille qui ne relèvent pas de l'article 3 sont soumis, à compter du 1er janvier 2021, aux dispositions des titres II et III du livre Ier ou à celles du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ".
6. Il est constant qu'aucune demande de visa n'a été déposée pour Mme B... avant le 1er janvier 2021 auprès des autorités consulaires françaises, en méconnaissance des dispositions précitées du 3° de l'article 3 du décret du 19 novembre 2020. Si M. et Mme B... font valoir qu'ils n'ont pu procéder à cette demande en raison de la fermeture, à compter du 17 mars 2020, des services consulaires français en Algérie du fait de la pandémie de Covid-19, le ministre établit qu'à compter du 2 septembre 2020, il était possible de déposer dans ce pays des demandes de visa de long séjour ou d'établissement en France. Par suite, alors même que les autres conditions prévues par le décret du 19 novembre 2020 seraient remplies, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que la décision contestée méconnaitrait les dispositions citées au point précédent.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est une ressortissante algérienne atteinte d'une maladie chronique et de plusieurs handicaps reconnus par les autorités algériennes à un taux de 100 % d'incapacité. Par un jugement du 19 juin 2020 du tribunal pour les affaires familiales de Hadjoub (Algérie), et suite au décès du père A... et Mme B..., M. B... a été désigné comme tuteur de sa sœur. Cependant, il ressort également des pièces du dossier que Mme B..., née en 1965, n'est pas isolée en Algérie, où elle a toujours vécu, et où résident sa mère et d'autres membres de sa fratrie. Par suite, et alors même que l'un de ses frères, ressortissant britannique établi en France depuis 2020, a été désigné comme son tuteur, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les conclusions à fin de remboursement des frais de visa :
9. Il résulte des dispositions de l'article 5 du décret du 19 novembre 2020, citées au point 5, que, dans les hypothèses qu'il définit, le visa d'entrée en France est délivré gratuitement par l'autorité consulaire. Il ressort cependant de ce qui a été exposé au point 6 que Mme B... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un visa dans ce cadre. En conséquence, et en tout état de cause, les conclusions présentées pour la première fois en appel par M. et Mme B... tendant au remboursement des frais de visa acquittés à l'occasion de cette demande de visa ne peuvent qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à la demande de première instance A... et Mme B..., que ceux-ci ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande et à demander, devant la cour, le remboursement de frais de visa. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête A... et de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02446