Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter du 1er septembre 2018.
Par un jugement n°2102479 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, en tant qu'elle lui refuse l'attribution de B... pour la période du 1er septembre 2018 au 13 mars 2019 (article 1er), a enjoint à celui-ci d'attribuer cette NBI à l'intéressée pour la même période (article 2), a condamné l'Etat à Mme A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressée (article 4).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 août 2023 et le 25 septembre 2024, Mme A..., représentée par Me Derveaux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 juin 2023, en tant que, par son article 4, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, tendant à bénéficier de B... pour la période postérieure au 13 mars 2019 ;
2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui verser B... correspondant aux fonctionnaires de catégorie B, puis A de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse à compter du 1er septembre 2018 et pour l'avenir, soit une somme estimée à un montant à parfaire de 16 909, 20 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a relevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public et qui n'a pas été soumis à la discussion des parties, selon lequel le schéma local de sécurité et de prévention de la délinquance de Vannes 2019-2021 et le contrat de sécurité intégrée de la ville de Vannes pour 2022-2026 ne correspondraient pas au contrat local de sécurité visé par décret du 14 novembre 2001.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le contrat de sécurité intégré n'est pas synonyme de contrat local de sécurité ;
- le contrat de sécurité intégrée correspond au contrat local de sécurité, dont les signataires et les objectifs sont les mêmes, et comme cela ressort du courrier du Premier Ministre aux préfets en date du 16 avril 2021 sur la mise en œuvre des contrats de sécurité intégrée ;
- elle justifie remplir les conditions pour bénéficier de B... à compter du 1er septembre 2018 et au moins jusqu'à la fin de ce contrat de sécurité intégrée en 2026.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 ;
- l'arrêté interministériel du 14 novembre 2001 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère ;
- l'arrêté ministériel du 4 décembre 2001 fixant par département les emplois éligibles à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique,
- et les observations de Me Derveaux, avocate de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... exerce les fonctions d'éducatrice au sein de l'unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Vannes depuis le 1er septembre 2018. Le 15 janvier 2021, elle a sollicité l'attribution de B... à compter de sa date d'affectation au sein de cette structure. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Rennes pour demander l'annulation de cette décision. Par un jugement du 15 juin 2023, le tribunal a annulé cette décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, en tant qu'elle lui refuse l'attribution de B... pour la période du 1er septembre 2018 au 13 mars 2019 et a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'annulation. Mme A... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus du bénéfice de B... pour la période postérieure au 13 mars 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice : " Une nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires titulaires du ministère de la justice exerçant, dans le cadre de la politique de la ville, une des fonctions figurant en annexe au présent décret. ". Aux termes de l'annexe au décret du 14 novembre 2001, qui définit les fonctions concernées par l'attribution de B... : " (...) Fonctions de catégories A, B ou C de la protection judiciaire de la jeunesse : 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville 2. En centre d'action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité. ".
3. D'autre part, les contrats locaux de sécurité, définis par la circulaire du 28 octobre 1997 NOR : INTK9700174, sont des outils d'une politique de sécurité s'appliquant en priorité aux quartiers sensibles, conclus sous l'impulsion du maire d'une ou plusieurs communes et du représentant de l'Etat dans le département, lorsque la délinquance est particulièrement sensible sur un territoire donné.
4. Pour bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire prévue par l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 précité, les fonctionnaires titulaires du ministère de la justice figurant en annexe à ce décret entendant se prévaloir de la condition prévue au point 3 de cette annexe doivent apporter la preuve, par tout moyen, qu'ils accomplissent la majeure partie de leur activité dans le ressort territorial d'un ou plusieurs contrats locaux de sécurité, quel que soit par ailleurs leur lieu d'affectation.
5. Les contrats locaux de sécurité (CLS) reposaient sur un partenariat entre l'Etat et des collectivités locales, principalement, et sur des actions de proximité. Ils impliquaient l'ensemble des acteurs qui, au plan local, étaient en mesure d'apporter une contribution à la sécurité, au premier rang desquels les préfets, les procureurs, les maires, ainsi que les acteurs de la vie sociale (bailleurs sociaux, sociétés de transport public, établissements commerciaux...). Les contrats de sécurité intégrée constituent quant à eux un nouvel outil partenarial reposant sur un diagnostic partagé prenant en compte les dimensions sécurité intérieure, justice, prévention de la délinquance, sécurité dans les transports, éducation et lutte contre la radicalisation et le séparatisme, dont l'objectif est de renforcer les coopérations et les engagements réciproques entre l'État et les collectivités territoriales dans les domaines de la sécurité du quotidien, la justice de proximité et l'aide aux victimes. Cet outil est élargi à l'ensemble du spectre de la sécurité intérieure afin d'aboutir à l'intégration de dispositifs existants ou à la création de nouveaux dispositifs concertés. Par un courrier du 16 avril 2021 sur la mise en œuvre des contrats de sécurité intégrée, adressé aux préfets par le Premier ministre, ce dernier mentionne d'ailleurs : " (...) l'analyse de l'opportunité d'un contrat de sécurité intégrée doit comprendre la création ou l'intégration d'autres dispositifs déjà validés ou envisagés sur le même territoire, ainsi il inclut, sous un chapeau large et cohérent, les cadres contractuels existants (stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance, contrats locaux de sécurité, contrats au titre de la politique de la ville, convention de coordination...) qui le déclinent. ". Dès lors que les contrats de sécurité intégrée couvrent le même territoire que les contrats locaux de sécurité, qu'ils se sont substitués aux schémas locaux de sécurité et de prévention (SLSPD), qui eux-mêmes ont succédé aux contrats locaux de sécurité, qu'ils impliquent des responsabilités élargies pour atteindre les mêmes objectifs et mobilisent les mêmes acteurs, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué et pour lui refuser le bénéfice de B... pour la période postérieure au 13 mars 2019, le tribunal a estimé que le contrat local de sécurité n'était pas assimilable au contrat de sécurité intégré, déclinant un même objectif sous une nouvelle terminologie.
6. En l'espèce, Mme A... fait valoir sans être contredite qu'elle exerce la majeure partie de son activité dans le ressort territorial du schéma local de sécurité et de prévention de la délinquance 2019-2021 de Vannes, signé le 13 mars 2019, ayant succédé aux trois contrats locaux de sécurité de Vannes qui ont couvert la période 1998-2019, auquel a lui-même succédé le contrat de sécurité intégré de la ville de Vannes sur la période 2022-2026. Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice en tant qu'elle a rejeté sa demande d'attribution de B... à compter du 13 mars 2018.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement en cause, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, en tant qu'elle lui a refusé l'attribution de B... pour la période postérieure au 13 mars 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le jugement attaqué ayant déjà enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'attribuer à Mme A... B... pour la période du 1er septembre 2018 au 13 mars 2019, les conclusions aux mêmes fins qu'elle présente en appel sont dépourvues d'objet et donc irrecevables. En revanche, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'accorder à Mme A... le bénéfice de B... à compter du 14 mars 2019, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2102458 du 15 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant que, par son article 4, il a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A..., tendant à bénéficier de B... pour la période postérieure au 13 mars 2019.
Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'accorder à Mme A... le bénéfice de B... à compter du 14 mars 2019, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 octobre 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT02431